Les astronomes mettent en garde contre une « menace mondiale sans précédent » qui n’est autre que le résultat de l’être humain

La prolifération de satellites autour de notre planète inquiète depuis des années, mais le problème s’est intensifié avec la multiplication des projets visant à offrir une connexion Internet par satellite au globe. Sans encadrement, les choses pourraient véritablement poser problème, et ce, dans peu de temps.

L’actualité : des astronomes ont renouvelé cette semaine leurs craintes concernant la pollution lumineuse créée par le nombre croissant de satellites en orbite basse autour de la Terre. Ils ont été jusqu’à la qualifier de « menace mondiale sans précédent pour la nature ».

Les faits : en quelques années, le nombre de satellites autour de la Terre a plus que doublé et les choses sont vouées à empirer dans les mois et années à venir.

  • En 2019, SpaceX lançait sa première « mégaconstellation » comprenant des milliers de satellites dans l’espace. Depuis, il en a lancé plusieurs autres. Fin février, le réseau Starlink comptabilisait environ 3.200 satellites opérationnels.
  • Le mois dernier, Amazon a en effet obtenu l’autorisation de placer plus de 3.000 satellites en orbite, dans le cadre de son projet Kuiper.
  • La Chine prévoit d’en envoyer 13.000 dans l’espace, afin de concurrencer Starlink de SpaceX.

Risque de collision accru

La multiplication des satellites en orbite terrestre basse ne fait que renforcer le risque de collision. En effet, plus il y a d’objets dans l’espace, plus les chances qu’ils se percutent pour diverses raisons (erreur de trajectoire, impact d’un autre objet spatial, etc.) se renforcent.

  • Or, chaque collision génère des dizaines, centaines, voire des milliers de débris spatiaux qui ne font qu’accroitre le risque de rencontres.
  • De quoi favoriser les réactions en chaine, accroissant toujours plus le nombre de débris spatiaux.
  • Et c’est là que se pose le véritable problème pour les astronomes, car ces débris spatiaux finissent par former des énormes nuages réfléchissant la lumière vers la Terre.  

« Le nuage d’objets artificiels en orbite autour de la Terre, composé de satellites opérationnels et hors service, de parties de véhicules de lancement, de fragments et de petites particules, dont les tailles caractéristiques vont du micromètre à la dizaine de mètres, reflète et diffuse la lumière du soleil vers les observateurs au sol « .

peut-on lire dans l’étude « The proliferation of space objects is a rapidly increasing source of artificial night sky brightness », publiée dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

Un danger pour la recherche…

Ces nuages de débris spatiaux réfléchissants représentent une menace sérieuse pour les astronomes, car, favorisant la pollution lumineuse, ils nuisent à leur profession en rendant le ciel nocturne moins sombre.

  • Si rien n’est fait, cela aura des répercussions scientifiques, bien sûr, mais également financières puisque les observatoires et télescopes actuels et en construction seront moins performants.
  • Les chercheurs ont calculé que la partie la plus sombre du ciel nocturne qui se trouve au-dessus de l’observatoire Vera Rubin, un télescope en construction au Chili, sera 7,5% plus lumineuse au cours des prochaines décennies.
  • Mais outre le fait que les travaux de l’observatoire pourraient prendre du retard et qu’ils pourraient être plus coûteux, les chercheurs pointent du doigt un coût qu’il est impossible à évaluer : les évènements célestes que l’humanité ne pourra jamais observer.

En plus de représenter un frein à l’observation spatiale, la multiplication des satellites – lanceurs, cadavres d’objets spatiaux et autres débris – pourrait également porter préjudice à la conquête spatiale.

… mais pas que

Les dangers d’une pollution lumineuse accrue ne s’arrêtent pas là. Les astronomes estiment en effet qu’elle menace directement « notre relation ancienne avec le ciel nocturne ».

  • « L’espace est notre patrimoine et ancêtre commun – nous reliant par la science, la narration, l’art, les histoires d’origine et les traditions culturelles – et il est maintenant en danger », a mis en garde Aparna Venkatesan, astronome à l’Université de San Francisco, dans un article publié dans Nature Astronomy.
  • Plusieurs groupes de scientifiques appellent à « arrêter cette attaque » contre la nuit naturelle.
    • « La perte de l’aspect naturel d’un ciel nocturne vierge pour le monde entier, même au sommet du K2 ou sur les rives du lac Titicaca ou sur l’île de Pâques est une menace mondiale sans précédent pour la nature et le patrimoine culturel », ont-ils assuré dans un commentaire publié dans la revue scientifique.

Plus encore : la pollution lumineuse, venant tant de l’espace que des villes, a des effets sur la santé. Elle perturbe en effet le rythme circadien, à savoir l’horloge biologique, ce qui peut accroître le risque de cancer, de diabète et de dépression chez l’Homme.

  • Mais les risques ne concernent pas que l’être humain. La faune et la flore souffrent également de cette lumière diffuse dans la nuit. La dormance des végétaux est perturbée, de même que la vision et l’orientation des animaux, notamment migrateurs. En l’absence d’étoiles visibles pour se guider, ces derniers dévient de leur trajectoire.

En conclusion : les astronomes appellent à limiter radicalement les mégaconstellations, voire à les interdire complètement.

  • Ils ont par ailleurs ajouté qu’il était « naïf d’espérer que l’économie spatiale en plein essor se limitera, sinon forcée de le faire ».
    • L’économie spatiale a en effet connu un véritable boom ces dernières années, que ça soit en termes de tourisme spatial – l’offre ne cesse de se diversifier et de se « démocratiser » – ou de projets d’Internet spatial.
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