Dans le débat sur les négociations budgétaires, la question reste de savoir si les efforts doivent désormais porter principalement sur les recettes ou sur les dépenses. Les manifestants de cette semaine estiment eux aussi que les efforts doivent se concentrer principalement sur les recettes. Leurs propositions, qu’il s’agisse de la taxe sur les millionnaires, de l’annulation des réductions d’impôts pour les entreprises ou de la lutte contre les emplois flexibles et les sociétés de gestion, se résument toutes à une augmentation des impôts. Ce faisant, ils passent un peu trop vite sous silence le fait qu’aujourd’hui, en Belgique, les recettes et les dépenses publiques sont déjà parmi les plus élevées. Et que les dérapages budgétaires proviennent clairement du côté des dépenses.
Depuis la dernière fois que le budget belge a été équilibré (en 2007), les recettes publiques totales ont augmenté de 1,9 pour cent du PIB, ce qui représente 11 milliards d’euros en valeur actuelle. Les dépenses publiques ont augmenté de 7,1 pour cent du PIB au cours de cette période. En euros d’aujourd’hui, cela équivaut à 45 milliards de dépenses annuelles supplémentaires. Et pendant ce temps, la question de la nécessité de toutes ces dépenses est rarement, voire jamais, posée.
Les dépenses publiques totales de la Belgique s’élèvent à 354 milliards d’euros cette année, soit près de 56 pour cent du PIB. Après la France, la Finlande et l’Autriche, cela nous place au quatrième rang des dépenses publiques en Europe. Et sous la pression du vieillissement de la population, de l’augmentation des charges d’intérêt et des besoins supplémentaires en matière de défense, ces dépenses publiques augmenteront encore dans les années à venir. Malgré ces dépenses publiques élevées, de nombreux dysfonctionnements persistent au sein de ce gouvernement : des transports publics peu fiables, la baisse de la qualité de l’enseignement, l’arriéré judiciaire, les conditions pénibles dans les prisons… Cette combinaison de dépenses élevées et de politiques inefficaces n’est pas tenable. Il est trop rare que l’on se pose la question de savoir ce que le gouvernement réalise avec ses dépenses, quelle est la qualité des services qu’il fournit. Et cela semble plutôt décevant en Belgique. Dans le contexte de l’exercice budgétaire actuel, cette question doit plus que jamais être posée.
En avoir pour son argent ?
Pour évaluer le rapport qualité-prix des gouvernements, la difficulté réside principalement dans l’estimation de la qualité des politiques. Il n’est pas facile d’en rendre compte à l’aide d’un seul indicateur. Pour obtenir une bonne image de cette qualité, il faut procéder à une analyse plus large portant sur toute une série d’indicateurs. C’est ce que nous essayons de faire dans notre analyse annuelle du rapport qualité-prix, dans laquelle nous évaluons la qualité des politiques publiques de 24 pays européens à l’aide de 60 indicateurs. Ces indicateurs vont des résultats de l’éducation aux taux de pauvreté et à la qualité des soins de santé, en passant par l’environnement des entreprises et les efforts en matière d’environnement. Pris ensemble, ces 60 indicateurs donnent une vue d’ensemble de l’impact des politiques sur notre économie et notre société.
Selon la dernière mise à jour, la Belgique se classe au 19e rang (sur 24 pays) en termes de qualité des politiques, soit le rang le plus bas depuis notre première analyse en 2011 (la Belgique se classait alors au 13e rang). Ce classement contraste douloureusement avec notre quatrième place en termes de dépenses publiques. En somme, les contribuables belges paient le prix fort pour une qualité tout juste moyenne – et c’est une estimation optimiste. En Europe, il n’y a pas moins de 16 pays où la politique offre plus de qualité pour des dépenses moindres. Les pays scandinaves en particulier, Suède et Danemark en tête, qui aspirent à un État social global similaire à celui de la Belgique, se distinguent par des politiques de bien meilleure qualité.
Cette analyse vaut d’ailleurs aussi pour les différentes branches du gouvernement. Pour l’enseignement, les soins de santé et l’ordre et la sécurité publics, on observe chaque fois un constat similaire : des dépenses publiques relativement élevées pour une qualité inférieure à la moyenne. De plus, en termes d’investissements publics, l’un des instruments politiques les plus puissants pour avoir un impact positif sur notre économie et notre prospérité, nous sommes depuis des années parmi les plus bas d’Europe.
Implications pour les négociations budgétaires
Le gouvernement fédéral demande actuellement 10 milliards pour le budget. Mais pour réellement remettre nos finances publiques sur les rails, un effort structurel d’environ 20 milliards serait en réalité nécessaire au cours de cette législature. La tâche semble très ardue, mais l’analyse macroéconomique du rapport qualité/prix des politiques indique la direction dans laquelle la solution doit être recherchée. La plupart des autres pays européens offrent des politiques publiques de meilleure qualité pour des dépenses moindres. La Belgique doit également s’engager dans cette voie. La comparaison internationale indique qu’il devrait également être possible pour notre gouvernement d’offrir plus de qualité avec moins de ressources. Il reste beaucoup à faire pour garantir des politiques plus efficaces et efficientes (et cela s’applique à tous les niveaux politiques de notre pays). Cela permettrait d’obtenir de meilleurs résultats économiques et de réduire les dépenses publiques. D’autres pays européens montrent que c’est possible. La Belgique ne peut plus se permettre de passer à côté d’une telle opportunité.
Bart Van Craeynest, Économiste en chef chez Voka et auteur de « België kan beter’ »
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