Le marché noir de l’anguille ? Plus rentable que les trafic de drogue et d’armes

Les élevages en Asie ont besoin d’embryons pour développer des anguilles, et ont recours à des braconniers européens. Les exportations sont interdites, ce qui rend ce business très lucratif.

Pour d’aucuns, il s’agit des meilleurs sushis. Ceux avec une fine tranche d’anguille grillée. Unagi, comme disent les Japonais. C’est que ce poisson, à la gracieuse forme d’un serpent, suscite effectivement beaucoup d’engouement. A tel point qu’un marché noir particulièrement lucratif s’est développé.

Un business de civelles, qui sont les alevins (bébés) de l’espèce, très rentable, plus rentable que le trafic de drogues, d’armes ou d’êtres humains, rapporte le média Capital. Il vaudrait même trois milliards d’euros, tous les ans. Mais comment se fait-il que ce poisson suscite autant d’intérêt, et mobilise autant de sommes d’argent?

Pénurie en Asie

D’abord, les trafics s’organisent depuis l’Europe vers l’Asie. Le mode opératoire s’axe principalement autour des valises de mules, qui sont des passagers d’avions. Avec la pandémie et les restrictions de voyage, les contrebandiers passent alors via le fret aérien, en cachant les civelles dans d’autres marchandises.

En Asie, l’espèce dominante est l’anguille japonaise, mais les ressources diminuent. Les éleveurs comptent donc sur des espèces étrangères pour peupler leurs piscicultures, car l’espèce ne se reproduit pas en captivité. La consommation d’anguilles au Japon dépend par exemple à 99% des élevages.

D’un côté, avec cette forte demande, les prix augmentent. Mais d’un autre côté, les prix sont également hauts car cette exportation est illégale, et qui dit illégal, dit plus de risques, donc une « facture » plus élevée. Depuis 2010, l’exportation de civelles hors des frontières européennes est interdite. Depuis 2007, l’anguille européenne est inscrite dans la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, avec la mention que « son commerce doit être réglementé afin d’éviter une exploitation menaçant sa survie ».

100 tonnes d’exportation illégale par an

Selon l’organisation Sustainable Eel Group, de l’entièreté des civelles vivant en Europe, 23% sont attrapées et exportées de manière illégale. Elles sont exportées vers la Chine principalement. L’organisation compare ces deux chiffres : une estimation scientifique calcule que 440 tonnes de civelles arrivent tous les ans sur les côtes européennes, depuis l’Atlantique, et Europol indique qu’en 2018, 100 tonnes ont été exportées illégalement.

Sur l’entièreté du procédé, le prix est multiplié par 100. L’organisation explique qu’une civelle rapporte 10 cents à un pêcheur européen. A Hong Kong, où elles sont revendues, elles valent un euro par pièce. Ensuite, elle est élevée en Chine, et après un an, une anguille vaudra 10 euros. Une multiplication par 100 sur un an, qui serait ainsi plus profitable que le trafic d’armes et de drogues, compare l’organisation.

Sur la saison de pêche 2019/2020, 108 contrebandiers présumés ont été arrêtés dans 19 pays européens, explique Europol. Sur la même période, deux tonnes de civelles ont été saisies, équivalant à une valeur estimée de 6,2 millions d’euros.

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