« Soit on continue à patauger, soit on cherche un moment de rupture. » Au sommet de l’Open Vld, on est un peu perdu, mais on sait qu’il faut faire autrement. Le bureau de parti s’est réuni en urgence numériquement samedi, suite à des sondages désastreux. Le président Egbert Lachaert (Open Vld) y a été remis en question pour la première fois : Maurits Vander Reyde, un député flamand, l’a ouvertement comparé à l’entraîneur de football Roberto Martinez, qui était également sur la touche chez les Diables Rouges. Mais personne d’autre ne réclame la tête de Lachaert pour le moment : il n’y a pas non plus d’alternative en vue. D’ici le 9 juillet, lors de la journée du parti, Lachaert veut présenter un plan de bataille. Cela pourrait déclencher le changement de nom qui est prévu depuis longtemps, même si ça hésite encore pour appuyer sur le bouton. Fait marquant : les deux vice-présidents, Jasper Pillen et Stephanie D’Hose, ont évoqué ce changement de nom comme une possibilité. Une source haut placée met toutefois en garde : « Un simple changement de nom ne nous sauvera pas. »
Dans l’actualité : Un bureau de parti comme session thérapeutique.
Les détails : l’Open Vld est en quête d’identité et d’une formule gagnante. « La crédibilité » est le problème essentiel de la marque libérale. Un changement de nom est possible, mais cela reste une opération délicate.
- Un moment d’introspection numérique, c’est ainsi que peut être décrit le bureau de parti du samedi après-midi. Le président Lachaert s’était judicieusement rendu compte qu’attendre jusqu’à lundi ne ferait qu’ouvrir la voie à beaucoup de mécontentements et de critiques. Le natif de Merelbeke ne voulait pas lire des citations anonymes et meurtrières dans les journaux le lundi, avant même la réunion de son parti.
- De plus en plus sur ses gardes, le président est préoccupé par l’attaque frontale que Karel De Gucht, un vétéran du parti, a lancée fin mai, et qui continue de faire des vagues : le camp Lachaert y voit des signes que l’ancienne génération est en mode combat. C’est problématique, mais un député tempère : “Cette vieille garde, vraiment ? Celle qui nous a fait passer de 25 à 13 % ? Celle qui promettait un budget équilibré, la sécurité énergétique et des impôts plus bas ? Cette génération ? Désolé, mais ce n’est pas sérieux.”
- Cela montre néanmoins à quel point le parti est divisé. Il n’y a pas eu de révolte contre Lachaert, cette fois. Surtout parce que le président et l’homme fort du parti, le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), sont apparus ensemble, disant « qu’ils voulaient écouter les doléances » de chacun. Les réactions étaient très mitigées, selon plusieurs sources :
- Le seul à plaider sans détour pour une cure d’opposition était Francesco Vanderjeugd, le bourgmestre/coiffeur de Staden en Flandre occidentale.
- Maurits Vande Reyde, membre du Parlement flamand de Diest, a été le seul à réellement attaquer Lachaert, qu’il a accusé d’être “un Roberto Martinez” : un entraîneur avec une équipe de stars, mais incapable de les faire marquer et gagner.
- Fait notable, la nouvelle venue Alexia Bertrand, secrétaire d’État au Budget, a souligné une fois de plus qu’elle pensait que le parti « allait dans la bonne direction ». Plus tard, elle allait se rendre dans les studios de la VRT pour défendre vigoureusement son parti, tout en prenant ses distances avec le gouvernement actuel. “L’Open Vld n’est pas équivalent à Vivaldi, ce n’est pas ma coalition de rêve”. Auparavant, Bertrand avait pourtant déclaré dans des interviews que ce serait “la Vivaldi II ou le chaos”.
- Maggie De Block, la cheffe du groupe parlementaire à la Chambre, a appelé à “tirer sur la même corde” et à “arrêter les fuites dans la presse”. Ceux qui ont lu les journaux ce matin savent que cet appel n’a pas été suivi.
- Un groupe de députés de second plan tels que Kathleen Verhelst, Bart Van Hulle et Tim Vandeput ont tous souligné que la position actuelle des libéraux est “trop à gauche” : ils ont plaidé pour plus de « bleu foncé », la promesse sur laquelle Lachaert avait été élu président du parti.
- La députée Els Ampe, qui avait enregistré une vidéo devant le siège du parti pour dénoncer le fait qu’aucune réunion physique n’était organisée, a vivement critiqué et reproché à Lachaert et De Croo de “n’avoir absolument aucun plan”.
- Cependant, le président a conclu, remercié tout le monde pour leur contribution, et promis de revenir avec un plan et une approche différente. “C’était vraiment de la thérapie, pour un patient qui sait qu’il est coincé pendant un certain temps”, a résumé l’un des participants.
- La session s’est terminée rapidement, et il n’était pas nécessaire d’avoir un autre bureau de parti aujourd’hui. La pression est donc retombée, pour l’instant.
L’essentiel : Un seul homme décide du sort de Lachaert : le Premier ministre.
- Le président a promis de venir avec une stratégie d’attaque. Pour cela, il s’accorde un peu plus de temps, fixant finalement comme date limite le 9 juillet, jour où les factions du parti se réunissent. Donc, un certain calme se profile jusqu’à cette date.
- À noter aussi : il n’y a (pour l’instant) pas de véritable mouvement pour écarter le président. Contrairement à ce qui s’était passé avec Joachim Coens (cd&v), où Sammy Mahdi (cd&v) s’échauffait ostensiblement en tant que successeur, personne n’est prêt à prendre la relève de Lachaert au sein de l’Open Vld. « Et regardez où cela a mené le cd&v aujourd’hui », dit-on avec dérision chez les libéraux au sujet de la direction actuelle du cd&v.
- Cependant, une constatation : Alexander De Croo, le véritable leader de l’Open Vld, ne laisse pas tomber Lachaert, malgré des tensions apparues entre eux. Et tant que le Premier ministre ne bouge pas, personne ne bouge. Tout le monde s’est rassemblé autour du leader, et cette stratégie a été explicitement confirmée par beaucoup lors de la réunion.
- Mais des fissures commencent à apparaître. Car tout le monde aura noté que De Croo a quitté la réunion prématurément, ce qui a irrité les participants. La patience de certains libéraux avec le Premier ministre n’est pas infinie. Les soupçons selon lesquels il agit « uniquement pour sa propre carrière » reviennent sans cesse dans les couloirs du parti. Et il est à noter que le Premier ministre ne participe pas si souvent aux réunions du parti : Lachaert doit souvent faire face seul aux mécontents.
La question : Y aura-t-il un changement de nom ?
- Lors de la réunion de samedi, les deux lieutenants de Lachaert, les vice-présidents Jasper Pillen et Stephanie D’Hose, ont tous deux plaidé pour un changement de nom. L’ancien poids lourd Karel De Gucht était lui opposé à cette idée.
- La vérité est que l’idée d’un changement de marque est présente depuis longtemps. Déjà en 2020, Lachaert y réfléchissait ouvertement et l’annonçait dans des interviews. L’opération de Vooruit est particulièrement inspirante à ce sujet : le président du parti Conner Rousseau (Vooruit) a abandonné le sp.a et est venu avec un nom beaucoup plus moderne. « Les acronymes sont dépassés, les noms complets et les noms qui font référence à l’essentiel sont à la mode », résume un initié.
- Un nom est immédiatement en tête de liste : « De Liberalen » ou « Liberaal », un choix clair et simple. “Car nous n’aurons de toute façon pas beaucoup de temps pour rendre cette marque reconnaissable. Cela doit donc être quelque chose que tout le monde comprend et associe à nous. ‘Vrijheid‘ (liberté) est une alternative, mais c’est moins évident », explique une personne bien informée
- Ce printemps, l’idée était de nouveau sur la table, mais Lachaert ne pouvait pas la faire aboutir : de grandes figures du parti étaient contre. Surtout si ce changement de nom était perçu comme de la panique ou du désespoir. Lachaert est d’accord sur ce point : le timing doit être bon. Il ne voulait pas non plus présenter un nouveau nom lors du congrès du parti, il y a quelques semaines : cela aurait éclipsé tout le reste.
- Mais l’idée est de retour, avec certaines conditions. « Si vous clarifiez et défendez mieux vos idées, et lancez vraiment de nouveaux noms, un nouveau nom de parti reste une option », dit un membre haut placé du parti.
- D’autres sont d’accord, mais avertissent : « Ce n’est pas le moment idéal pour changer de nom. C’est l’une des options sur la table, parmi d’autres. Soit, on continue de patauger, soit on cherche un moment de rupture », dit un autre haut responsable.
- Lachaert serait lui-même en faveur d’une telle « rupture », mais dans une opération plus large. Cela devrait être clarifié d’ici le 9 juillet, avec de nouveaux noms comme têtes de liste. Car avec Bart Tommelein, Maggie De Block, et Patrick Dewael, des grands noms disparaissent des listes en 2024. La question est de savoir si les nouveaux venus tels que Maurits Vande Reyde (attendu en Brabant flamand, pour le Parlement flamand) et Willem-Frederik Schiltz (à Anvers, pour la Chambre) pourront tenir le coup en tant que têtes de liste.
Les chiffres : les sondages n’ont pas vraiment montré de grosses surprises.
- Le sondage Ipsos place de nouveau le Vlaams Belang en première position en Flandre, avec 22,7 %. Ce qui est une baisse par rapport aux 25 % de mars dernier. La N-VA progresse légèrement, à 21,8 %, contre 21,6 % en mars. Vooruit confirme et progresse, à 16,8 % et s’installe comme parti centriste, avec encore beaucoup de potentiel. En mars, Conner Rousseau et ses collègues étaient à 15,5 %.
- En bas de l’échelle, le PVDA continue sur sa lancée : après 8 % en mars, ils obtiennent maintenant 10,3 %. Groen rebondit également très légèrement, passant de 7,4 % à 7,6 %, mais reste en queue de peloton. Pour le cd&v, à 10,7 %, contre 11,8 % dans le sondage précédent, ce sont à nouveau des nuages très sombres qui planent au-dessus du parti. D’autant plus que le sondage a été réalisé au moment où le président était Sammy Mahdi (cd&v). Pour l’Open Vld, le résultat continue de baisser, passant de 9,2 % en mars à seulement 8,3 % : d’où la réunion de crise.
- De l’autre côté de la frontière linguistique, il y a aussi des scores assez attendus : avec 25,7 %, le PS est très solide en Wallonie, et à Bruxelles, les socialistes remontent à 18,6 %. Le MR est de nouveau le plus grand parti à Bruxelles, avec 19,9 %, ce qui pourrait devenir un levier dans les négociations. En Wallonie, ils montent également légèrement à 19,8 %. Paul Magnette (PS) et Georges-Louis Bouchez (MR) ne sont donc pas si mal lotis.
- Ecolo, par contre, a un problème : ils sont en baisse en Wallonie avec 12,7 %, et restent la troisième force politique à Bruxelles avec 18,1 % (en progression). Les communistes du PTB perdent un peu à Bruxelles et tombent à 17,6 % (ce qui serait toujours un énorme gain) et augmentent en Wallonie à 18,9 %. Le parti d’opposition Les Engagés est en baisse : 10,3 % en Wallonie et seulement 4,3 % à Bruxelles. DéFI ne pèse toujours rien en Wallonie, à 3,8%, et affiche la plus grosse perte de vitesse à Bruxelles, à 8,3.
- Comme nous le savons depuis un moment déjà, les partis des extrêmes influenceront considérablement les prochaines coalitions, sans y être. La force du VB et du PTB oblige les autres partis à se parler pour trouver une majorité. Avec un prérequis pour le bien du pays : les exclusives devraient être bannies.
Le coup de grâce : les Belges ne veulent plus de la Vivaldi.
- Ce lundi, Le Soir publie une question spécifique au sondage : si les résultats de 2024 le permettent, 76 % des Belges ne désirent pas voir la Vivaldi reconduite.
- Seuls 24% des Belges veulent donc voir la Vivaldi reconduite, c’est moins bien qu’en 2019 pour la Suédoise qui décrochait encore 30% de votes favorables, alors qu’il s’agissait d’un gouvernement démissionnaire.
- Par région, c’est la Flandre (80%) qui rejette le plus la Vivaldi, suivie par la Wallonie (71%) et Bruxelles (62%).
- Il est à noter que De Croo comme Premier ministre est rejeté en Flandre (68%), alors qu’il est toléré en Wallonie (50-50) et plébiscité à Bruxelles (57%).
- Une coalition PS / N-VA alors ? Non pour 57% des Flamands, 67% des Wallons et 66% des Bruxellois.
- Fait très étonnant : 56% des Bruxellois et 52% des Wallons estiment qu’une réforme de l’État est nécessaire, alors que 49% des Flamands le pensent.