L’indexation: le champ de bataille politique de ces prochaines années, mais les socialistes répondent déjà « non » aux organisations patronales

Tant la FEB que le Voka brandissent le nouveau rapport de la Banque Nationale (BNB). Ce rapport prévoit qu’en raison de la persistance d’une inflation élevée et de l’indexation automatique des salaires, les entreprises devront supporter une charge salariale supplémentaire de 10 % dans les deux prochaines années. Les organisations patronales veulent trouver des « solutions créatives » et surtout : ouvrir le débat sur l’indexation automatique des salaires.

  • Le renoncement à l’indexation automatique des salaires – un mécanisme qui lie les salaires à l’inflation, mais qui est presque unique au monde – se heurte aux vétos des syndicats, mais aussi des socialistes du gouvernement. « Si la vie devient plus chère, les salaires doivent augmenter », a rejeté ce matin Conner Rousseau (Vooruit) sur Twitter. « L’indexation est la meilleure protection pour le pouvoir d’achat des gens », a-t-il déclaré.
  • « Avec Vooruit dans le gouvernement, c’est choisir la protection, choisir le pouvoir d’achat, choisir l’indexation. » Le message est destiné aux organisations patronales de la FEB et du Voka qui s’inquiètent de la compétitivité du marché du travail en Belgique.
  • Et il est vrai que le Belge a l’un des salaires horaires les plus élevés en Europe. Plus haut que tous ses voisins à l’exception du Luxembourg (qui connait aussi une indexation automatique des salaires). Tout cela est écrit noir sur blanc dans dernier rapport qu’Eurostat a publié tout récemment.
  • Les socialistes flamands n’ont pas toujours eu un message aussi clair, à gauche, sous la présidence de Rousseau, mais ici, ils sont très sérieux. Leur analyse des récents bons sondages pour eux est relativement simple: aujourd’hui, c’est le porte-monnaie des gens qui est en jeu, les lourdes factures d’énergie. Toucher à l’indexation est un pas trop loin.
  • Le PS a réagi plus logiquement via le ministre de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne (PS): « Combien de fois faudra-t-il rappeler que l’indexation des salaires et des allocations sociales est indispensable pour préserver le pouvoir d’achat de toutes et tous ? Avec le ⁦PS dans ce gouvernement, le saut d’index c’est non et ça restera non ! »
  • La question reste néanmoins de savoir si la discussion peut être évitée à long terme. Car, bien sûr, la Belgique n’est pas seule dans l’UE. Avec Malte et le Luxembourg, nous sommes les seuls pays de l’UE où il existe une telle indexation automatique des salaires.
  • Dans les pays voisins comme la France, les Pays-Bas et surtout l’Allemagne, les salaires doivent être augmentés à chaque fois par des négociations : là, les syndicats doivent lutter activement contre la baisse du pouvoir d’achat due à l’inflation.
  • Et diverses négociations en Allemagne ont récemment montré que l’indexation n’attendrait pas l’inflation : la semaine dernière encore, une grosse opération a été réalisée à la Banque postale allemande. Là-bas, les salaires augmenteront de 5,2 % jusqu’en 2023, soit 2 % cette année et environ 3 % l’année prochaine : des chiffres qui représentent la moitié de ce qui se ferait en Belgique.

Dans la Vivaldi: une paix sur l’indexation, mais pour combien de temps ?

  • Au sein du gouvernement, la question d’un saut d’index ou d’autres ajustements n’est pas sur la table : les libéraux ne répondent pas pour l’instant au chant des sirènes du patronat. La Vivaldi a implicitement accepté de ne pas discuter de la loi de 1996, ajustée sous le gouvernement Michel (hors indexation, elle limite l’augmentation salariale à 0,4% dans les négociations entre patronat et syndicats), et de ne pas discuter non plus de l’indexation.
  • Les Verts se placent eux sur la même ligne que les socialistes. Ils l’ont fait savoir par communiqué. Pour la députée fédérale Cécile Cornet, « l’indexation automatique des salaires est un acquis social qui ne peut être remis en question, certainement pas au moment où les prix de l’énergie et des denrées alimentaires augmentent ». Un saut d’index serait « une mesure anti-sociale », estime la députée qui rappelle que la compétitivité, ce n’est pas que le salaire: « Avec la Vivaldi, nous prenons des mesures pour moderniser l’ensemble de notre économie et la rendre plus compétitive. Pour ce faire, nous investissons notamment dans la formation, les infrastructures et les énergies renouvelables. »
  • La question est de savoir combien de temps durera cette « paix » entre les bleus d’un côté et les rouges et les verts de l’autre. D’autant si l’inflation reste si élevée l’année prochaine et que l’indice pivot est de nouveau dépassé. Il a déjà été dépassé à 4 reprises depuis août 2021. Une situation intenable pour le patronat.
  • De l’autre côté, les syndicats et la FGTB en tête militent depuis de longs mois pour faire tomber la loi de 1996 qui limite leur marge de négociation. Les prochains accords interprofessionnels promettent déjà d’être sulfureux.
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