Le milliardaire George Soros : « Pomper des milliards de dollars en Chine maintenant est une erreur tragique »

Dans une tribune publiée dans le Wall Street Journal, le milliardaire hungaro-américain George Soros s’en prend au plus grand gestionnaire d’actifs du monde, BlackRock. Cette entreprise a lancé une offensive de charme en Chine, ce qui n’est pas du goût du fondateur de l’Open Society Foundations.

Pourquoi est-ce important ?

BlackRock, le plus grand gestionnaire d'actifs au monde, s'est lancé dans une initiative ambitieuse en Chine. Le 30 août, elle a lancé une gamme de fonds d'investissement et d'autres produits d'investissement destinés aux consommateurs chinois. La société new-yorkaise est la première société à capitaux étrangers à être autorisée à le faire. Toutefois, cela n'est pas du goût de certaines personnes, comme George Soros, qui voient un choc des civilisations dans les relations tendues entre les États-Unis et la Chine.

L’entrée sur « le marché chinois présente une opportunité importante pour aider à atteindre les objectifs à long terme des investisseurs en Chine et au-delà », a écrit Larry Fink, président de BlackRock, dans une lettre aux actionnaires.

Cependant, George Soros considère la démarche de BlackRock comme un risque pour l’argent de ses clients et les intérêts de la sécurité américaine. « Pomper des milliards de dollars en Chine maintenant est une erreur tragique », a écrit le philanthrope dans son éditorial du WSJ. « Elle fera probablement perdre de l’argent aux clients de BlackRock et, plus important encore, elle portera atteinte aux intérêts de sécurité nationale des États-Unis et d’autres démocraties. »

Ce commentaire est l’un des nombreux écrits de Soros ces dernières semaines mettant en garde contre le renforcement des relations économiques avec la Chine du président Xi Jinping, dans un contexte de vague de mesures répressives anticapitalistes dans ce pays.

Par exemple, dans un autre article d’opinion paru dans le Journal le mois dernier, Soros a qualifié Xi Jinping de « plus dangereux ennemi des sociétés ouvertes dans le monde ». Dans le Financial Times, il a suggéré que le Congrès américain adopte une législation limitant les investissements des gestionnaires d’actifs aux « entreprises dont les structures de gouvernance réelles sont à la fois transparentes et alignées sur les parties prenantes ».

« Conflit entre vie et mort »

Dans son dernier article, Soros s’est ensuite demandé si BlackRock n’avait pas mal compris le dirigeant chinois, ce dernier considérant toutes les entreprises chinoises comme des « instruments de l’État à parti unique ».

Bien que le président Xi Jinping ait facilité la participation des investisseurs étrangers aux marchés de capitaux nationaux, son gouvernement resserre par le même occasion son emprise sur le secteur privé et se heurte aux États-Unis sur tous les sujets, de la cybersécurité aux violations des droits humains au Xinjiang.

M. Soros a déclaré que les mesures répressives, qui ont commencé par l’annulation soudaine de l’introduction en bourse du groupe Ant l’année dernière, sont maintenant « allées crescendo ».

« Aujourd’hui, les États-Unis et la Chine sont engagés dans un conflit à la vie à la mort entre deux systèmes de gouvernance : répressif et démocratique », a déclaré Soros.

Sans consensus

Bien qu’à 91 ans, Soros soit toujours un financier influent du parti démocrate américain, il ne gère plus d’argent étranger et sa position critique envers la Chine ne parle pas au nom de tout Wall Street. BlackRock, Goldman Sachs et la plupart de leurs grands collègues de la gestion financière et du monde bancaire ont décidé qu’investir en Chine offrait plus d’opportunités que de risques.

Mark Mobius, expert en marchés émergents et légende des marchés boursiers, n’est pas non plus d’accord avec Soros. Dans une interview accordée à Bloomberg, il s’est dit « plutôt positif » quant aux mesures prises par la Chine.

« Cela signifie qu’ils s’orientent vers une réglementation équitable, qu’ils essaient de créer des conditions de concurrence équitables », a déclaré M. Mobius. « Ces mesures prises par la Chine rendent la situation plus sûre pour les investisseurs, y compris les investisseurs étrangers, donc je ne vois pas où George Soros va chercher tout ça. »

« L’homme qui a cassé la Banque d’Angleterre »

La méthode d’investissement préférée de Soros est la spéculation à court terme. Grâce à son énorme richesse, il parie sur les grands mouvements de prix avec des milliards d’euros à la fois.

Un jour dans les années 1990 (le 16 septembre 1992 pour être précis), il a profité de la faiblesse de l’économie britannique pour lancer une attaque spéculative sur la valeur de la livre. L’État insulaire a tenté d’éviter l’offensive en achetant des livres – sans succès. La livre a perdu 15 % de sa valeur et la banque centrale britannique a subi des milliards de pertes. Depuis ce jour, Soros est connu comme « l’homme qui a cassé la Banque d’Angleterre ».

Soros est régulièrement sous le feu des projecteurs dans sa Hongrie natale (notamment lors des campagnes électorales) en raison de son engagement en faveur de l’ouverture des frontières et des valeurs libérales progressistes avec ses Open Society Foundations. En raison notamment de ses origines juives, il est depuis des années le croque-mitaine des mouvements réactionnaires de droite et antilibéraux du monde entier.

Une affiche électorale anti-Soros dans la capitale hongroise Budapest / isopix

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