Le Danemark abat illégalement 10 millions de visons puis se rétracte: la Première ministre s’excuse

Le Danemark est secoué par une affaire qui prend de plus d’ampleur. Alors qu’elle concernait d’abord uniquement la crise du coronavirus, elle prend une tournure à la fois politique et sociale.

Mercredi dernier, le gouvernement danois a ordonné l’abattage des 17 millions de visons qui se trouvaient sur son territoire. En cause, une mutation du coronavirus survenue chez ces animaux et qui a été transmise à l’homme. Certains Danois ayant été en contact avec des visons ont en effet contracté une nouvelle forme du virus, susceptible de mettre à mal l’efficacité des vaccins en cours de développement.

En une semaine, 10 millions de visons ont déjà été abattus. Mais voilà que le gouvernement danois est contraint de stopper le processus car celui-ci est parfaitement illégal.

‘Une erreur regrettable’

L’abattage des visons a été effectué très rapidement. ‘A la hâte’, disent les détracteurs. Ainsi, des témoins oculaires ont rapporté que des milliers de cadavres ont été précipitamment stockés le long d’une autoroute, à la vue de tous.

Les éleveurs de visons ont reçu l’ordre de tuer tous leurs visons, même ceux qui étaient en bonne santé. Problème: le gouvernement était uniquement autorisé à ordonner l’abattage des visons infectés, ou situés dans des régions à risque. Pour procéder à un abattage à l’échelle nationale, il fallait voter une nouvelle loi. Et la Première ministre danoise n’était pas au courant.

‘C’est une erreur. C’est une erreur regrettable’, a déclaré Mette Frederiksen, présentant ses excuses au Parlement.

Pire: le projet d’adoption d’une loi d’urgence, qui nécessitait l’accord des 3/4 du Parlement, a été rejeté. Le gouvernement a ensuite proposé une nouvelle loi, ‘standard’, qui interdirait l’élevage des visons jusqu’en 2022. Nécessitant l’approbation de la moitié du parlement, elle n’a pas encore pu être adoptée.

Cela n’a pas empêché le ministre de l’Agriculture Mogens Jensen ‘d’encourager’ les agriculteurs à poursuivre l’abattage de leurs bêtes. Mais ils n’y sont plus obligés par la loi.

La Première ministre Mette Frederiksen a présenté ses excuses devant le Parlement – Isopix

Le président du Parti libéral, Jakob Ellemann-Jensen, a qualifié la situation de ‘choquante’ et a tiré à boulets rouges sur le manque de transparence. Même les partis alliés au gouvernement ont demandé une enquête.

Les parlementaires réfractaires à l’abattage des visons semblent être motivés par deux raisons: un manque de certitudes scientifiques et un carnage social.

Les études sont toujours en cours

Il n’y a pas encore de consensus au sein de la communauté scientifique pour confirmer que la mutation survenue chez les visons met effectivement en péril l’efficacité des futurs vaccins. Certains scientifiques pensent que le gouvernement a réagi beaucoup trop rapidement. Des études sont toujours en cours.

Si environ 200 Danois ont été contaminés par une forme de coronavirus différente, une mutation bien spécifique inquiète les scientifiques. Celle-ci a été transmise à douze personnes.

‘Nous travaillons dur pour déterminer si cela a des effets biologiques et si cela pourrait causer des problèmes au vaccin. Nous devons donc nous pencher sur la question immédiatement avant que ce problème potentiel ne prenne de l’ampleur’, a déclaré le professeur Anders Fomsgaard, responsable de la recherche sur les virus au Statens Serum Institut, à la BBC.

De son côté, Kare Molbak, l’épidémiologiste de référence au Danemark, a expliqué au Politieken que l’industrie du vison représentait ‘un risque bien trop élevé pour la santé publique’.

‘Les visons sont très facilement infectés par le coronavirus, et une fois qu’il est là, il se propage à la vitesse de la lumière’, a-t-il déclaré. ‘Nous avons vu comment cela se propage ensuite aux humains. Il est donc pratiquement impossible de gérer une telle propagation durant une pandémie’.

Des agriculteurs anéantis

D’autre part, l’abattage massif des visons constitue une catastrophe sur le plan social. Abritant plus d’un millier d’élevages, le Danemark est le premier producteur mondial de fourrures.

‘C’est une fermeture et de facto une liquidation permanente de l’industrie de la fourrure. Il n’y a pas de retour en arrière possible. Même si quelques agriculteurs survivent d’une manière ou d’une autre, il n’y aura plus d’avenir pour ce secteur. Nous ne pouvons survivre que si nous avons une industrie de grande ampleur et solide’, a déclaré le président de l’organisme danois du commerce de la fourrure, Tage Pedersen.

6.000 personnes pourraient perdre leur emploi si l’industrie du vison venait à totalement disparaître.

Les agriculteurs ont dû s’occuper eux-mêmes de l’abattage de leurs visons – Isopix

Des agriculteurs en larmes ont fait part de leur désespoir auprès des chaînes de télévision danoises. Si certains ont dans un premier temps refusé d’obéir aux autorités (et qu’ils vont donc pouvoir continuer de le faire), d’autres se sont résolus à tuer tous leurs visons, estimant qu’il en allait de l’intérêt national.

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