10 signaux d’alarme pour l’économie belge

Pendant ce temps, alors que Trump sème le chaos sur le front économique et géopolitique à peu près tous les jours, l’économie belge reste calme. Selon les premières estimations de la Banque nationale, elle le restera au cours des premiers mois de cette année. Au cours des deux dernières années, l’économie belge a progressé à un rythme assez soutenu d’un peu moins de 1 pour cent en glissement annuel. Pour le premier trimestre, la Banque nationale table sur une croissance annualisée de 0,8 pour cent, inférieure à la normale mais toujours positive. Malgré cette croissance, il existe toutefois d’importants signaux d’alerte pour notre économie:

1. Incertitude sur la politique internationale

Le comportement volatile du président Trump avec surtout de nombreuses annonces (notamment sur les droits de douane à l’importation) crée beaucoup d’incertitude. En outre, on ne sait pas non plus comment d’autres blocs économiques tels que la Chine et l’Europe réagiront. En conséquence, les indicateurs de l’incertitude politique mondiale ont atteint des sommets, semblables à la situation du début des années 2020, lorsque le covid a provoqué un chaos politique. Ce type d’incertitude quant à la direction que prend la politique est difficile à vivre pour les entreprises. Dans ce cas, elles doivent constituer des réserves plus importantes (en termes de stocks, mais aussi sur le plan financier) et il leur est plus difficile de prendre des décisions en matière d’investissement. L’incertitude politique pèse sur l’activité économique.

2. Augmentation des risques de récession aux États-Unis

Les marchés boursiers américains ont été ébranlés par une série de données économiques décevantes ces derniers jours. Une série de données économiques décevantes a de plus en plus soulevé la question de savoir si l’économie américaine se dirigeait vers une récession. Cela semble prématuré pour l’instant. Le marché boursier n’est pas un indicateur immédiatement fiable de la dynamique économique. Cela ne veut pas dire qu’il ne se passe rien. La croissance de l’économie américaine ralentit et le chaos politique de Trump n’arrange certainement pas les choses. Mais pour l’instant, l’économie privée semble suffisamment solide pour éviter un scénario de récession. Néanmoins, le risque de récession aux États-Unis est plus élevé qu’il y a quelques mois, et il reste bien sûr difficile de prédire quelles seront les prochaines actions de Trump. Quoi qu’il en soit, l’affaiblissement de l’économie américaine n’est pas une bonne nouvelle pour le reste de l’économie mondiale.

3. Guerre commerciale

Au cours des premières semaines de son mandat, Donald Trump a fait des droits de douane l’outil central de sa politique économique et internationale. Il a annoncé des droits de douane de 25 pour cent sur le Canada et le Mexique (il les a suspendus immédiatement, puis les a mis en place après un mois, avant de les suspendre à nouveau), a menacé d’imposer des droits de douane de 50 pour cent sur l’acier canadien (pour les annuler le même jour), a imposé des droits de douane de 25 pour cent sur l’acier européen, a menacé d’imposer des droits de douane de 25 pour cent sur toutes les importations en provenance d’Europe, a lancé deux droits de douane de 10 pour cent sur les importations en provenance de Chine, … Le Canada, la Chine et l’Europe, entre autres, ont réagi en imposant leurs propres droits de douane sur les produits américains. Les taxes à l’importation sont une mauvaise nouvelle pour l’activité économique, et la grande incertitude qui les entoure est un facteur négatif supplémentaire. Pour l’économie belge en particulier, qui dépend fortement du commerce international (même si c’est principalement au sein de l’Europe), il s’agit d’une mauvaise nouvelle.

4. Grandes parties du secteur privé sous pression

Ces dernières années, l’économie belge a continué à croître, mais, fait remarquable, le secteur public a progressé plus fortement que le secteur privé. Cette situation n’est pas vraiment saine. La croissance économique du secteur privé jusqu’en 2024 est d’à peine 0,9 pour cent, soit environ la moitié du taux de croissance normal. Dans des secteurs clés tels que l’industrie, le commerce et le secteur financier, qui représentent ensemble près de la moitié de l’activité du secteur privé, l’activité économique s’est contractée (collectivement -0,6 pour cent). Cette baisse a été compensée par une croissance relativement forte dans les TIC et les services professionnels et administratifs. Mais le fait qu’une grande partie du secteur privé soit dans le rouge fait peser des risques sur l’ensemble de l’économie.

5. Les entrepreneurs restent inquiets

La confiance des entrepreneurs belges (selon l’enquête mensuelle de la Banque nationale) reste bloquée à un niveau qui, par le passé, correspondait à une économie en stagnation. L’enquête menée par Voka auprès de 700 entrepreneurs flamands brosse un tableau encore plus pessimiste: près de deux répondants sur trois jugent la situation économique actuelle négative. Cette évaluation sombre est probablement due aux nombreuses incertitudes auxquelles les entrepreneurs sont confrontés aujourd’hui. Le chaos politique et la guerre commerciale mentionnés plus haut, mais aussi les réglementations européennes, les projets des nouveaux gouvernements, la dynamique des prix de l’énergie et des autres matières premières, … créent un climat difficile pour faire des affaires.

6. La part de marché sur les marchés internationaux diminue rapidement

Selon les prévisions les plus récentes de la Banque nationale, les exportations belges diminueront en volume de 13 pour cent entre 2022 et 2025. Il s’agit en partie d’une correction de l’effet corona dans le secteur pharmaceutique, mais ce n’est pas tout. En 2025, nos exportations se situeraient au même niveau qu’en 2019. Au cours de la même période, nos marchés étrangers augmenteraient d’environ 11 pour cent. Cela signifie que les exportateurs belges perdront plus de 10 pour cent de parts de marché sur les marchés internationaux. Selon les prévisions actuelles, cette perte s’accentuera encore en 2026-2027. L’érosion de notre position concurrentielle compromet le potentiel de croissance à long terme de notre économie.

7. L’avenir de l’industrie en Belgique reste incertain

Entre-temps, l’activité économique dans l’industrie a diminué pendant huit trimestres consécutifs. La valeur ajoutée dans l’industrie à la fin de 2024 était inférieure de 6,4 pour cent à ce qu’elle était juste avant la covid. Cette baisse s’est produite principalement dans les secteurs industriels à forte consommation d’énergie. Des secteurs tels que la chimie, l’acier et le plastique risquent de connaître une baisse de 20 à 30 pour cent depuis la fin de l’année 2019. Les gouvernements européen et flamand ont annoncé ces derniers mois des plans de soutien à l’industrie. Toutefois, le handicap énergétique important par rapport aux États-Unis et à de grandes parties de l’Asie, qui a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ces dernières années, reste bien réel et difficile à résoudre.

8. Un marché du travail chancelant

Le malaise économique et l’incertitude se font également sentir sur le marché du travail. Sur l’ensemble de l’année 2024, le marché du travail belge a créé 11.500 emplois nets. Mais cela est principalement dû au secteur public. Dans le secteur privé, 1 100 emplois nets ont été perdus en 2024. Dans l’industrie, 9 400 emplois ont été perdus, mais aussi dans l’agriculture, la construction, le commerce et les TIC. Les indicateurs avancés tels que l’activité temporaire et les prévisions d’emploi dans les secteurs clés semblent s’être quelque peu stabilisés au cours des derniers mois, mais à des niveaux peu élevés. Une nette amélioration à court terme ne semble pas encore imminente.

9. Nombre record de faillites

Après une augmentation spectaculaire ces dernières années, le nombre de faillites s’est stabilisé ces derniers mois, mais à un niveau élevé. Au cours des 12 derniers mois (jusqu’à fin février), 11 000 entreprises ont fait faillite en Belgique. Dans le même temps, 33 000 emplois ont été perdus. En Flandre, le nombre de faillites atteint même un record historique. Au cours des 12 derniers mois, 6.300 entreprises ont fait faillite en Flandre, entraînant la perte de 19.000 emplois.

10. Risque de taxes supplémentaires

Compte tenu du ralentissement de l’activité économique, du fait que le gouvernement de l’Arizona pourrait commencer trop tard à faire la différence dès cette année, et surtout des milliards supplémentaires nécessaires de manière accélérée pour la défense (déjà 4 milliards de plus d’ici l’été), les plans budgétaires de l’Arizona doivent déjà être reconsidérés. Il est d’ores et déjà clair que des efforts supplémentaires seront nécessaires pour maîtriser le déficit budgétaire. Dans le même temps, les mesures d’austérité prévues (même si elles restent limitées dans l’ensemble) suscitent déjà de nombreuses protestations. Il existe un risque réel que le nouveau gouvernement finisse par chercher des recettes fiscales supplémentaires pour relever les défis budgétaires. Compte tenu de la charge fiscale déjà importante, cela pèserait sur l’activité économique.

L’économie belge continue de croître pour l’instant, bien qu’à un rythme plus lent que la normale. Cela signifie qu’il faudra peu de dérapages (supplémentaires) avant que les scénarios de récession ne se concrétisent. Une éventuelle escalade de la guerre commerciale et l’incertitude qui l’entoure pourraient constituer un élément déclencheur à cet égard. D’un autre côté, il est également possible que l’Europe (en partie sous la pression de Trump) commence enfin à s’attaquer réellement à certains problèmes, ce qui pourrait donner un élan positif. Les projets du prochain gouvernement allemand de commencer à investir massivement sont déjà un pas dans la bonne direction qui aurait également des conséquences positives pour notre économie (même s’il faudra un certain temps pour que cela décolle vraiment). À court terme, cependant, l’incertitude continue à assombrir les perspectives.


Bart Van Craeynest est économiste en chef chez Voka et auteur de ‘België kan beter’.

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