Le rêve démesuré de la Pologne pour la voiture électrique

Izera, c’est le nom de la voiture électrique que la Pologne a présentée la semaine dernière. Encore au stade de projet, le véhicule devrait être lancé sur le marché en 2023 avec une production initiale de 60.000 exemplaires. Pour beaucoup d’experts, le projet de la Pologne est irréaliste.

Tout d’abord, le Premier ministre Mateusz Morawiecki avait annoncé en 2016 qu’il y aurait ‘1 million de voitures électriques sur les routes polonaises d’ici 2025’. Nous voilà en 2020, à mi-chemin, et seules 6.837 voitures électriques sont immatriculées en Pologne. Même en comptant les voitures hybrides (5.434), nous sommes encore très loin du compte.

Mais le gouvernement polonais avait un plan : construire sa propre voiture électrique pour concurrencer le marché. Il a donc créé ElectroMobility Poland, avec l’aide des grands fournisseurs d’électricité du pays. De cette manière, il pouvait ‘surfer sur cette quatrième vague de la révolution économique’.

Après 5 ans de recherches et développement, le projet Izera, du nom d’un fleuve polonais, a été dévoilé. Pour le gouvernement, cette voiture devrait permettre d’atteindre les chiffres souhaités pour 2025. 60.000 exemplaires seraient produits dès 2023, la première année de production. Ensuite, il y aurait 100.000 Izera qui sortiraient chaque année.

Mission impossible

Pour les analystes interrogés par le site Politico, ce projet est totalement irréalisable, et ce pour plusieurs raisons.

  • Le temps: ElectroMobility Poland veut commencer la production d’ici trois ans. Mais c’est beaucoup trop court pour faire face à tous les problèmes que la réalisation d’une voiture de A à Z peut apporter. Les grandes marques ont besoin de 5 à 7 ans pour mettre la construction en place.

  • L’usine: l’entreprise publique polonaise ne possède encore aucune usine. Elle doit donc en faire construire une. Cela prend du temps et de l’argent. On parle d’une sacrée somme. Par exemple, l’usine Volkswagen dans la ville de Września coûte un milliard. En outre, la crise du coronavirus risque de freiner les démarches de construction, comme pour l’usine BMW à Debrecen (Hongrie).

  • L’argent: Le futur constructeur automobile polonais va donc devoir dépenser des milliards de dollars pour ce modèle, avant même d’avoir commencé à gagner de l’argent.  Actuellement, la société est financée par PGE, Tauron, Energa et Enea, les fournisseurs d’électricité du pays. Mais ces entreprises font face à de grands problèmes. L’électricité en Pologne est toujours produite par des usines au charbon, une technique fortement décriée par les écologistes. Les nouvelles mesures climatiques ont tendance à vouloir l’effacer du tableau.

  • Le marché: Le marché de la voiture est en plein essor. De nombreuses marques reconnues pour leur qualité lancent ou annoncent leur propre voiture électrique ou hybride. D’ici trois ans, les consommateurs qui veulent se lancer dans l’électrique auront l’embarras du choix. Et bien que le sentiment nationaliste soit fort dans le pays, les acheteurs se tourneront plus rapidement vers des marques et des voitures qui ont déjà fait leurs preuves. En outre, ElectroMobility Poland ne possède encore aucune plateforme de vente composée de concessionnaires dévoués à la marque. Tout doit encore être créé.

  • Les stations de recharge: l’un des grands freins de l’expansion de la voiture électrique dans le pays est le manque de stations de recharge. Seulement 1.194 points de recharge sont disséminés dans le pays. À titre de comparaison, à la frontière, en Allemgne, il y en a plus de 27.000.

Les obstacles sont de tailles. Même Dyson, une marque reconnue pour ses aspirateurs, a abandonné le projet d’une voiture électrique parce que c’était beaucoup trop coûteux.

Tout est déjà prévu

À en croire ElectroMobility Poland, tout est déjà sur les rails. L’usine se situera en Silésie. Les plans sont déjà en discussion au niveau juridique, mais l’emplacement exact n’a pas encore été dévoilé.

Pour la plateforme, l’entreprise a prévu de créer quelques salles d’exposition où le client pourra prendre des renseignements, mais la commande se fera par internet. Ainsi cela réduit les coûts.

La Pologne assure donc que le projet est sur les rails. Mais il faudra attendre 2023 pour vérifier que les promesses ont bien été respectées.

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