« Le temps du gaz naturel bon marché est révolu »

Impact sur l’économie mondiale et la facture d’électricité. La nouvelle flambée du gaz naturel sur les marchés européens inquiète.

Pourquoi est-ce important ?

Durant la dernière décennie, le gaz naturel était une source d'énergie bon marché. C'est en train de changer, et durablement selon Bloomberg. Les tarifs du gaz européen ont atteint un record cette semaine, tandis que les livraisons du gaz naturel liquéfié vers l'Asie sont proches d'un nouveau plafond pour cette période de l'année. Pour tout un tas de pays, le gaz est vu comme le remplaçant idéal du charbon et du pétrole, plus polluants, dans la perspective de réduction des émissions de carbone. Mais la machine s'est grippée. Les investissements n'ont pas suivi.

« Peu importe comment vous le regardez, le gaz sera le carburant de transition pour les décennies à venir, car les grandes économies s’engagent à atteindre les objectifs d’émissions de carbone », a déclaré Chris Weafer, PDG de Macro-Advisory Ltd, basée à Moscou.

Là où la Belgique prévoit de se passer du nucléaire en construisant de nouvelles centrales à gaz, la plupart des pays pollueurs veulent eux se passer du charbon et du pétrole, plus polluants, pour atteindre leurs objectifs climatiques de 2030. Deux trajectoires opposées qui mènent au même résultat: la demande de gaz explose. Et pour un moment.

D’ici 2024, la demande devrait monter de 7% selon l’Agence internationale de l’Énergie. De 3,4% par an jusqu’en 2035, prévoit McKinsey.

Changement de paradigme

Durant la dernière décennie, le gaz bon marché était vu comme la grande solution pour atteindre les objectifs climatiques pour les États dépendants du charbon. En effet, on estime que le gaz naturel émet 50% de CO2 en moins que le coke (résidu de carbone). C’est de loin le combustible fossile le plus propre.

Entre 2009 et 2020, la demande a explosé de 30% au niveau mondial, et personne ne s’en inquiétait vraiment, au contraire. Mais les énergies renouvelables ont entre temps fait l’objet d’investissements massifs. Le tout au détriment du gaz ce qui a fait grimper les prix.

Les tarifs européens ont bondi de 1.000% par rapport au creux de mai 2020, il est vrai, dans un contexte de crise sanitaire. Les tarifs asiatiques du GNL (gaz naturel liquéfié) ont été multipliés par six au cours de la dernière année. La demande, mais aussi les perturbations d’approvisionnement en pleine reprise économique sont tous des facteurs qui font grimper le prix.

Et c’est parti pour durer, car personne ne voudra investir à long terme dans le gaz naturel. Pourquoi ? Car une fois passé 2030, il faudra tendre vers le zéro carbone dès 2050. À ce moment-là, le gaz naturel ne fera plus du tout partie de la solution. Et c’est l’AIE qui le dit.

On se retrouve dans une situation où la forte demande de gaz aurait dû amener de nombreux investissements. Mais ce n’est pas le cas, et ce ne sera sans doute pas le cas dans les années à venir. Conséquence: les prix s’envolent.

Quid en Belgique ?

Cette demande croissante sans investissements assez conséquents vont faire grimper les prix, ce qui est une double mauvaise nouvelle: les usines et entreprises verront leur facture augmenter, secouant l’économie mondiale. Ensuite, c’est bien sûr le consommateur qui devrait casquer. Il vous en coûtera plus cher pour prendre une douche, préparer le dîner ou vous éclairer.

On ne le sait que trop bien en Belgique, où la facture d’électricité a bondi ces derniers temps. Certains craignent que la sortie du nucléaire au profit du gaz n’alimente encore cette tendance à la hausse. Ce que réfute Elia, le gestionnaire de transport d’électricité. Certes, le mécanisme de compensation (CRM) pour la sortie du nucléaire coûtera de l’argent à l’Etat belge, mais Elia pense pouvoir disposer d’électricité meilleur marché avec l’investissement de centrales à gaz neuves et plus efficaces. Mais le prix du gaz, vous l’aurez compris, n’est pas dépendant uniquement de la situation belge.

Rappelons que la partie énergie de votre facture d’électricité ne compte que pour 20 à 30% du prix total. Le reste, ce sont les frais de réseau, de transport, la TVA et les redevances. Au même titre que les accises pour votre plein d’essence.

Reste que si l’inflation dépasse les 2% en Belgique, c’est parce que votre facture d’énergie pèse fortement dans la balance.

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