Les loyers espagnols révèlent une faille dans la politique de la BCE

Les loyers flambent en Espagne. Depuis 2010, les loyers ont augmenté de 30 % à Madrid, et même de 35 % à Barcelone, indique le site spécialisé dans l’immobilier Idealista. Pourtant, le taux officiel de l’inflation espagnole n’est que de 1 %. Comment expliquer ce paradoxe?

Des recherches montrent qu’au cours des cinq dernières années et demie, les loyers ont grimpé  de 50 % à l’échelle nationale en Espagne. Dans les régions les plus dynamiques du pays, les loyers ont parfois triplé. Désormais, beaucoup d’Espagnols consacrent plus de la moitié de leur revenu au paiement de leur loyer. Mais d’après les statisticiens du gouvernement, les loyers n’auraient augmenté que d’à peine 3 % au cours de cette période.

Une sous-évaluation des loyers

Se pose alors la question d’une possible sous-évaluation de la croissance des prix à la consommation, faute d’une prise en compte correcte de certains éléments représentatifs. Les statisticiens européens n’ont pas de données concernant les loyers privés qu’ils pourraient comparer entre elles, et dans de nombreux pays, ces données ont été sous-estimées. En Espagne, par exemple, la plupart des contrats de location d’appartements neufs sont exclus de l’inflation. 

En conséquence, les calculs d’Eurostat, l’agence européenne de statistiques, supposent que les consommateurs européens dépensent plus pour l’eau, l’électricité et le gaz que pour leur loyer. Pour l’Espagne, ses calculs aboutissent à considérer qu’un ménage disposant de 2000 euros de revenu disponible mensuel ne consacre que 60 euros à son loyer mensuel. ‘Même le camping est plus cher que ça’, commente Boris Cournède, un économiste de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a publié un rapport sur l’impact de l’exclusion du logement dans les calculs des indices des prix à la consommation. Aux Etats-Unis, par contraste, le logement représente environ 33 % du panier de la ménagère type.

Des décisions prises sur des bases erronées ?

Ce n’est pas anodin : car cela implique rien de moins que la Banque centrale européenne serait mal informée. Certaines de ses décisions seraient donc inadéquates, en raison de cette lacune. ‘Si la BCE avait visé cette mesure d’inflation plus élevée, elle se serait peut-être abstenue de relancer l’assouplissement quantitatif en septembre’, affirme Sylvain Broyer, économiste de l’agence de notation S&P. D’après S&P, si la BCE prenait en compte des loyers plus réalistes, l’indice des prix à la consommation gagnerait 0,3 point de pourcentage, et la BCE y verrait des perspectives de ‘hausse durable’.

Les statistiques du logement prises en compte au sein de la zone euro sont un sujet de critique depuis longtemps. De son côté, l’Espagne planche sur un nouvel indicateur qui devrait aider le pays à freiner la flambée des loyers… mais pas forcément à améliorer son calcul de l’inflation.

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