Les Allemands se sont rendus aux urnes ce week-end pour exprimer leur mécontentement face à la situation actuelle de leur pays. Le SPD, le parti du chancelier Olaf Scholz, a essuyé de lourdes pertes. En revanche, le cartel CDU/CSU est le grand gagnant des élections en Allemagne. « Mais il semble peu probable que ce parti parvienne à imposer de grandes réformes », explique Christofer Govaerts, économiste en chef chez Nagelmackers, dans un entretien avec notre site.
Nos voisins allemands sont clairement inquiets de l’état de leur pays. Pas moins de 82,5 pourcent des électeurs allemands se sont exprimés hier. C’est le taux de participation le plus élevé depuis la réunification en 1990. La situation de la plus grande économie d’Europe n’est en effet pas au beau fixe. L’an dernier, la croissance a reculé de 0,2 pourcent. En 2023, l’économie allemande s’est encore contractée de 0,3 pourcent. Ces dernières années, les experts ont souvent qualifié l’Allemagne de « homme malade de l’Europe ». « Cela s’explique notamment par la pression qui pèse sur l’industrie manufacturière », précise Govaerts. « Prenons l’exemple des restructurations chez Volkswagen. Le constructeur automobile a annoncé à l’automne 2024 qu’il prévoyait de fermer au moins trois usines en Allemagne. Des dizaines de milliers d’emplois sont menacés. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres de la précarité de la situation économique en Allemagne. Il n’est donc pas surprenant que les citoyens s’inquiètent. »
Un virage à droite en Allemagne
Le résultat de cette inquiétude est un net virage à droite. Hier, le SPD n’a réussi à convaincre que 16,4 pourcent des Allemands, ce qui représente une baisse de 9,3 points par rapport aux élections de 2021. Le CDU/CSU a quant à lui obtenu 28,52 pourcent des voix, soit une progression de 4,4 points par rapport à il y a quatre ans. Le parti d’extrême droite AfD a enregistré la plus forte avancée (+10,4 pourcent). Au final, un Allemand sur cinq (20,8 pourcent) a voté pour ce parti. Les résultats dans l’ancienne Allemagne de l’Est sont particulièrement frappants. L’AfD a réussi à convaincre 34 pourcent des électeurs de cette région de voter pour l’extrême droite.

« En théorie, il ne sera pas difficile de former rapidement une coalition. Étant donné que le FDP et le BSW n’ont pas franchi le seuil électoral de 5 pourcent, la redistribution des sièges restants signifie qu’une grande coalition traditionnelle de centre-gauche, composée du CDU/CSU et du SPD, pourrait être envisagée avec 328 sièges sur 630 », explique Govaerts. Mais il ajoute aussitôt que les Allemands ne doivent pas s’attendre à des réformes profondes. « Certaines promesses électorales, comme la réforme des règles budgétaires, sont quasiment impossibles à tenir, car même avec trois partis de coalition, il n’est pas possible d’obtenir une majorité des deux tiers des sièges. Le nouveau gouvernement devra donc rallier les petits partis, comme Die Linke et les Verts, pour de telles mesures. La question est de savoir dans quelle mesure ces partis seront prêts à soutenir les partenaires de coalition si, par exemple, une politique migratoire plus stricte est proposée. L’AfD, quant à elle, exigera l’inverse pour faire passer des réformes. »
Un timing malheureux
Govaerts ajoute qu’il est crucial que les négociateurs parviennent à former un gouvernement dans les huit semaines, délai que s’est fixé le futur chancelier Friedrich Merz. « Les marchés financiers réagissent positivement aux résultats des élections, mais l’ambiance pourrait rapidement se détériorer si un accord de coalition tarde à se concrétiser. En d’autres termes, ils suivront de près l’évolution politique en Allemagne », déclare-t-il. « Quoi qu’il en soit, le timing est très mal choisi. » L’économiste en chef fait notamment référence aux tensions géopolitiques, comme la guerre en Ukraine.
À cela s’ajoute une guerre commerciale. Par exemple, le président américain Donald Trump souhaite imposer des taxes supplémentaires sur l’acier et l’aluminium européens importés aux États-Unis. L’Union européenne estime que la première vague de droits de douane portera un coup de 28 milliards d’euros à l’économie. « Et c’est une mauvaise nouvelle principalement pour l’Allemagne, car les États-Unis sont son deuxième partenaire commercial le plus important, après l’UE elle-même. Les États-Unis représentent environ 11 pourcent du commerce international allemand, soit environ 160 milliards d’euros », conclut l’économiste en chef de Nagelmackers. « Et cela pourrait aussi avoir des conséquences pour notre pays, car la Belgique ne commerce avec aucun autre pays autant qu’avec l’Allemagne. Si l’économie allemande continue de s’affaiblir, nos entreprises en ressentiront également les effets. »
Si vous souhaitez accéder à tous les articles, abonnez-vous ici!