Le « bitcoin vert » ou comment miner tout en nettoyant des terres polluées

Bill Spence voulait nettoyer sa Pennsylvanie natale des résidus toxiques de l’exploitation du charbon. Le bitcoin lui en a donné l’opportunité. Il a investi dans sa propre centrale électrique, dont 80% de l’énergie sert à miner des cryptomonnaies.

Aussi rentable qu’elle puisse paraître, la ruée sur les cryptomonnaies est aussi un véritable gouffre écologique, consommant des quantités faramineuses d’énergie pour un gain qui peut très bien s’écrouler comme un château de cartes. C’est d’ailleurs le principal reproche qui a été fait au bitcoin et, quand cela vient d’acteurs économiques et médiatiques influents tels qu’Elon Musk, cela peut avoir une répercussion dramatique sur le cours du token concerné.

Depuis, plusieurs initiatives se sont fait jour pour miner du « bitcoin vert ». Le mois dernier, un milliardaire britannique s’était mis à utiliser des bouses de vaches en guise de carburant pour fournir de l’énergie à ses activités minières dans les monnaies numériques. Un ingénieur américain est, lui, passé à la vitesse supérieure : il nettoie des terres polluées par les rejets de l’industrie du charbon.

Résidus toxiques

Bill Spence est un enfant de la Pennsylvanie des années 70 : il a grandi dans les régions charbonnières et a joué sur les terrils avant de quitter son Commonwealth natal pour devenir ingénieur. Une enfance passée dans des résidus toxiques suspectés de contaminer les sols et les nappes phréatiques, et auxquels il attribue ses ennuis de santé, dont un cancer rénal. Car en de nombreux endroits, les sols de Pennsylvanie sont encore recouverts de « gob » – contraction de garbage of bituminous, résidus de bitume- et ces restes d’extraction sont chargés de substances cancérogènes. Ils menacent aussi de s’enflammer, libérant leurs poisons dans l’atmosphère. Et sur les 772 piles de gob de Pennsylvanie, 38 couvent un feu.

Le bitcoin, nouvel or noir

Bill Spence a développé l’ambition de nettoyer sa région natale, et a investi pour cela dans une ancienne station électrique au nord de Pittsburgh, dans l’espoir d’utiliser les résidus de bitume pour produire de l’énergie. Mais le gob fait un médiocre combustible, et l’entreprise n’était pas rentable. Jusqu’à l’arrivée des cryptomonnaies.

Maintenant, environ 80% des 85.000 kilowatts produits par sa station de Scrubgrass sont utilisés pour fournir en électricité de puissants ordinateurs entièrement dédiés au minage du bitcoin. Un calcul rentable : là où la centrale ne fait gagner à Bill que 3 cents par kilowatt/heure (kWh) en vendant son électricité, le minage lui permet d’engranger aisément 20 cents par kWh, selon les fluctuations du bitcoin. Et le bénéfice ne s’arrête pas là, car la centrale de Scrubgrass recycle du gob de manière sûre pour l’environnement, ce qui permet à son propriétaire de toucher encore 2 cents par kWh en subsides de l’État de Pennsylvanie. Le même montant qui est octroyé à l’industrie hydroélectrique afin de soutenir le renouvelable, par exemple.

Autant d’énergie que la Belgique

On peut bien sûr se réjouir pour Bill Spence, et on peut saluer qu’il ait choisi d’éliminer des déchets industriels toxiques pour faire tourner sa centrale. Mais il ne faut pas perdre de vue que le bitcoin motive de simples particuliers à investir dans des centrales énergétiques afin de profiter de cette manne numérique.

Le réseau d’extraction de bitcoins consomme entre 8 et 15 gigawatts d’énergie, selon les fluctuations de la cryptomonnaie la plus populaire, selon l’Université de Cambridge. Un chiffre directement comparable aux 8 gigawatts dont a besoin la ville de New-York, ou aux 10 gigawatts qui alimentent la Belgique. Deux territoires qui abritent plus de 10 millions d’êtres humains.

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