Les toilettes du futur pourront analyser vos selles et vous dire si vous êtes en bonne santé

Alors que leur conception n’a pratiquement pas évolué depuis 150 ans, les toilettes pourraient faire l’objet d’une véritable révolution dans les années à venir et devenir un dispositif de suivi de santé à domicile.

Discuter ouvertement de sanitaires n’est pas quelque chose de commun dans notre société. Cela n’est pas vraiment approprié et relève plutôt du tabou. Pourtant, tout le monde y passe et souvent pour les mêmes raisons. Au cours des prochaines années, ce « petit coin » pourrait cependant occuper une place plus importante à la maison, mais aussi dans les conversations. Les toilettes pourraient en effet ne plus être de simples commodités dans lesquelles on se soulage, mais devenir de véritables outils de suivi de santé.

Pour la professeure Sonia Grego, de l’Université de Duke, les toilettes renferment un véritable trésor : des informations sur la santé des personnes qui les utilisent. Depuis 10 ans, la chercheuse s’intéresse de près à ce dispositif qui pourrait aider à en apprendre plus sur la santé des individus, et ce, au quotidien. « Nous pensons qu’il existe [dans les toilettes] une incroyable opportunité inexploitée pour les données de santé. Et cette information n’est pas exploitée en raison de l’aversion universelle à avoir quoi que ce soit à voir avec vos selles », a assuré la cofondatrice de Coprata, startup qui développe des technologies de surveillance physiologique non invasive, à The Guardian.

La chercheuse et son équipe travaillent d’ailleurs sur une toilette dotée de capteurs et d’une intelligence artificielle capable d’analyser les déchets biologiques humains. À l’heure du tout connecté, Sonia Grego s’étonne que ce ne soit pas le cas des toilettes – bien que certaines proposent aujourd’hui des fonctionnalités 2.0, avec notamment un système de jets de lavage des organes génitaux, des sièges chauffants ou encore toute une panoplie d’effets sonores pour couvrir le bruit que l’on fait sur le pot – dont la conception n’a pas franchement évolué depuis la seconde moitié du XIXe siècle.

L’outil ultime de surveillance de la santé

La cofondatrice de Coprata estime que les toilettes intelligentes – dont celle qu’elle est en train de développer – pourraient être l’outil ultime pour surveiller la santé des utilisateurs au quotidien. Avec une analyse et un suivi des échantillons de selles via une application mobile, les toilettes 2.0 pourraient fournir « des informations relatives au cancer et à de nombreuses maladies chroniques ».

« Le fait de disposer d’une technologie permettant de suivre ce qui est normal pour un individu pourrait constituer un avertissement précoce indiquant qu’un bilan de santé est nécessaire », estime Sonia Grego. Selon elle, ce type d’appareil pourrait également apporter une certaine tranquillité d’esprit aux consommateurs puisqu’ils pourraient en quelque sorte procéder eux-mêmes à des analyses médicales depuis le confort de leur foyer, et ce, de manière non invasive. Plus besoin de s’inquiéter pour telle ou telle douleur, un passage à la toilette suffira à nous rassurer ou à se rendre chez son médecin.

Un coach de vie

Les toilettes intelligentes pourraient ne pas se limiter à une analyse et un suivi des selles. Elles pourraient également apporter des conseils à leurs utilisateurs sur leur mode de vie. Ainsi, sur base d’échantillons analysés, l’IA dont seraient équipées les toilettes pourrait leur conseiller de manger plus de fibres ou d’éviter tel ou tel aliment qui pourrait provoquer un épisode gastrique inconfortable.

Outre les selles, l’analyse de l’urine pourrait également apporter un nombre important d’informations sur la santé des individus. « Il existe plusieurs milliers de petites molécules différentes contenues dans l’urine et elles permettent de comprendre ce qui se passe », a expliqué M. Coon, professeur de chimie et de biochimie à l’université du Wisconsin-Madison, au média britannique. À partir de l’urine, il est possible de savoir si une personne s’est adonnée à une activité physique, a consommé des médicaments, mais aussi connaitre son apport calorique ou encore la façon dont elle dort.

En corrélant ces informations avec le dossier médical d’une personne, il serait possible d’évaluer les risques d’apparition de certaines maladies et donc, d’adopter un nouveau mode de vie pour éviter cela.

Les toilettes intelligentes existent déjà

Le projet de Coprata n’est pas le premier en la matière. Mettre au point une toilette intelligente qui offrira un suivi de santé quotidien est « le rêve » de beaucoup de personnes – ou presque. D’importants acteurs sur le marché des toilettes, mais aussi des technologies se sont en effet déjà intéressés au sujet.

La firme japonaise Toto a sorti une gamme de toilettes intelligentes au début des années 2000 capables de surveiller le poids et la température des utilisateurs, de même que leur niveau de sucre et d’hormones à partir de leur urine. Elle continue depuis à proposer de nouveaux concepts toujours plus élaborés et axés sur l’amélioration de la santé des utilisateurs, et ce, malgré une très faible demande de la part des consommateurs.

Le bon moment est-il venu ?

L’explosion des wearables – ces gadgets technologiques que l’on porte et qui permet d’avoir un suivi de son activité physique, de son niveau de stress ou encore de son sommeil, mais aussi de recevoir ses SMS, appels et autres mails directement sur son poignet – semble avoir fourni les bonnes conditions pour qu’un tel dispositif voie le jour.

Aujourd’hui, il est devenu normal de connaitre son rythme cardiaque, le nombre de pas effectués ou encore les calories éliminées au cours d’une journée. Alors, pourquoi ne pas en apprendre plus grâce à ces excréments ? Il n’y a (presque) qu’un pas.

Évidemment, porter et consulter sa montre connectée n’a pas grand-chose à avoir avec le fait de faire analyser ses selles par une toilette dotée de capteurs et dopée à l’intelligence artificielle. Mais étant donné que cela se fait dans un endroit très intime, pourquoi pas ?

Une question se pose tout de même : qui aura finalement accès aux résultats ? Les partager avec son médecin pourrait être une bonne chose, surtout pour des personnes atteintes d’une maladie chronique ou qui présentent un risque. Mais les big tech ne finiront-elles pas par envahir ce marché si les toilettes intelligentes venaient à remplacer nos commodités actuelles ? Le rachat de Fitbit par Google laisse présager le pire.

Les toilettes intelligentes, future mine d’or pour les big tech ?

Le secteur de la santé représente milliards de dollars. Une opportunité de plus pour les géants de la tech de se faire encore plus d’argent. Google cherche à envahir le secteur depuis plusieurs années déjà et l’entreprise américaine multiplie les tentatives pour y arriver. Grâce à l’IA, le géant du web propose notamment de diagnostiquer les affections de la peau via une simple application. Plus globalement, Google regorge tellement d’informations sur ses utilisateurs et d’algorithmes qu’il pourrait presque déterminer la date de leur mort, ironisait encore récemment un chercheur.

Une intrusion aussi intime dans la vie des personnes pourrait fournir des informations toujours plus pointues et personnelles aux GAFAM qui pourraient les utiliser pour mieux cibler les gens.

En tombant un peu dans la paranoïa technologique, on peut imaginer que les géants de la tech parviennent effectivement à nous pister jusqu’aux toilettes ; à quelle fréquence y allons-nous ? Pourquoi faire ? Notre cycle menstruel est-il régulier ? Quelle est notre consommation d’alcool/de drogue ?

Le risque ne pourrait d’ailleurs pas venir que du côté des GAFAM. Les parents pourraient se mettre à fouiner dans la vie privée de leurs enfants grâce aux toilettes connectées. Et pourquoi pas les employeurs quand leurs employés sont au bureau ? Ou même les assureurs ? Des pistes qui auraient pu inspirer George Orwell pour son roman 1984 s’il avait été contemporain de l’arrivée des toilettes intelligentes.

Fort heureusement, on n’en est pas encore là. D’ailleurs, si les toilettes intelligentes venaient réellement à pointer leur bout de leur nez dans les années à venir, elles pourraient finalement n’être réservées qu’à des personnes présentant un réel risque de santé. De plus, les autorités pourraient imposer une réglementation très forte en la matière pour protéger la vie privée des utilisateurs.

On notera d’ailleurs qu’à l’heure actuelle, près de 3,6 milliards de personnes à travers le monde ne disposent toujours pas d’accès à des installations sanitaires sûres. Avant de vouloir faire des toilettes intelligentes, régler ce problème ne serait pas forcément une mauvaise idée.

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