Le bilan actuel de la stratégie suédoise? Beaucoup de morts pour un gain économique ‘marginal’

Malgré des mesures de restriction bien plus légères – et controversées – que dans la plupart des autres pays pour lutter contre la pandémie de covid-19, l’économie suédoise souffre. Le pays se dirige même vers la pire récession de son histoire depuis la Seconde Guerre mondiale.

Pour faire face à la pandémie, bon nombre de pays et la plupart des nations européennes ont fini par mettre en place, plus ou moins rapidement, des mesures de confinement assez strictes… Mais pas la Suède. Là-bas, les écoles, les restaurants ou les magasins n’ont à aucun moment fermé leurs portes, les autorités comptant simplement sur les citoyens pour suivre les directives de distanciation sociale et d’hygiène afin de ralentir la propagation du virus.

L’idée derrière cette stratégie était que, dans la mesure où le virus était de toute manière inarrêtable, mieux valait le laisser se répandre dans la population et ainsi atteindre plus rapidement l’immunité de groupe, censée permettre de venir à bout de l’épidémie. En prime, une telle approche avait l’avantage d’être beaucoup moins dommageable pour l’économie qu’une politique de verrouillage stricte, du moins en théorie.

‘Une crise économique très profonde’

Car mardi, la ministre suédoise des Finances, Magdalena Andersson, a déclaré que la plus grande économie de Scandinavie allait tout de même se contracter de 7% cette année, rapporte l’agence Bloomberg. Dans la foulée, le bureau de la dette a révélé un pic historique 30 fois supérieur à la normale des emprunts pour couvrir les dépenses d’urgence, le tout sur fond de pertes d’emploi record. Par ailleurs, 40% des entreprises suédoises actives dans les services craindraient désormais la faillite, selon une récente enquête dont Bloomberg se fait également l’écho.

Magdalena Andersson a encore estimé que la Suède traversait actuellement ‘une crise économique très profonde’ et reconnu que ‘le profond ralentissement de l’économie se produit plus rapidement que prévu’.

De son côté, l’économiste en chef du bureau de la dette, Marten Bjellerup, a déclaré que la Suède devrait s’en sortir ‘un peu mieux’ que les autres pays, mais il a également concédé que la différence serait ‘marginale’.

‘L’économie sera freinée par la reprise dans le reste du continent étant donné sa dépendance à la demande extérieure’, a pour sa part affirmé David Oxley de Capital Economics à Bloomberg, l’agence pointant le fait qu’environ 50% du PIB suédois provient des exportations.

Vers un gain ‘marginal’ très coûteux en vies humains?

Si ces prévisions venaient à se concrétiser, elles constitueraient un coup dur pour le gouvernement du Premier ministre Stefan Lofven. Même si celui-ci s’est toujours défendu de vouloir faire passer l’économie avant la vie des gens, une partie de l’intérêt de la stratégie de mesures ‘light’ portée par l’épidémiologiste suédois, Anders Tegnell, était de mieux préserver le tissu économique.

Or cette stratégie se révèle pour le moment très coûteuse en vies humaines, surtout en regard de ce qu’il se passe chez les voisins scandinaves. Le Danemark par exemple, où un confinement strict a été rapidement mis en place, affiche un taux de mortalité de 9 pour 100.000 personnes. En Suède, ce taux est presque 4 fois supérieur: environ 32 pour 100.000.

La mortalité élevée au sein des maisons de repos du pays soulève également des critiques. Par ailleurs, la Suède a enregistré au cours de la semaine dernière le plus grand nombre de décès par habitant en Europe, selon les données de Our World In Data, une publication de recherche en ligne basée à l’Université d’Oxford.

Stratégie durable ou énorme gâchis?

Mais Anders Tegnell affirme que son approche est plus pertinente sur le long terme que celle des lockdowns stricts car, dit-il, une fois que ceux-ci seront levés, les infections repartiront à la hausse.

‘Pendant le déconfinement (…), vous devrez encore faire face aux décès que nous avons déjà eu ici’, résumait un autre épidémiologiste suédois, Johan Giesecke, vers la fin du mois d’avril.

L’épidémiologiste irlandais Michael Ryan, expert auprès de l’OMS, a même estimé dans le Svenska Dagbladet que ‘si nous voulons atteindre une nouvelle normalité, la Suède représente à bien des égards un modèle d’avenir.’

Mais si d’aventure la stratégie suédoise devait bel et bien se solder par davantage de morts qu’ailleurs, et ce pour un gain économique ‘marginal’, le sentiment de gâchis serait énorme, en particulier chez les proches de personnes décédées durant l’épidémie…

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