Voilà un peu plus d’un an que le scandale Evergrande a éclaté en Chine. Ce géant aux pieds d’argile, avec sa dette à 300 milliards de dollars, était l’arbre qui cachait la forêt d’un secteur en crise. 12 mois plus tard, la Chine n’en a certainement pas fini avec sa crise immobilière. Mais Pékin ne viendra pas à son secours, comme a pu le faire l’Occident avec le secteur bancaire en 2008-2009.
Pourquoi la Chine ne renflouera pas son secteur de l’immobilier toujours en crise

Pourquoi est-ce important ?
Le secteur immobilier pèse directement et indirectement pour 25% du PIB chinois. Depuis plus de 12 mois, ses atermoiements plombent la relance chinoise, déjà plombée par la politique zéro-covid. Une croissance chinoise en berne est une croissance mondiale au ralenti.Dans l’actu
- Les analystes sont quasiment unanimes : la Chine ne renflouera pas directement les promoteurs immobiliers en difficulté. Barclays, la Commerzbank et plusieurs experts locaux ne voient pas le gouvernement de Xi Jinping dépenser des milliards pour remettre les comptes dans le vert.
« Je doute que le gouvernement renfloue directement les promoteurs immobiliers, même s’il peut continuer à demander aux banques et aux entreprises d’État d’aider certains promoteurs en difficulté », a déclaré Tommy Wu, économiste principal pour la Chine chez Commerzbank, cité par CNBC.
Le contexte
- Du jamais vu. Selon les données de Barclays, le déclin immobilier chinois se poursuit pour le 10e trimestre consécutif. Soit une période ininterrompue de plus de 2 ans, indique le rapport qui a été publié le 13 octobre dernier.
- La crise est profonde : certains acheteurs ont refusé de payer leur hypothèque en raison des retards de construction. Les ventes sont en baisse et les promoteurs immobiliers ont du mal à rembourser leurs dettes.
- Bien sûr, tout le monde s’inquiète du phénomène de bulle. La croissance du secteur immobilier de ces dernières décennies a largement été possible grâce à l’endettement des promoteurs. Les prix ont grimpé en flèche, obligeant les familles à s’endetter à leur tour.
- À eux seuls, les passifs d’Evergrande, de Kaisa et de Shimao s’élevaient à plus de 2.600 milliards de yuans (345 milliards de dollars) à la mi-2021, date à laquelle les problèmes financiers des trois promoteurs se sont aggravés.
- Pour l’heure, Pékin aide surtout le secteur de manière indirecte en réduisant les taux hypothécaires. L’objectif est aussi de se concentrer sur les logements qui ont déjà été vendus, mais qui n’ont pas encore été achevés.
- La patate chaude a été refilée à l’échelon local. Au cours des derniers mois, le gouvernement central a confié aux autorités locales la responsabilité de résoudre les problèmes immobiliers.
L’essentiel
- Selon un rapport de S&P Global Ratings, publié en septembre, le marché immobilier aurait besoin de 700 milliards de yuans (98,59 milliards de dollars) à 800 milliards de yuans « pour s’assurer que les promoteurs en difficulté puissent achever les maisons pré-vendues ».
- Mais un tel fonds n’est jamais apparu et rien n’indique qu’il le sera dans un avenir proche. La question est donc le pourquoi ?
- D’abord, la Chine ne peut plus forcément se le permettre. Sa politique zéro-covid plombe son économie et ses finances. Le gouvernement central chinois a collecté environ 9,15 billions de yuans (1,26 billion de dollars) de recettes publiques totales en 2021, selon le ministère des Finances. Contre de 6,36 billions de yuans sur les 8 premiers mois de l’année, en baisse de 10% par rapport à l’année précédente.
- Ensuite, il y a la perception sociale. Les Chinois auraient du mal à comprendre qu’on vienne en aide aux géants de l’immobilier, alors que ce sont leurs méthodes qui ont créé le marasme actuel. De nombreux Chinois n’ont toujours rien vu de leur bien immobilier acheté il y a plusieurs années. Et la colère monte.
- Et il ne faut pas oublier que c’est Pékin qui a initié la crise actuelle en réprimant le recours à l’endettement des promoteurs en 2020. Xi Jinping, via sa nouvelle politique de la « prospérité commune », veut se débarrasser des magnats de l’immobilier (ou de la tech d’ailleurs) qui affichent leurs richesses.
Et maintenant ?
- La Chine a en fait plus d’un chat à fouetter. La première de ses préoccupations est de relancer son économie.
- Mais elle se met toute seule une balle dans le pied : ce sont en effet Xi Jinping et le gouvernement central qui ont décidé de réprimer le secteur de l’immobilier et de la tech, entre autres. Ce sont encore eux qui décident de mener une politique sanitaire hyper stricte, comme nulle part ailleurs dans le monde.
- Et la reconduction de Xi Jinping pour un 3e mandat ne devrait pas changer la donne. Ce qui a d’ailleurs plombé les marchés, avec un yuan à son plus bas historique.