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Lorsque l’on est satisfait du service dans un restaurant ou un café, il est d’usage de manifester cette satisfaction en gratifiant le personnel d’un pourboire. Mais pourquoi ne faisons-nous pas de même avec le personnel de cabine des avions?
Lorsque l’industrie du transport aérien est devenue commerciale après la Première Guerre mondiale, elle a dû convaincre les clients sceptiques que les vols étaient effectués en toute sécurité. Une des stratégies était de faire sentir aux passagers que tout l’équipage était capable et désireux de veiller à sa sécurité. Cela incluait les stewards, les précurseurs des hôtesses de l’air, qui étaient toujours des hommes. Mais quels hommes recruter ? L’employé par défaut aurait dû être un Américain d’origine africaine. Les principaux concurrents des compagnies aériennes, les sociétés de navigation et les compagnies ferroviaires, sur le modèle desquels elles s’étaient basées, employaient largement des porteurs et des stewards noirs. Mais les compagnies aériennes ont pensé que les passagers, des Blancs en très grande majorité, ne se seraient pas sentis à l’aise à l’idée de confier leur vie entre les mains de Noirs. Ils ont donc recruté des hommes blancs à la place.
Dans son livre Feminity in Flight, Kathleen Barry écrit ce qui suit à ce sujet:
«Avec les uniformes qui rappelaient les tenues de style naval des pilotes, les stewards rassuraient les passagers en leur suggérant que les hommes blancs dans la cabine aussi bien que dans le cockpit étaient compétents et qu’ils maitrisaient les opérations ».
Mais si les stewards étaient si capables et appréciés, pourquoi ne pas les gratifier d’un pourboire ? Parce que les pourboires étaient destinés aux Noirs. Il semblait évident de donner des pourboires aux porteurs noirs des trains et des bateaux, mais selon Barry, donner un pourboire à un Blanc aurait été l’équivalent d’une insulte. Un journaliste, écrivant en 1902, a bien décrit l’état d’esprit de cette époque lorsqu’il a exprimé son choc et sa consternation à l’idée qu’un « natif d’origine américaine puisse consentir » à accepter un pourboire. « Les pourboires vont avec une servilité », en avait dit-il. En accepter un était équivalent à affirmer « Je suis moins que vous ».
Cette interprétation du sens à donner à un service gratuit, combinée avec le besoin des compagnies aériennes d’inspirer confiance, et au racisme ordinaire, explique pourquoi nous ne donnons toujours pas de pourboires aux membres des équipages de cabine.