La Vivaldi n’a pas le choix de laisser la porte ouverte à l’extension de plus de deux réacteurs nucléaires : les Verts tentent de limiter les dégâts après un énième virage

« C’est la semaine des revirements », résonne ce matin à l’intérieur de la Vivaldi. Car demain, la Vivaldi parlera de la sécurité d’approvisionnement pour l’hiver 2025-2026. Et ce qui ressort d’un rapport actualisé d’Elia, le gestionnaire du réseau électrique, est sans appel : sans les réacteurs nucléaires qui doivent normalement fermer, ce sera très difficile. Un message particulièrement difficile pour les Verts, qui sont entrés dans la Vivaldi avec l’objectif de fermer définitivement le parc nucléaire belge. Désormais, et ce n’est pas la première fois lors cette législature, ils doivent revenir sur leurs pas. Ce matin, Groen et Ecolo sont partout dans la presse pour faire passer le message d’une « mini-extension », non sans quelques contradictions.

Dans l’actualité : Demain, le gouvernement fédéral doit chercher des solutions face à l’incertitude entourant l’approvisionnement en énergie pour l’hiver 2025-2026 (au moins).

Les détails : En matière de communication, les Verts ont tenté de prendre une longueur d’avance : un tour de passe-passe avec les réacteurs Doel 4 et Tihange 3.

  • « Maintenir deux centrales nucléaires, Doel 4 et Tihange 3, ouvertes quelques mois de plus en 2025-2026 », telle est l’explication technique que l’on peut lire en première page du Standaard ce matin. « Une micro-prolongation est sur la table », lit-on prudemment dans Le Soir. Donc, à « l’initiative des Verts », ils feraient une très courte prolongation des deux derniers réacteurs nucléaires pour pallier le problème d’approvisionnement. Car avec la fermeture de Doel 3 en septembre dernier, de Tihange 2 en février prochain, de la fermeture programmée de Doel 1 (15 février 2025), Doel 2 (1er décembre 2025) et Tihange 1 (1er octobre 2025), et enfin la mise à niveau de Doel 4 et Tihange 3 pour une prolongation de 10 ans, aucun réacteur ne sera en activité pour l’hiver 2025-2026. Le but serait donc de ne plus utiliser les deux réacteurs qui doivent être prolongés durant l’été 2025, pour économiser du combustible pour les mois d’hiver. Voilà pour l’explication.
  • C’est une lecture étonnamment différente de celle du Tijd, où la première page parle de « maintenir les centrales nucléaires les plus anciennes », Doel 1 et 2 et Tihange 1, en fonctionnement plus longtemps. En d’autres termes, garder non pas deux, mais cinq centrales nucléaires. Politiquement, c’est exactement ce que les partis libéraux, mais aussi le CD&V ont réclamé de plus en plus fort, ces derniers mois. Ce serait de ce fait une défaite politique majeure pour Groen et Ecolo.
  • Au sein de l’équipe fédérale, des commentaires acerbes ont donc été entendus ce matin à propos de certains journaux, comme les « journaux du parti des Verts », traitant les écologistes avec des gants de velours, sur le dossier nucléaire. « C’est pourtant la semaine des virages », a lâché ce matin avec mépris un responsable du parti de la Vivaldi, en clin d’œil à la nouvelle position du CV&V sur les allocations de chômage.

À l’ordre du jour : assurer l’approvisionnement des prochains hivers

  • Virage ou pas, de toute façon, demain soir, le gouvernement fédéral se réunira en kern pour discuter des rapports de deux acteurs cruciaux, le gestionnaire de réseau haute tension Elia et le distributeur de gaz Fluxys, ainsi que celui du SPF Énergie. Ceux-ci ont fait des rapports sur la sécurité de l’approvisionnement pour les années à venir, et notamment sur les périodes hivernales difficiles.
  • La guerre en Ukraine a modifié la situation énergétique en Europe : le gaz est extrêmement cher et l’approvisionnement est très incertain. À cela s’ajoutent les pannes des centrales nucléaires françaises et un marché allemand de l’énergie également très tendu. La situation s’est dégradée depuis les rapports précédents : les hivers à venir, 2024, 2025 et 2026, ne seront pas faciles, selon les estimations.
  • Les solutions sont donc évidentes : prolonger à nouveau la durée de vie des centrales nucléaires, à court terme. Mais c’est extrêmement sensible pour les Verts. Car ils devront une nouvelle fois revenir sur leurs engagements. En mars, ils avaient concédé de prolonger pour 10 ans les deux dernières centrales, Tihange 3 et Doel 4, mais hors de question d’aller plus loin.
  • Aujourd’hui, les Verts défendent un scénario qu’ils appellent « 2+10 » : seuls Tihange 3 et Doel 4 resteront ouverts, mais l’utilisation de combustible nucléaire sera préservée l’été pour être échelonnée de manière à ce que les réacteurs puissent encore fonctionner pour l’hiver. Ce qui a son influence sur le plan politique : cela laisse la porte fermée à l’extension d’autres réacteurs nucléaires.
  • Cette approche minimaliste, qui consiste à utiliser le moins de réacteurs possible, n’est pas bien accueillie par le MR, qui souhaite depuis longtemps que toutes les centrales restent ouvertes. Georges-Louis Bouchez (MR) flaire une occasion en or : « Le constat d’un manque de production d’électricité en Belgique confirme ce que le MR dit depuis des mois ! Nous devrions garder cinq réacteurs nucléaires ouverts. C’est bon pour le climat, notre économie et notre sécurité d’approvisionnement », a-t-il tweeté.
  • Ainsi, mercredi promet d’être un débat animé, une fois de plus, sur le nucléaire, au sein même de la Vivaldi.

La vue d’ensemble : une fois de plus, Green et Ecolo doivent ajuster leur position. Peut-être vaut-il mieux faire un grand pas d’un coup ?

  • Une personne s’est frotté les mains ce matin : la ministre flamande de l’Énergie, Zuhal Demir (N-VA). Cette dernière a cité les déclarations du professeur Ronnie Belmans, un expert en énergie qui a été très critique envers elle par le passé, tout en faisant l’éloge de la ministre fédérale, Tinne Van der Straeten. Au début de l’année, lorsqu’un groupe d’industriels dirigé par la présidente de Melexis, Françoise Chombar, a averti que « les lumières s’éteindraient » si la sortie du nucléaire était actée, Belmans s’est emporté. Il a littéralement qualifié cette sortie « d’absurdité du niveau des antivax ». Maintenant qu’il apparaît qu’il y a effectivement des problèmes de sécurité d’approvisionnement, et que l’énergie nucléaire est la solution, Demir et Chombar retrouvent le sourire.
  • Demir a aussi pris sa revanche sur la ministre fédérale de l’Énergie, Tinne van der Straeten : « Le veau a été noyé dans l’étang de la Vivaldi par Van der Straeten. Que reste-t-il ? Sauvez ce qui reste à sauver avant que les lumières ne s’éteignent. »
  • Le coprésident de Groen, Jeremie Vaneeckhout, qui a communiqué très activement sur Twitter toute la matinée, a alors réagi de manière très véhémente : « La ministre flamande de l’Énergie oublie 20 ans de non-politique, y compris de son propre parti, et se déchaîne de manière populiste ». Dans le même temps, il a évoqué les nouvelles prolongations comme « un scénario sérieux pour faire face à la non-fiabilité persistante du parc nucléaire français. »
  • La question est de savoir si cette ligne est si facile à défendre : le « manque de fiabilité » du nucléaire français doit donc trouver une réponse dans une nouvelle extension des centrales nucléaires belges, aux mains des Français ? Un message qui ne dégage pas immédiatement beaucoup de cohérence. Mais le fait est que Groen et Ecolo n’ont guère le choix : ils sont dos au mur, en raison des rapports sur la sécurité de l’approvisionnement.
  • « Eh bien, tout le monde est sur le pont là-bas, ils vont essayer n’importe quoi pour renverser cette image. Notez également les budgets qu’ils consacrent à la publicité sur YouTube ces jours-ci, à propos de leur parti. Mais le fait est qu’ils doivent à nouveau opérer un revirement », analysait ce matin un socialiste.
  • Même son de cloche au sommet des libéraux : « Si toute cette discussion s’éternise pendant des mois, elle risque de devenir de plus en plus douloureuse pour les Verts. Après tout, la demande de maintien d’une plus grande capacité nucléaire ne s’arrêterait pas avec la prolongation de Doel 4 et de Tihange 3. »
  • Le constat reste donc qu’en freinant à plusieurs reprises, les Verts semblent se piéger eux-mêmes dans un dossier particulièrement sensible. « Ne serait-il pas préférable pour eux de faire un grand pas d’un coup ? », s’interroge un partenaire de la coalition.

L’essentiel : toute cette discussion renforce l’idée que les négociations ne seront pas plus faciles avec Engie.

  • « Ce serait bien de tomber d’accord sur un cadre clair avec les Français rapidement. C’est le plan, mais le Premier ministre garde manifestement ses cartes pour lui », a déclaré un chef de parti.
  • Ce matin sur LN24, le chef d’Ecolo à la Chambre, Gilles Vanden Burre, n’en disait pas beaucoup plus, se contentant de réaffirmer l’intention du Premier ministre de trouver un accord pour la fin de l’année, début de l’année prochaine.
  • Indépendamment de la discussion de demain, le sujet reste brûlant pour la Vivaldi : il est urgent de trouver un accord avec Engie au sujet de la prolongation pour 10 ans de Doel 4 et Tihange 3. Mais ce dossier avance très lentement, au grand dam des partenaires gouvernementaux.
  • Nul doute que si Doel 1, Doel 2 et Tihange 1 devaient également jouer les prolongations, la négociation n’en serait que plus difficile.
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