Les appels téléphoniques de Merkel à Loukachenko jugés « très étranges » par l’opposition biélorusse

La semaine passée, la chancelière allemande par intérim Angela Merkel a brisé l’isolement qui était celui d’Alexandre Loukachenko depuis plus d’un an vis-à-vis des dirigeants occidentaux. Elle a discuté avec lui par téléphone à deux reprises, au sujet de la crise migratoire aux frontières avec l’Union européenne. A-t-elle vraiment eu raison de vouloir désamorcer la bombe ?

Depuis sa réélection à l’été 2020, teintée de lourds soupçons de fraude, Alexandre Loukachenko n’avait jamais été appelé par un dirigeant occidental. Une façon de ne pas donner de légitimité à sa « victoire ». Une tactique brisée par Angela Merkel la semaine dernière. La chancelière allemande par intérim lui a téléphoné deux fois, pour évoquer « la situation difficile à la frontière entre la Biélorussie et l’Union européenne – en particulier la nécessité d’une aide humanitaire pour les réfugiés et les migrants qui s’y trouvent », selon une déclaration officielle du gouvernement allemand.

La dirigeante allemande semblait pavée de bonnes inventions, mais ça n’a pas plu à Svetlana Tikhanovskaïa, cheffe de l’opposition biélorusse en exil. « Du point de vue du peuple bélarussien, cela a semblé très étrange », a-t-elle souligné, citée par Reuters. Pour elle, les dirigeants de l’UE devraient « s’abstenir de tout contact » avec M. Loukachenko.

« Le régime de Loukachenko ne comprend que le langage du pouvoir, il ne comprend pas le langage diplomatique », a ajouté Mme Tikhanovskaïa. De plus, elle a critiqué le fait que, selon elle, les sanctions imposées par l’Union à Minsk n’étaient pas efficaces, car elles comportaient trop de lacunes.

Réunion avec l’opposition

Les critiques de Mme Tikhanovskaïa sont survenues peu avant qu’elle s’entretienne avec Angela Merkel, le ministre allemand des Affaires étrangères par intérim Heiko Maas et le chancelier autrichien Alexander Schallenberg.

« La chancelière a souligné le soutien continu du gouvernement fédéral au mouvement démocratique biélorusse », a déclaré le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert. Selon lui, Mme Merkel a « insisté » sur le fait que le gouvernement de Loukachenko « doit mettre fin à la répression contre l’opposition et les journalistes indépendants, libérer les prisonniers et entamer un dialogue sérieux avec la société afin de résoudre la crise par des élections justes et libres ».

« La situation intérieure en Biélorussie est pire que jamais », a de son côté commenté M. Maas, ajoutant que l’opposition en exil devait rester unie. La pression sur Loukachenko doit être maintenue, a-t-il ajouté, faisant référence au cinquième train de sanctions de Bruxelles à l’égard de Minsk, qui est toujours en cours d’élaboration.

L’UE refuse la proposition de Loukachenko

Dimanche, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a déclaré que la crise pourrait être le prélude à « quelque chose de bien pire ». Il a en outre accusé M. Loukachenko de lancer « une guerre hybride contre l’UE » qui constitue « la plus grande tentative de déstabilisation de l’Europe depuis 30 ans ».

Lundi, le président biélorusse a répondu en tentant d’apaiser la situation. « Nous ne voulons pas de confrontation. Nous n’en avons pas besoin. Parce que nous comprenons que si nous allons trop loin, la guerre est inévitable », a-t-il prévenu. « Et ce sera une catastrophe. Nous le comprenons parfaitement. Nous ne voulons aucune forme d’embrasement. »

Pour éviter pareille escalade, M. Loukachenko a proposé la semaine dernière un plan prévoyant que les pays de l’UE accueillent les migrants, tandis que Minsk en renverrait 5.000 autres chez eux. Il a expliqué que la Biélorussie préparait un deuxième vol de rapatriement pour la fin du mois.

Une solution qui n’a pas été acceptée par l’UE. Lundi, le dirigeant biélorusse a pourtant continué d’insister, poussant pour que l’Allemagne – la destination préférée de nombreux migrants – en accueille un certain nombre.

« L’idée d’avoir un couloir humanitaire vers l’Allemagne pour 2.000 migrants n’est pas une solution acceptable pour l’Allemagne ou l’UE », a déclaré lundi un porte-parole du gouvernement.

« L’UE ne doit pas céder au chantage de Loukachenko. Nous devons répondre de manière unie et très claire à cette attaque hybride parrainée par l’État contre l’Union européenne », a abondé le chancelier autrichien Alexander Schallenberg à l’issue de sa discussion avec la cheffe d’opposition biélorusse.

Pour rappel, l’Union européenne accuse la Biélorussie d’avoir organisé cette crise migratoire, proposant à des candidats à l’immigration des vols bon marché vers Minsk en vue d’un passage facile vers les pays de l’UE. Une « vengeance » mise en place par M. Loukachenko pour contrer les sanctions économiques prononcées à l’encontre de son pays.

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