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Le « miracle économique » de la Belgique n’en est pas un

Le « miracle économique » de la Belgique n’en est pas un
DANIEL LEAL/AFP via Getty Images

L’économie belge a affiché une performance nettement meilleure ces derniers mois que ce qui était initialement craint, mais c’est principalement dû à une « croissance empruntée » via un déficit budgétaire croissant et des augmentations rapides des salaires. Les deux éléments devront être corrigés dans les prochains mois, ce qui pèsera sur la croissance économique.

L’économie belge a résisté remarquablement bien ces derniers mois. Alors que l’Allemagne (-0,9%) et l’ensemble de la zone euro (-0,2%, principalement en raison des mauvais chiffres irlandais) sont tombées en récession cet hiver, l’économie belge est restée en croissance. Au cours des premiers mois de cette année, l’économie belge a enregistré une croissance de 0,5%, se situant parmi les meilleurs d’Europe. C’est nettement mieux que ce qui était craint précédemment. À l’automne dernier, il semblait que notre économie se dirigeait également vers la récession. Cette solide performance de croissance s’inscrit en outre dans un contexte plus large d’une économie belge qui a très bien résisté aux récentes crises du coronavirus et de l’inflation. Depuis fin 2019, la Belgique a enregistré une croissance économique de 3,7%, clairement supérieure à la moyenne de la zone euro (2,5%) et des pays voisins (1,9%).

L’économie belge tient bon – Croissance économique en hiver 2022-2023 (source: Commission européenne)

Dans certains milieux, les chiffres positifs des premiers mois de l’année ont été immédiatement interprétés comme une preuve que la Belgique se porte bien (dans un certain journal flamand, on a même parlé de la Belgique comme d’un « miracle économique »). Cependant, ces annonces restent très prématurées. La croissance actuelle est principalement « empruntée » à l’avenir.

Croissance empruntée

Le fait que l’économie belge résiste assez bien aux périodes de crise n’est pas nouveau et ne constitue pas une preuve de sa solidité durable. Cette fois encore, il s’agit en grande partie d’une croissance « empruntée » à l’avenir grâce à un déficit budgétaire croissant et à des augmentations rapides des salaires. Ces deux facteurs soutiennent la croissance économique à court terme, mais devront être rectifiés après les années de crise. L’ensemble des gouvernements belges affiche actuellement un déficit budgétaire d’environ 5% du PIB, et sans mesures de ceux-ci, ce chiffre augmentera à plus de 6% d’ici 2030. Selon les simulations du Bureau du Plan, un effort d’assainissement annuel de 0,7% du PIB (soit environ 4 milliards d’euros actuels) sera nécessaire au cours des prochaines années, ce qui aura inévitablement un impact sur la croissance économique.

De plus, l’indexation automatique des salaires a entraîné ces dernières années des augmentations salariales beaucoup plus rapides en Belgique que dans les pays voisins. Une indexation qui soutient à coup sûr les dépenses des ménages à court terme. Les solides chiffres de croissance reposent donc principalement sur la demande intérieure. Cependant, l’effet inverse de ces fortes augmentations salariales sur la compétitivité des entreprises ne se manifeste qu’avec un certain retard. Selon les dernières estimations du CRB, un handicap salarial d’environ 6% a ainsi été accumulé par rapport aux pays voisins. Celui-ci devra également être corrigé au cours des prochaines années, en particulier par des augmentations salariales plus lentes que dans les pays voisins, ce qui aura un impact relatif sur la croissance économique. De plus, tout comme ce fut déjà le cas dans le passé, ce handicap salarial affaiblira également les investissements des entreprises, y compris ceux des entreprises étrangères en Belgique, ce qui pèsera directement sur la croissance économique.

Perspectives de croissance faibles pour l’économie belge
Croissance prévue 2023-2028 (source: IMF)

Perspectives de croissance médiocres

Dans ce contexte, les actuels chiffres de croissance ne sont donc pas une preuve de la performance exceptionnelle de la Belgique. La facture se profile pour les années à venir. Le FMI prévoit une croissance économique moyenne de 1,2% par an en Belgique au cours des cinq prochaines années, soit la plus basse parmi les pays industrialisés, à l’exception de l’Italie et du Japon. De plus, cette croissance est insuffisante pour maintenir confortablement notre État-providence actuel, sans parler de renforcer davantage celui-ci. Ces perspectives maigres soulignent une fois de plus la nécessité urgente de réformes structurelles sérieuses afin de renforcer notre potentiel de croissance.


Bart Van Craeynest est économiste en chef au Voka et auteur du livre Back to the Facts.

(SR)

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