Le nucléaire, énergie verte au sein de l’UE ? Les anti-nucléaires estiment avoir « gagné une bataille »

Ce jeudi, les discussions entre les dirigeants des différents pays membres de l’Union européenne autour de la taxonomie verte n’ont pas permis de dissiper les fortes divergences d’opinion. Dans le clan des anti-nucléaires, on se dit toutefois satisfait.

Le nucléaire et le gaz naturel seront-ils inclus dans la taxonomie financière durable de l’Union européenne ? Pour l’instant, on ne le sait toujours pas. La question est ultra-épineuse et divise le bloc: des milliards de subsides sont en jeu. La Commission européenne espère pouvoir proposer ses règles ce mois-ci, mais ce ne sont sans doute pas les discussions de ce jeudi qui l’aideront à se positionner.

Réunis à Bruxelles, les dirigeants européens ont continué de s’écharper sur le sujet. Il y a d’un côté une douzaine de pays, avec la France comme figure de proue, que l’on peut qualifier de « pro-nucléaires« . Parmi eux, certains veulent que le gaz naturel soit aussi intégré à la taxonomie verte en tant que pilier pour la transition vers une économie zéro émission nette pour 2050. De l’autre côté, cinq pays sont catégoriquement contre le nucléaire: l’Allemagne, l’Autriche, l’Irlande, le Portugal et le Luxembourg. Les autres pays du bloc sont entre deux eaux. Et personne ne parvient à se mettre d’accord.

Pour les pays d’Europe de l’Est qui doivent sortir du charbon, le nucléaire, et dans une moindre mesure le gaz, sont vus comme des solutions idéales pour émettre moins de CO2.

L’Autriche est optimiste, l’Allemagne calme le jeu

A l’issue des débats, les conclusions finales du sommet du Conseil européen ne font aucune référence à la question du nucléaire, rapporte Euractiv. L’Autriche, qui a interdit l’utilisation de l’énergie nucléaire il y a plus de 30 ans, s’en félicite.

« Nous avons gagné une bataille aujourd’hui, mais pas encore la guerre contre l’utilisation de l’énergie nucléaire dans l’Union européenne », a déclaré le chancelier autrichien Karl Nehammer. « Nous avons réussi à obtenir un succès partiel en ce qui concerne le fait de ne pas ajouter l’énergie nucléaire à la taxonomie », a-t-il ajouté.

De son côté, l’Allemagne, qui abandonnera le nucléaire l’an prochain, a tenu à minimiser l’importance que certains accordent à la (non-)inclusion du nucléaire dans la taxonomie verte de l’UE. Le chancelier allemand Olaf Scholz a souligné qu’il s’agit principalement d’une question financière et que cela n’interférera pas avec le parcours individuel des différents pays de l’UE pour devenir neutres en carbone.

Tout le monde n’est donc pas sur la même longueur d’ondes au sein de « anti-nucléaires ». L’Allemagne estime qu’il s’agit surtout d’une tempête dans un verre d’eau. L’Autriche a elle menacé de poursuivre la Commission européenne si elle incluait le nucléaire dans la taxonomie.

Le prix du CO2 s’envole, des pays de l’Est s’insurgent

La taxonomie n’est pas le seul élément de discorde concernant la politique énergétique européenne. Jeudi, la Pologne a notamment vivement critiqué la volatilité des prix sur le marché du carbone qui, selon elle, profite essentiellement aux spéculateurs et aux pays riches de l’UE.

« Les prix des ETS devraient être assez constants et raisonnablement prévisibles, sans pics », a déclaré le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, ajoutant que la Pologne avait proposé des changements concernant le marché du carbone à la Commission européenne. Il a qualifié les ETS de « maladie » qui, selon lui, décourage les pays à la transition vers le renouvelable. « Au lieu de promouvoir le développement durable, il rend les pauvres encore plus pauvres et les riches encore plus riches ». Pour la simple raison que les pays les plus pauvres d’Europe sont pour le moment les plus émetteurs de CO2 et donc ceux qui prennent l’augmentation des prix du CO2 de face.

En perdant ses centrales à charbon, la volonté d’autonomie énergétique de la Pologne la pousse à opter pour le nucléaire et le gaz. Ce qui met en déroute une certaine théorie des écologistes en Belgique.

La Pologne a reçu le soutien de la Hongrie, qui accuse la « mauvaise réglementation de Bruxelles » d’être à l’origine de la hausse des prix de l’énergie. La Bulgarie s’est plus ou moins jointe à elles. Elle suspecte elle aussi la spéculation autour des prix du CO2 d’être en partie responsable de la flambée et demande une analyse plus approfondie des causes de la hausse des prix de l’électricité.

Le prix de référence du carbone en Europe a atteint un niveau record de 90,75 euros par tonne la semaine dernière. Une augmentation de plus de 50% depuis le début du mois de novembre en raison de la hausse des prix du gaz et de l’expiration imminente des options ETS.

Nouvelle réunion en vue

« Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait des opinions divergentes autour de la table et nous n’avons pas pu nous mettre d’accord sur les conclusions présentées », a concédé le président du Conseil européen, Charles Michel.

Les dirigeants européens discuteront s à nouveau de la question énergétique lors d’une prochaine réunion, a-t-il annoncé.

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