Les cryptomonnaies ne sont qu’une machine à spéculer, se félicite la « banque des banques centrales »

Pour les investisseurs, le bitcoin, les altcoins et autres milliers de tokens qui composent le marché crypto ne sont pas considérés comme une alternative aux monnaies légales ou à la finance traditionnelle. « Les cryptomonnaies sont un objet numérique spéculatif de niche », affirme dans sa toute nouvelle étude la Banque des règlements internationaux (BRI).

Pourquoi est-ce important ?

La BRI a utilisé les données représentatives de l'enquête américaine sur les choix de paiement des consommateurs. L'institution estime ainsi réfuter l'hypothèse selon laquelle les investisseurs en cryptomonnaies sont motivés par une méfiance envers les monnaies fiduciaires ou la finance réglementée. Malgré des caractéristiques très variables, la BRI souligne le profil sociodémographique des crypto-investisseurs, qui ont tendance à être instruits, jeunes et natifs du numérique. Pas d'égalité des sexes dans la possession de devises digitales, que du contraire, un fossé s'étant creusé ces dernières années. Si la recherche spéculative de rendement est vraisemblablement la principale raison d'investissement, la BRI note toutefois une tendance à conserver les crypto-actifs plus longtemps qu'avant.

Stratégie rémunératrice

  • La « banque des banques centrales » a exploré en profondeur des données représentatives aux Etats-Unis et pense pouvoir démythifier le succès du bitcoin et autres monnaies numériques: les cryptos ne seraient pas recherchées comme une solution alternative au système financier actuel, concluent les auteurs de l’étude Distrust or speculation? The socioeconomic drivers of US cryptocurrency investments.
  • « Par rapport à la population générale, les investisseurs américains en cryptomonnaies ne montrent aucune différence dans leur niveau de préoccupation en matière de sécurité par rapport à l’argent liquide ou aux services bancaires commerciaux », indiquent les économistes du département Monnaie et Economie de la BRI.

Beaucoup moins de femmes

  • En examinant les raisons socio-économiques de l’investissement en cryptos, les chercheurs constatent que les hommes ont tendance à investir davantage que les femmes.
  • L’impact du sexe et de l’âge sur sur l’investissement en cryptomonnaies n’est pas lié aux différences de connaissance de la technologie sous-jacente.
  • « Alors que les niveaux de connaissance ont convergé au cours de l’échantillon que nous observons, un écart entre les sexes en termes de propriété est apparu », observe la BRI.

Compréhension

  • La sensibilité aux bitcoins et compagnie dépend fortement des niveaux de revenu et d’éducation, souvent plus élevés dans le cas des investisseurs.
  • « Les propriétaires d’ETH (éther) et de XRP (ripple) ont les revenus et les niveaux d’éducation les plus élevés, tandis que ceux qui possèdent du litecoin sont les moins éduqués », notent les auteurs.

Expérience numérique

  • L’expérience financière numérique augmente les chances de reconnaître au moins une cryptomonnaie (par exemple la possession d’une carte de débit et l’utilisation d’une application mobile pour payer des produits et/ou des services). Mais cela conditionne aussi la volonté d’y investir.
  • « Le fait de déjà posséder une cryptomonnaie augmente la probabilité, en moyenne de plus de 50 %, de posséder de la cryptomonnaie dans son portefeuille l’année suivante », épingle l’étude.

Implications politiques

D’un point de vue politique, étant donné que la conclusion générale de la Banque des règlements internationaux est que les objectifs des crypto-investisseurs sont les mêmes que ceux des autres classes d’actifs, la réglementation devrait alors être la même.

  • Un cadre réglementaire et de surveillance pour les marchés des cryptomonnaies pourrait être bénéfique pour le secteur. « Les annonces réglementaires pointant vers la mise en place d’une réglementation spécifique adaptée aux cryptomonnaies sont fortement corrélées avec les gains du marché », rappellent les auteurs.
  • Une meilleure réglementation peut également être bénéfique pour l’industrie. Il suffit de penser aux mineurs de bitcoin, selon la BRI. Pour que l’activité, essentielle à la sécurité du réseau, permette toujours de générer des revenus suffisants, un certain degré d’institutionnalisation est requis. Ce qu’une réglementation peut soutenir.

Forte de ses considérations, l’institution bancaire appelle à appliquer une réglementation « technologiquement neutre » à cette classe d’actifs des cryptos, tout en exploitant le potentiel de la technologie elle-même dans un processus de… surveillance à faible coût.

  • « Une option prometteuse est la supervision intégrée. Par là, nous entendons la mise en œuvre un cadre de surveillance des cryptomonnaies qui permet de contrôler automatiquement par la lecture du grand registre du marché (la blockchain) », ponctuent les chercheurs de la BRI.

Notons enfin que, contrairement aux articles scientifiques classiques, l’étude de la Banque des règlements internationaux n’évoque pas les limites de sa méthodologie ou de ses conclusions dans un passage dédié aux discussions de ses résultats.

Sans oublier que le rapport, publié en ce mois de juillet 2021, s’appuie sur des données extraites de la Survey of Consumer Payment Choice (SCPC) qui analysait les périodes de 2014 à 2019. Or, l’écosystème crypto a connu bon nombre d’importants développements depuis l’année dernière.

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