Le Premier ministre français, Edouard Philippe, a présenté ce mardi après-midi le plan de déconfinement progressif élaboré par son gouvernement et dont la première phase débutera le 11 mai prochain. Plusieurs différences sont à noter par rapport à la stratégie qui sera mise en place en Belgique dès le 4 mai.
‘Jamais le pays n’avait été confiné comme il l’est aujourd’hui. De toute évidence, il ne peut l’être durablement (…) Nous savons par l’intuition ou par l’expérience qu’un confinement prolongé au-delà du strict nécessaire, aurait, pour la nation, des conséquences gravissimes’, a déclaré Edouard Philippe devant l’Assemblée nationale.
Le Premier ministre français a souligné que le confinement a constitué une étape nécessaire, qui aura permis d’éviter au moins 62.000 décès sur un mois, mais qui aurait également des ‘effets délétères’ si elle devait être prolongée trop longtemps.
‘Vivre avec le virus, agir progressivement, adapter localement’
La stratégie française pour le déconfinement sera fondée sur trois grands principes, a détaillé Edouard Philippe: ‘vivre avec le virus, agir progressivement, adapter localement’.
‘Nous allons devoir vivre avec le virus’, a-t-il en effet prévenu. ‘Dès lors qu’aucun vaccin n’est disponible à court terme, qu’aucun traitement n’a à ce jour démontré son efficacité et que nous sommes loin d’avoir atteint la fameuse immunité de groupe, le virus va continuer à circuler parmi nous. Ce n’est pas réjouissant, mais c’est un fait.’
Le gouvernement français a donc décidé d’entamer le déconfinement ‘progressif’ du pays à partir du 11 mai. Le risque d’une deuxième vague de la maladie ‘impose de procéder avec prudence, progressivement, sûrement, en reprenant notre vie selon des modalités qui permettent, semaine après semaine, de vérifier que nous maîtrisons le rythme de circulation du virus’, a précisé Edouard Philippe, qui a prévenu que si les indicateurs de contrôle de l’épidémie se détérioraient, le processus du déconfinement serait interrompu.
Enfin, le plan de déconfinement sera affiné en concertation avec les associations d’élus locaux, les préfets et les partenaires sociaux pour s’adapter aux multiples réalités du terrain d’ici au 11 mai.
Le déconfinement sera différencié entre les départements ‘verts’, où il sera plus souple, et ‘rouges’, où il sera plus stricte. Trois critères seront analysés: la circulation active du virus, les capacités hospitalières en réanimation et le système local de tests et de détection des contacts.
Quelles différences avec la Belgique?
Au niveau des masques:
Edouard Philippe a affirmé qu’il était ‘préférable’, dans ‘de nombreuses circonstances’, de ‘porter un masque’, comme le recommandent désormais les experts.
Comme son homologue belge Sophie Wilmès, le Premier ministre français a assuré qu’il y aurait ‘assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai’. Le gouvernement entend jouer un rôle organisateur afin que la répartition des masques disponibles se fasse de manière équitable. Les entreprises devront ‘veiller à équiper leurs salariés’ et les particuliers sont invités ‘à se confectionner eux-mêmes des masques’.
‘Progressivement, nous parviendrons à une situation classique, où les Français pourront sans risque de pénurie se procurer des masques grand public dans tous les commerces’, a assuré Edouard Philippe.
Mais tout comme en Belgique, cette promesse ne convainc pas tout le monde.
Contact tracing:
Alors que Sophie Wilmès n’avait pas abordé cette question vendredi dernier, Edouard Philippe a lui évoqué la question du traçage des contacts des personnes contaminées par le Covid-19 via une application pour smartphone.
‘Le débat est prématuré’, a-t-il dit car la fameuse application StopCovid n’est pas encore prête. Une fois qu’elle fonctionnera et avant sa mise en oeuvre, ‘nous organiserons un débat spécifique, suivi d’un vote spécifique.’
Par contre, des ‘brigades’ seront mises en place dans chaque département pour identifier les contacts des personnes testées positives. Le même type de dispositif est également en place en Belgique.
Écoles:
Par ‘impératif pédagogie’ et dans un soucis de ‘justice sociale’, les établissements scolaires français vont rouvrir à partir du 11 mai. Mais contrairement à ce qui a été décidé en Belgique, la France va commencer par les élèves les plus jeunes et remonter dans les âges, semaine après semaine.
Le gouvernement ‘propose une réouverture très progressive des maternelles et de l’école élémentaire à compter du 11 mai, partout sur le territoire, et sur la base du volontariat. Dans un deuxième temps, à compter du 18 mai, mais seulement dans les départements où la circulation du virus est très faible, nous pourrons envisager d’ouvrir les collèges, en commençant par la 6e et la 5e.’ Concernant les lycées, une décision sera prise à la fin du mois de mai.
Il ne pourra y avoir plus de 15 élèves par calasse, des mesures strictes seront mises en place et les enseignants seront masqués. Le port du masque sera par ailleurs interdit pour les maternelles, pas recommandé pour les élémentaires et obligatoire pour les collégiens.
Quant aux crèches, elles pourront rouvrir mais seulement avec des groupes de maximum 10 enfants et le port du masque sera obligatoire pour les puéricultrices.
Tests:
Le Premier ministre français a réaffirmé l’objectif des 700.000 tests par semaine à partir du 11 mai. Les personnes positives et les membres de leur foyer devront rester confinés pendant 14 jours.
Chez nous, l’un des prérequis au déconfinement est de pouvoir être en capacité d’effectuer 25.000 tests quotidien. Au vu de derniers chiffre communiqués par Sciensano, on en est loin…
Réunions:
Les rassemblements jusqu’à 10 personnes seront à nouveau autorisés dès le 11 mai. En Belgique, il faudra attendre le 18 mai, au mieux, pour que cette liberté soit accordée.
Commerces:
Tous les commerces pourront rouvrir à partir du 11 mai, à l’exception des cafés et des restaurants. Le port du masque sera recommandé lorsque la distanciation est impossible. Un gérant pourra refuser l’entrée aux clients qui ne portent pas de masque.
Pour les bars et les restaurants, une décision sera prises fin mai pour une réouverture éventuelle après 2 juin. La même chose sera valable pour les cinéma, théâtres, grands musées, etc. Les petits musées par contre pourront à nouveau être accessibles dès le 11 mai.
Globalement la même chose qu’en Belgique, sauf que la réouverture se fera en deux temps dans notre pays, les 4 et 11 mai.
Les préfets auront par ailleurs autorité pour maintenir fermés les centres commerciaux de plus de 40.000 m2 s’ils estiment qu’ils risquent d’entraîner une trop forte affluence.
‘Les marchés, pour lesquels l’interdiction est aujourd’hui la règle et l’autorisation l’exception, seront en général autorisés, sauf si les maires ou les préfets estiment qu’ils ne peuvent faire respecter les gestes barrières’, a également précisé Edouard Philippe.
Transports en commun:
Comme en Belgique, le port du masque sera obligatoire pour tous les passagers dans les transports publics. Et ce, pendant une période de trois semaines suivant la fin du confinement le 11 mai. Cependant des sièges devront être condamnés, des marquages au sol installés, etc. afin de permettre aux usagers de respecter les distances de sécurité.
Festivals, événements sportifs, etc.:
‘Les événements qui regroupent plus de 5.000 participants ne pourront se tenir avant le mois de septembre’, a fait savoir Edouard Philippe. La mesure concerne ‘les grandes manifestations sportives, culturelles, notamment les festivals, les grands salons professionnels.’
Le Tour de France, qui a avait été reprogrammé à la fin du mois d’août, pourrait être impacté par cette mesure.
Les compétition de football de Ligue 1 et Ligue 2 sont par ailleurs annulées.
En Belgique, les festivals d’été ne pourront également pas se tenir. Le flou persiste par contre autour de la compétition nationale de football.
Déplacements:
La France s’était montrée encore plus strictes que la Belgique concernant les déplacements. Contrairement à chez nous, les déplacements pour raisons sportives étaient limités à un kilomètre autour de son habitation. Cette limite sera supprimer à partir du 11 mai.
Le déconfinement marquera la fin des attestations de déplacement, sauf pour les déplacements de plus de 100 km.
Les déplacements interdépartementaux ou interrégionaux seront réduits ‘aux seuls motifs professionnels ou familiaux impérieux.’ ‘Nous allons continuer à réduire l’offre, à exiger une réservation obligatoire dans tous les trains, à décourager les déplacements entre départements’, a fait savoir le Premier ministre.
Quant aux parcs et jardins, ‘ils ne pourront ouvrir que dans les départements où le virus ne circule pas de façon active’.
Cérémonies religieuses:
Enfin, aucune cérémonie religieuse ne sera autorisée avant le 2 juin, même si les lieux de culte pourront rester ouverts
‘Les cérémonies funéraires resteront évidemment autorisées, mais comme aujourd’hui dans la limite de 20 personnes’, a conclu le Premier ministre, Édouard Philippe.
Pour la Belgique, le nombre de personnes pouvant assister à un mariage ou un enterrement allait être réévalué dès le 18 mai.
La punchline pour conclure:
‘J’ai été frappé mesdames et messieurs les députés depuis le début de cette crise par le nombre de commentateurs ayant une vision parfaitement claire de ce qu’il aurait fallu faire à chaque instant. La modernité les a souvent fait passer du café du commerce à certains plateaux de télévision, les courbes d’audience y gagnent ce que la convivialité des bistrots y perd. Je ne crois pas que cela grandisse le débat public.’
Sous les applaudissements d’une partie des députés, le Premier ministre français a conclu sa saillie en s’adressant directement aux élus: ‘Non, les députés ne commentent pas, ils votent. Et ce faisant, ils prennent des positions politiques.’