Pour ces scientifiques, plus aucun doute: une seconde dose pour les personnes qui ont eu le Covid-19, c’est du ‘gâchis’

Depuis plusieurs semaines, l’idée circule dans le milieu médical : et si les personnes qui ont déjà été infectées par le Covid-19 n’avaient besoin que d’une seule dose pour être totalement immunisé. Une récente étude confirme officiellement cette hypothèse. Elle va même plus loin : la seconde dose pour les personnes qui ont déjà une immunité naturelle est inutile.

Les personnes qui ont déjà eu le Covid-19 montrent ‘une immunité 10 à 45 fois supérieure à celles sans immunité naturelle après la première dose’. C’est ce qu’affirment 32 chercheurs de l’école de médecine Icahn de Mount Sinaï à New York dans une lettre publiée mercredi dans The New England Journal of Medecine. Ils vont même plus loin en expliquant que la seconde dose n’a pas produit d’immunité supplémentaire aux personnes qui avaient déjà été infectées avant le vaccin.

Ces chercheurs se basent sur une étude, regroupant 110 patients, dont 43 avaient déjà des anticorps suite à une précédente infection. Les autres étaient ‘séronégatifs’, comme l’expliquent les auteurs. 21 jours après l’injection de la première dose, soit le temps dont a besoin le vaccin pour faire effet, les ‘séropositifs’ avaient tous une immunité plus importante que les séronégatifs. Après la seconde dose, l’immunité des séropositifs n’augmentait pas, mais restait supérieure à celle des séronégatifs.

Au final, les chercheurs concluent qu’une seule dose pour les personnes ayant déjà des anticorps donnait un taux d’anticorps ‘similaire ou supérieur aux taux trouvés chez les participants séronégatifs ayant reçu deux vaccinations’. Ce qui fait dire à Akiko Iwasaki, immunologiste à Yale, qu’une seconde dose pour les personnes immunisées naturellement est ‘une dose gâchée’.

Une hypothèse plusieurs fois validée

Ce n’est pas la première fois que des scientifiques valident cette hypothèse. Début février, plusieurs études indépendantes venant des États-Unis et du Royaume-Uni ont proposé l’idée qu’une seule dose serait nécessaire pour les personnes ayant été touchées le Covid-19. Ils l’ont notamment déduit en vérifiant l’immunité du personnel soignant. Les infirmières qui avaient contracté la maladie montraient, dès la première dose, des taux d’anticorps comparables aux taux habituels après la vaccination au complet, soit deux injections pour les vaccins de Moderna et Pfizer.

Pour les spécialistes en immunologie, cette hypothèse est tout à fait valable scientifiquement. Le corps d’une personne déjà infectée par le virus reconnait l’agresseur. Quand le vaccin est inoculé, même à la première dose, le système immunitaire recommence très rapidement à produire des anticorps, ce qui fait grimper l’immunité. La première dose fait donc déjà office de booster, comme le fait la seconde injection sur les personnes qui ne reconnaissent pas encore le virus.

Accélérer la vaccination

Cette découverte, plusieurs fois démontrée, permettrait de vacciner plus de monde. Aux États-Unis, par exemple, on estime que 29 millions de personnes ont été infectées par le Covid-19. Si une seule dose leur était donnée, plutôt que deux, le calcul est simple, c’est 29 millions de doses épargnées. Et elles permettraient de vacciner près de 15 millions d’Américains non immunisés.

En France, la Haute autorité de la Santé a publié un avis favorable à la vaccination en une seule dose concernant ce groupe cible. Mais pour qu’elle soit vraiment efficace, l’injection doit être réalisée au moins 3 mois après l’infection, le temps que le corps créé sa propre immunité. Toutefois, cette indication n’a pas encore modifié le programme français de vaccination.

En Belgique, la cheffe du groupe CDH à la Chambre, Catherine Fonck, a repris cet avis pour demander au gouvernement de le faire appliquer chez nous afin d’accélérer la vaccination. Mais la Task Force vaccination a décidé mi-février que cela ne se ferait pas et que tout le monde aurait deux doses pour les vaccins de Moderna, Pfizer et AstraZeneca.

Les arguments contre

Deux arguments s’opposent à imposer les deux doses, même pour les personnes déjà immunisées.

Le premier est scientifique. Aujourd’hui, les experts en immunologie ne savent pas encore dire combien de temps dure l’immunité naturelle d’une personne à la suite d’une infection. Cela signifie que si elle ne reçoit qu’une dose, son taux d’anticorps pourrait diminuer plus vite que prévu et il faudrait recommencer toute la vaccination. Toutefois, les industries pharmaceutiques ne savent pas non plus dire aujourd’hui la durée de l’immunité induite par le vaccin. Son efficacité pourrait n’être que de quelques mois ou quelques années.

Le second argument concerne la logistique. En effet, pour savoir quelles sont les personnes qui présentent déjà une immunité naturelle avant la première injection, il faudrait faire des tests sérologiques à tout le monde, ce qui demande aussi énormément de temps. C’est d’ailleurs cet argument qui a fini par convaincre la Task Force belge de ne pas adopter cette méthode à une seule dose.

Début mars, Yves Van Laethem expliquait ‘qu’aucune donnée scientifique ne soutient comme suffisamment efficace l’administration d’une dose unique’ de l’un des trois vaccins contre le Covid-19 disponibles en Belgique, soit ceux de Pfizer/BioNTech, Moderna et AstraZeneca. Le Conseil supérieur de la Santé ne s’est donc pas positionné sur la question.

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