Lorsque l’on se penche sur les statistiques nationales, la Tanzanie a éradiqué le Covid-19 de son territoire depuis dix mois. Sur le terrain, la réalité est bien moins réjouissante. Malgré l’inquiétante situation sanitaire du pays, ses dirigeants adoptent la politique de l’autruche.
Depuis plusieurs semaines, de plus en plus de Tanzaniens sont victimes de problèmes respiratoires. Au vu des symptômes et de la prolifération du virus, tout porte à croire qu’il s’agit du Covid-19. Mais c’est impossible. Car, d’après le président John Magufuli, ce virus a été chassé du pays depuis avril. ‘Grâce à dieu’, avait-il expliqué en juin, mettant fin à un lockdown de trois mois.
Malgré les pressions de l’opposition et de la communauté scientifique tanzanienne, le gouvernement continue de nier l’évidence. Le Covid-19 n’est pas revenu dans le pays et il n’y a nul besoin de prendre des mesures sanitaires pour freiner la progression des ‘maladies respiratoires’.
Le Covid-19 ? Une ‘opportunité économique’
Hormis quelques centaines de cas et et 21 décès signalés en avril, les autorités tanzaniennes ne communiquent pas sur les chiffres du Covid-19. Il semble pourtant faire un retour en force au sein de la population de ce pays de 60 millions d’habitants.
Certains responsables politiques n’ont pas été épargnés par la maladie. Cette semaine, le vice-président de la région insulaire semi-autonome de Zanzibar, Seif Sharif Hamad, est décédé des suites d’une infection pulmonaire. Son parti – d’opposition – a affirmé que l’homme avait été emporté par le Covid-19.
Ce décès a été suivi par celui de John Kijazi, le secrétaire en chef du président. Il a également succombé à une maladie respiratoire. Le ministre des Financess Philip Mpango a quant à lui dû être hospitalisé il y a quelques jours également, sans que l’on sache pourquoi.
La mort de Hamad est ‘un symbole clair que cette pandémie fait rage’, a déclaré le directeur des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies, John Nkengasong.
Bien que le virus touche ses plus proches collaborateurs, le président Magufuli garde la tête dans le sable. ‘Peut-être avons-nous fait du tort à Dieu quelque part. Repentons-nous tous’, a-t-il déclaré lors des funérailles de son défunt secrétaire en chef. ‘Nous avons réussi à vaincre ces maladies respiratoires par la prière l’année dernière. Je suis sûr que nous le ferons cette année’.
Magufuli voit cette pandémie comme une ‘opportunité économique’. ‘Les Tanzaniens devraient profiter de l’occasion pour faire pousser de nombreuses cultures utiles aux pays [en confinement] qui connaîtront la famine’, a-t-il ajouté cité par VOA News.
Antivax convaincu
Comme Magufuli ne croit pas au Covid-19, il ne croit pas non plus au vaccin. Il y voit une nouvelle arme de l’impérialisme occidental pour asservir l’Afrique.
‘Vous devez rester ferme. Les vaccinations sont dangereuses. Si l’homme blanc était capable de créer des vaccins [pour le Covid-19], il aurait déjà dû trouver un vaccin contre le sida, contre la tuberculose, contre la malaria et contre le cancer’, a-t-il déclaré.
‘Le ministère de la santé doit savoir que tous les vaccins ne sont pas utiles à notre nation. Les Tanzaniens doivent être attentifs afin que nous ne soyons pas utilisés pour des essais de certains vaccins douteux qui peuvent avoir de graves répercussions sur notre santé’, a-t-il ajouté.
‘Pour l’instant, le gouvernement ne prévoit pas de recevoir le vaccin COVID distribué dans d’autres pays’, a confirmé Dorothy Gwajima, la ministre de la Santé.
L’attitude des autorités tanzaniennes a été vivement critiquée par l’OMS. Via le directeur de sa branche africaine, le Dr Matshidiso Moeti, l’organisation a ‘encouragé le gouvernement tanzanien à préparer à une campagne de vaccination’, rappelant que les vaccins ‘n’étaient pas dangereux’.
Notons toutefois que, même si la Tanzanie en avait demandé, elle n’aurait pour l’instant reçu aucun vaccin contre le Covid-19. A quelques exceptions près, le continent africain n’a pas encore pu s’approvisionner en doses.