Le Premier ministre slovaque démissionne, une première tête européenne qui tombe suite à une controverse sur le Covid-19

Fin février, un avion militaire slovaque est parti secrètement pour Moscou en pleine nuit. Lorsqu’il est retourné à Kosice, dans l’est du pays, le lendemain, le Premier ministre slovaque Igor Matovic était là pour l’accueillir sur le tarmac. Il annonçait alors que l’avion contenait la première cargaison d’une série de 2 millions de doses du vaccin russe Spoutnik V. Ça lui a coûté sa tête.

Au lieu d’être salué comme un héros, Matovic a rapidement fait l’objet d’une pression croissante pour démissionner au milieu d’un exode massif de hauts fonctionnaires. Nombre d’entre eux ont déclaré ne pas avoir été prévenus à l’avance que Matovic prévoyait d’acheter le vaccin russe, qui n’a soit dit en passant toujours pas été approuvé par les régulateurs de l’Union européenne.

Autrefois considérée comme un exemple de réussite en matière de pandémie, la Slovaquie affiche désormais l’un des taux de mortalité les plus élevés du monde occidental, et la fragile coalition gouvernementale est de plus en plus divisée. Pour certains membres du cabinet, la décision de Matovic d’acheter unilatéralement des millions de doses d’un vaccin non approuvé a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Nombre de décès quotidiens par million d’habitants – Our World In Data.

‘Un crachat au visage de nos partenaires européens’

Dimanche, M. Matovic a annoncé qu’il démissionnait de son poste de Premier ministre et qu’il cédait sa place au ministre des Finances Eduard Heger, membre de son parti Obyčajní ľudia a nezávislé osobnosti (OĽaNO, le parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes). Cela permettra à la coalition actuelle de continuer à travailler, estime-t-il.

La démission de M. Matovic est intervenue après la démission des ministres slovaques de la Santé, de l’Économie, de la Justice, de l’Éducation et des Affaires étrangères, tandis que plusieurs députés ont quitté sa coalition de centre-droit. L’un des députés démissionnaires, Tomas Valasek, s’est dit préoccupé par le fait qu’acheter le vaccin russe revenait à ‘cracher au visage de nos partenaires européens’.

L’année dernière, la Slovaquie a été gouvernée par une coalition de quatre partis, ce qui a souvent donné lieu à des luttes intestines. La semaine dernière, la présidente slovaque Zuzana Caputova a demandé la démission de M. Matovic. Elle a déclaré que ce n’était pas le moment pour les décideurs politiques de se chamailler alors que la pandémie submergeait les hôpitaux et les travailleurs de la santé dans tout le pays.

Un bon départ, mais une chute rapide

La Slovaquie a administré environ 14.000 doses de vaccin par tranche de 100.000 habitants, ce qui est comparable à des pays comme l’Autriche, la Suisse et la Norvège. M. Matovic espérait accélérer le déploiement des vaccins dans le pays en achetant le vaccin russe, car l’Union européenne n’interdit pas aux États membres d’accorder leur propre autorisation d’urgence pour des médicaments dont l’utilisation n’est pas encore approuvée dans l’ensemble du bloc.

Mais l’idée que la Slovaquie serait le seul pays de l’UE, après la Hongrie, à utiliser le vaccin non homologué – et la décision unilatérale de M. Matovic de franchir le pas – n’a pas plu du tout au pays.

La frustration liée à la gestion de la crise sanitaire durait déjà depuis un petit temps. Au début de la pandémie, grâce à un lockdown strict et à la fermeture des frontières, la Slovaquie s’est bien mieux comportée que nombre de ses voisins européens. Mais lorsque le ras-le-bol de ces mesures a commencé à poindre le bout de son nez, les restrictions ont été levées. Résultat: le pays compte a été frappé de plein fouet par les 2e et 3e vague. De nouvelles restrictions plus strictes ont été annoncées en février, ce qui a permis de diminuer le nombre de cas quotidiens.

Nombre de contaminations quotidiennes par million d’habitants – Our World In Data.

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