L’habile stratégie de Huawei pour se mettre les gouvernements européens dans la poche

L’annonce d’une unité de production européenne en France n’est qu’un des nombreux projets d’investissement de Huawei en Europe pour faire pencher les gouvernements locaux de son côté, contre l’avis des États-Unis.

On apprenait jeudi que Huawei avait jeté son dévolu sur la France pour y bâtir son usine de 5G made in Europe. Avec un investissement de 200 millions d’euros dans la première phase de sa mise en place et la création de 500 nouveaux emplois, cette nouvelle a de quoi réjouir. C’est justement ce qu’espère Huawei, et ce n’est pas sa seule tentative de séduction.

La manœuvre est simple, mais habile: verser des millions d’investissements en Europe pour y empêcher l’interdiction de ses équipements, selon Politico. L’entreprise chinoise tente ainsi de repousser (ou faire oublier) les accusations américaines selon lesquelles la firme pourrait fournir une porte dérobée à Pékin. Et faire changer d’avis l’Union européenne à son sujet, alors qu’elle publiait au début du mois une série de recommandations pour ‘atténuer les risques pour la sécurité’ visant à procéder à des ‘exclusions nécessaires pour les actifs critiques et sensibles tels que les fonctions de gestion et d’orchestration du réseau’. Les capitales ont jusqu’à la fin du mois d’avril pour introduire les nouvelles mesures recommandées sur la ‘boîte à outils’ de la sécurité 5G.

L’argent pour arriver à ses fins

Pour apaiser ces inquiétudes européennes, la firme chinoise s’est tournée vers l’un des moyens les plus efficaces qui soit: l’argent. ‘Comment pouvez-vous investir des milliards d’euros dans un endroit où vous vous attendez à ce que le gouvernement prenne une décision qui pourrait être discriminatoire’, a déclaré un porte-parole de Huawei à Politico. Il serait effectivement bête d’investir autant en France pour des équipements qui n’y seraient par la suite pas autorisés…

Mais l’entreprise vise bien plus large. Sa correspondance entre le gouvernement néerlandais et les dirigeants locaux, européens et même mondiaux de Huawei montre comment elle a savamment orchestré et disséminé l’idée de ses plans d’investissement. Tout en suppliant les décideurs politiques à La Haye de ne pas imposer de nouvelles restrictions de sécurité 5G.

Des avances sans complexe

Selon Politico, Huawei a par exemple déclaré qu’il ‘envisageait’ de créer un centre de recherche et développement de plusieurs millions d’euros aux Pays-Bas, tout en attendant que le gouvernement résolve ses discussions sur la sécurité intérieure. Les échanges entre l’un des présidents tournants de Huawei et le Premier ministre néerlandais Mark Rutte sont pour le moins troublants.

‘Malheureusement, des tentatives malveillantes sont faites pour discréditer Huawei aux yeux des gouvernements européens et des pressions excessives sont exercées sur eux’, écrit dans une lettre le dirigeant de la firme, espérant organiser une rencontre en avril. ‘Je suis convaincu que ces pays, y compris le vôtre, ne céderont pas à ces pressions et que vous fonderez votre position uniquement sur les faits et votre propre expérience.’ Des flatteries pour se mettre quelqu’un dans la poche, une stratégie vieille comme le monde…

Projets à gogo

Les Pays-Bas ne sont pas les seuls à avoir fait l’objet de telles avances. En mai dernier, Huawei a également confirmé son projet de construire un centre de recherche britannique à Cambridge, dont l’ouverture est prévue en 2021. Rappelons que le Royaume-Uni a depuis décidé d’offrir un rôle limité à l’entreprise dans ses réseaux 5G, malgré des préoccupations sur l’influence chinoise.

La Pologne en a également fait les frais. Le gouvernement de Varsovie a reçu une proposition similaire, selon le ministre du numérique Marek Zagórski. Si la société n’avait jamais fait d’offre ‘vraiment explicite’ et que la Pologne ‘n’a reçu aucune offre officielle’, la suggestion a bien été faite. Sans compter l’argent qu’a versé Huawei à des ‘centres de cybersécurité’ au cours des 18 derniers mois.

La société a ainsi ouvert un centre à Bonn, en Allemagne, en novembre 2018, puis un ‘centre de transparence de la cybersécurité’ à Bruxelles en mars dernier. Des investissements désintéressés, vraiment?

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