Après une interruption de trois jours, Nord Stream devait être remis en route ce vendredi soir, mais Gazprom a annoncé reporter la reprise jusqu’à nouvel ordre. L’Allemagne, « bien préparée » et où les réserves continuent à se remplir, n’est pas impressionnée. Mais elle reste très prudente.
Dans la nuit de vendredi à samedi, les livraisons de gaz naturel via Nord Stream 1 devaient reprendre après trois jours d’interruption pour maintenance. Mais vendredi soir, Gazprom a annoncé que le gazoduc resterait à l’arrêt, mentionnant une fuite d’huile au niveau du compresseur arrêté depuis mercredi. Sans le compresseur, le gazoduc ne fonctionnerait pas. Pour l’Europe, ce sont des « prétextes fallacieux« .
Le gazoduc rejoint l’Allemagne depuis la Russie, via la mer Baltique. Il y a un an, l’Allemagne importait encore environ 60% de son gaz depuis la Russie. Ce mois d’août, le chiffre a fortement baissé pour atteindre 9,5%. Ce non-redémarrage de Nord Stream, craint par plus d’un observateur, est aujourd’hui accueilli calmement.
Préparé
Gazprom n’a d’ailleurs pas indiqué de date pour une reprise. Mais les autorités allemandes s’étaient préparées à cette éventualité, rapporte le quotidien Welt. « La situation sur le marché du gaz est certes tendue, mais la sécurité de l’approvisionnement est garantie », explique une porte-parole du ministère de l’Economie.
« Nous avons déjà constaté le manque de fiabilité de la Russie au cours des dernières semaines et, en conséquence, nous avons poursuivi imperturbablement et systématiquement nos mesures visant à renforcer notre indépendance vis-à-vis des importations d’énergie russe. Nous sommes ainsi bien mieux armés qu’il y a quelques mois », continue-t-elle.
Remplissage des réserves
Même son de cloche du côté de la Bundesnetzagentur, le régulateur du réseau. Mais même avec une meilleure préparation, l’agence sait que des efforts sont encore nécessaires. « Maintenant, ça dépend de tout un chacun », lance aussi son président, Klaus Müller, sur Twitter, faisant référence aux terminaux GNL (à construire), au remplissage des réserves, et aux mesures d’économie d’énergie prises à travers tout le pays.
Le remplissage des réserves était justement la grande peur de l’Europe et de l’Allemagne en particulier, dès le début de la guerre. Mais avec ou sans Gazprom, le remplissage continue. Mercredi, premier jour de la coupure, 611 GWh de gaz naturel ont été ajoutés aux réserves en Allemagne. Lundi, 348 GWh de gaz naturel étaient envoyés en Allemagne via Nord Stream, compare Sebastian Bleschke, directeur de l’association sectorielle Initiative Energien Speichern (INES) (« initiative pour les économies d’énergies »), cité par Welt. Autre comparaison : jeudi, 2.900 GWh de gaz naturel ont été importés en Allemagne, depuis la Norvège, les Pays-Bas et la Belgique (et son terminal de GNL de Zeebruges), selon la Bundesnetzagentur.
« Je suppose que les stockages peuvent être maintenus à ce niveau, de sorte que l’objectif de 85 pour cent sera atteint dans quelques jours (objectif fixé au premier octobre par un règlement, NDLR) », poursuit Bleschke. « Cependant, si l’interruption complète des livraisons de gaz russe se poursuit jusqu’en novembre, atteindre l’objectif de 95 pour cent (fixé au 1er novembre, NDLR) nécessitera de gros efforts ».
L’influence énergétique de la Russie sur l’Europe touche à sa fin
Que la nouvelle de l’arrêt de Nord Stream soit accueilli calmement montre que les choses sont en train de changer. Au début de la guerre, cette nouvelle aurait créé une vague de panique immense. Mais aujourd’hui l’Europe semble être de moins en moins sous l’emprise de la Russie en ce qui concerne l’énergie, écrivions-nous hier (avant la nouvelle du prolongement de l’interruption de Nord Stream).
Mais la situation reste tendue, et le restera pendant des mois encore. « L’Europe se dirige vers un hiver très difficile. Avec probablement un ajustement très compliqué durant deux ans, avec beaucoup de douleur économique. Mais ensuite, l’Europe va devenir plus indépendante avec un mix plus diversifié », explique Agathe Demarais, directrice des prévisions mondiales chez The Economist Intelligence Unit.
Selon elle, le petit jeu de la Russie avec les approvisionnements du gaz montre aussi que cette influence touche à sa fin. La Russie essaie au maximum de perturber l’Europe maintenant, car elle sait que plus tard, elle aura perdu son influence.
Le stoïcisme allemand de ce matin pourrait en tout cas être un signe de plus que Poutine est en train de perdre une arme puissante.
Prix du gaz
Ces derniers mois, ce type d’annonces de Gazprom ont eu un impact haussier sur les prix du gaz. Or, l’annonce de vendredi soir est intervenue après la clôture de la bourse d’Amsterdam, où se négocie le gaz néerlandais TTF, prix de référence du marché.

Comme le montre ce graphique, le prix a d’ailleurs baissé sur la journée de vendredi, atteignant presque les 200 euros le MWh (après un pic à 346 euros vendredi passé). La réouverture prévue de Nord Stream a sans doute influencé cette baisse. Mais pour voir l’impact de la prolongation de l’arrêt de Nord Stream il faudra attendre lundi, la bourse étant fermée le week-end.