La semaine dernière, l’UE, le G7 et l’Australie ont mis en place leur plafonnement du pétrole brut russe. Vladimir Poutine avait assuré que son pays ne traiterait plus avec les pays respectant ce prix maximum. Aurait-il déjà changé d’avis ?
Finalement docile, le Kremlin ? La Russie envoie du brut en Inde en respectant le prix plafond imposé par l’Occident

Pourquoi est-ce important ?
Entré en vigueur le 5 décembre dernier, le plafond du prix du brut russe, à 60 dollars le baril, est censé affecter les revenus du Kremlin afin d'affaiblir la position russe en Ukraine. Il a aussi été pensé pour rester suffisamment élevé que pour encourager la Russie à ne pas réduire sa production. Et donc à éviter des problèmes d'approvisionnement à travers le monde.Dans l’actu : des cargaisons sont parties vers l’Inde en respectant le plafond.
- D’après les informations du Financial Times, depuis le 5 décembre, au moins sept cargaisons de brut russe sont parties vers l’Inde à bord de navires assurés par des compagnies occidentales.
- À chaque fois, le pétrole en question a été vendu à un prix inférieur au plafond mis en place par l’UE, le G7 et l’Australie.
Le détail : au moins 5 millions de barils sous le plafond.
- Au total, ce sont 5 millions de barils de pétrole qui ont été envoyés vers des raffineries indiennes via ces sept navires, depuis des ports russes de la mer baltique.
- Selon le Financial Times, il existe une « confiance élevée » dans le fait qu’ils transportent bien du brut russe, et non du pétrole issu du Kazakhstan, qui partage des infrastructures d’exportation avec la Russie.
- La quantité de brut russe en route vers l’Inde à un prix respectant le plafond pourrait même être plus élevée.
- Le journal britannique a identifié trois autres navires faisant ce chemin avec 1,6 million de barils de brut russe à bord.
- Il n’est pas certain que le prix plafond a été respecté pour ces cargaisons.
Le contexte : Poutine avait dit qu’il ne se plierait pas au plafond.
- Dans les semaines précédant l’entrée en vigueur du plafond, Vladimir Poutine l’avait critiqué à plusieurs reprises.
- Le président russe avait déclaré que son pays ne traiterait plus avec les pays appliquant ce plafond.
- Or, la grande majorité des compagnies s’occupant de l’assurance et du courtage des pétroliers transportant du brut russe sont situées dans des pays qui ont instauré ce plafond.
- La semaine dernière, peu après l’entrée en vigueur du plafond, Poutine avait même indiqué être prêt à réduire la production de pétrole russe « si nécessaire ».
Quelles conclusions ?
Les raisons de se réjouir : une Russie contrainte d’accepter les nouvelles règles du jeu ?
- Intuitivement, l’on pourrait être tenté de penser que le Kremlin, malgré ses menaces, s’est finalement montré docile en se pliant au plafonnement décidé par les pays occidentaux.
- Si cette information se confirme, il s’agirait d’une nouvelle rassurante pour l’industrie mondiale.
- En effet, cela voudrait dire que la Russie est prête à continuer d’écouler son brut vers le marché asiatique, qu’elle privilégie grandement depuis le début de la guerre en Ukraine.
- De quoi apaiser les craintes de pénurie pour les mois à venir.
- Cela montrerait aussi que la « flotte fantôme » – une centaine de pétroliers – mise en place par la Russie pour contourner le plafond n’est pas suffisante et qu’elle continuera donc de compter sur les assureurs occidentaux afin de maintenir ses volumes d’exportation.
L’avertissement : n’allons pas trop vite en besogne.
- Il ne faut toutefois pas tirer de conclusions hâtives.
- Si Poutine avait menacé de ne pas respecter le plafond, il avait également signalé qu’il s’agissait d’une décision « stupide » qui « n’affecterait pas la Russie« .
- Pourquoi ? Car peu avant l’instauration du plafond, la Russie vendait déjà son brut à un prix proche des 60 dollars le baril, avait-il expliqué.
- Le prix du baril d’Oural, la principale référence russe, avait déjà fortement baissé suite à la guerre en Ukraine.
- Le 5 décembre, en plus du plafonnement, un embargo – presque total – a été mis en place au sein de l’Union européenne. Ce qui a eu pour effet de diminuer les exportations de brut russe et de faire chuter « naturellement » son prix.
- La semaine dernière, une économiste de Renaissance Capital avait d’ailleurs déjà qualifié le plafond de « très généreux« .
- « Il est proche de ce qui a été évalué par le marché pour 2023 et du niveau suggéré dans le budget de la Russie », avait-elle précisé.
- Il faudra donc encore attendre quelques semaines avant de voir l’évolution de la situation et de répondre à ces questions :
- Vers quelle direction partira le prix du brut russe ? Cela embêtera-t-il vraiment le Kremlin ?
- Les exportations russes continueront-elles de baisser ? Quid de la production russe ?
- La Russie continuera-t-elle d’envoyer du pétrole vers l’Asie via des assureurs occidentaux en respectant le plafond, ou finira-t-elle par trouver des voies détournées ?