Parlez-vous assez bien français pour vivre au Québec? Rien n’est moins sûr

De nombreux pays, dont la Belgique et la France, imposent un test de langue pour l’obtention de la nationalité. Mais le Québec va un pas plus loin et demande la réussite d’un test pour avoir accès à une résidence permanente. Et le test est beaucoup plus difficile qu’imaginé. Être francophone depuis sa naissance ne suffit pas toujours.

Le Québec, seule province francophone du Canada, est connu pour sa défense – parfois très offensive – du français. La région n’hésite pas à franciser de nombreuses expressions anglaises. Le meilleur exemple est sans doute les titres des films hollywoodiens qui frôlent parfois l’absurde.

Le Québec veut donc s’assurer que toutes les personnes qui vivent sur son territoire parlent français et ne vont pas utiliser l’anglais par mesure de facilité. Pour devenir résident permanent, c’est-à-dire recevoir un visa pour travailler ou étudier, il faut passer un test en langue française. Normalement, le niveau demandé est défini comme B2. Cela signifie qu’il faut être capable de se débrouiller dans la vie de tous les jours, sans être un expert. Mais un diplôme d’une école francophone n’est pas toujours une preuve suffisante. Tout le monde doit passer ce test.

Et dans les faits, même une personne dont le français est la langue maternelle peut échouer à ce test. C’est en effet le cas de Yohan Flamand et Émilie Dubois, deux Français, qui ont décidé de partir vivre au Canada, explique le journal britannique The Guardian. Émilie a pu contester le résultat en montrant son doctorat réalisé en France.

Mais Yohan a dû repasser le test, rallongeant un peu plus les démarches administratives déjà très longues pour arriver au Canada. ‘Il y a une lenteur dans le processus d’immigration et un manque de suivi’, explique-t-il. ‘On a l’impression que le Canada [et le Québec] sont victimes de leur propre succès. Les accès sont bouchés et cela semble être le résultat.’

En France, les Belges francophones échouent également

La France impose un test de français pour obtenir la nationalité. En 2018, année des dernières données d’Eurostat, 422 Belges ont acquis la nationalité française, sur 110.000 acquisitions de la nationalité – toute cause confondue (naturalisation, mariage, déclaration automatique). Environ 50% de ces personnes ont demandé la naturalisation et ont donc dû passer un test de français.

Comme au Québec, un diplôme d’une école francophone n’est pas toujours une preuve suffisante selon l’État français. Pascal Pirotte, Belge travaillant en France depuis 15 ans, explique sur le site Slate.fr comment son diplôme d’ingénieur acquis dans une université francophone belge a été refusé par l’administration française. Considérant que passer le test était ‘absurde et humiliant’, il a préféré renoncer à la nationalité française.

En outre, la France demande désormais de réussir un test de culture française. Et certaines questions peuvent sembler bien compliquées même pour des Français. Par exemple, savez-vous de quand date la Grande mosquée de Paris ? Ou encore, quel homme politique a permis de créer l’école publique, gratuite et obligatoire ?

Et en Belgique ?

Notre pays impose également un test de langue pour accéder à la nationalité belge. Pour être naturalisé, il faut donc savoir parler une des trois langues nationales. Un diplôme peut permettre de prouver ses connaissances. Et des cours sont organisés pour apprendre la langue aux étrangers. Selon un reportage de BX1 datant de 2015, sur les 30 premières personnes ayant eu accès à des cours de français dans la capitale, 28 avaient réussi le test.

Un test sur les valeurs belges est également beaucoup discuté dans notre pays. La N-VA et le Vlaams Belang sont sans surprise deux grands partisans de ce genre de test pour l’octroi de la nationalité. Mais les deux partis nationalistes ne sont pas les seuls. Selon une enquête de La Libre de 2019, VOORUIT (anciennement sp.a), l’Open Vld, le MR, DéFi et le CD&V y étaient également favorables. Le CD&H privilégiait une prestation de serment. PS et Ecolo/Groen s’y opposaient formellement.

Restrictions

Au final, ces tests, aussi difficiles soient-ils, ont pour but de limiter de plus en plus les naturalisations en Europe. Même des Belges, proches de la culture française, peuvent se voir refuser la naturalisation. Entre 2010 et 2019, le nombre de naturalisations françaises a baissé de moitié.

Au Québec, c’est encore pire, puisque certaines personnes ne peuvent tout simplement pas venir vivre sur le territoire. Si des Français ont déjà des difficultés à réussir le test de langue, il ne faut pas imaginer les difficultés rencontrées par les personnes dont le français n’est pas la langue maternelle. Pour eux, aller vivre au Québec semble être une mission (presque) impossible.

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