Engie, l’exploitant des centrales nucléaires de notre pays, a conclu un accord intermédiaire avec le gouvernement fédéral belge sur la prolongation des réacteurs nucléaires de Tihange 3 et Doel 4. Ce qui est particulièrement important, c’est que la facture maximale pour le stockage des déchets nucléaires est enfin établie.
A la une : les deux parties ont fixé une facture maximale pour les coûts de stockage et de traitement des déchets nucléaires,15 milliards d’euros. Ces dernières semaines, un montant de 20 milliards avait circulé rue de la Loi.
- Ce montant sera payé par Engie en deux tranches. La première partie sera transférée en 2024 pour les déchets de catégories B et C (hautement radioactifs et destinés au stockage géologique). La deuxième tranche, pour les déchets de catégorie A (faiblement radioactifs et destinés au stockage en surface), suivra lorsque la durée de vie des réacteurs sera effectivement prolongée.
- En plus de ces 15 milliards liés à la gestion des déchets, il y a les 8 milliards déjà provisionnés pour le démantèlement des centrales, une responsabilité qui incombe entièrement à Engie. « Le montant total des engagements nucléaires d’Engie envers la Belgique s’élève donc désormais à minimum 23 milliards », indiquent les deux parties.
- Toutefois, il est déjà certain le prix final dépassera les 23 milliards. En 2021, on avait estimé que l’élimination des déchets et le démantèlement des centrales coûteraient 41 milliards d’euros. Selon Van der Straeten, le dernier accord tient compte d’un chiffre final d’au moins 60 milliards. Comment y arriver et qui va boucher les trous ?
- Les 15 milliards pour la gestion des déchets seront placés dans un fonds souverain chargé de les faire fructifier. S’ils ne gonflent pas suffisamment, ce sera à l’État – et donc aux contribuables – d’allonger l’ardoise. Cas de figure exceptionnel : s’il s’avère que Engie a sous-évalué la quantité de déchets à gérer, l’énergéticien devra payer le surplus.
- Quant au montant payé par Engie pour le démantèlement (8 milliards pour l’instant), il pourrait être réévalué à l’avenir. Et là, ce sera Engie qui paiera quoi qu’il arrive.
- Voilà pourquoi on parle d’une facture maximale (15 milliards pour la gestion des déchets, cela ne changera à moins qu’il y ait un surplus de déchets) tout en évoquant une somme minimale de 23 milliards engagée par Engie (les 8 milliards pour le démantèlement pourraient augmenter).
- Les deux parties s’engageront à « tout mettre en œuvre » pour redémarrer les deux réacteurs en novembre 2026, voire novembre 2025 si possible.
- Autre point important pour Engie : il y aura une garantie de prix pour l’électricité produite par les deux réacteurs nucléaires. Afin de garantir que « les intérêts des deux parties sont alignés », une structure juridique sera également mise en place pour Tihange 3 et Doel 4, dont les deux parties seront copropriétaires.
- Mais ce qui est peut-être plus important encore, c’est qu’il ne s’agit pas encore d’un accord définitif. Les deux parties veulent le finaliser d’ici la fin du mois prochain. Ensuite, le deal devra encore être approuvé par la Commission européenne.
Réactions :
- Le Premier ministre Alexander De Croo (Open vld) s’est réjoui de la signature d’un accord « important pour notre futur énergétique et pour les ménages belges ». « Il renforce notre approvisionnement en électricité, réduit la dépendance énergétique de notre pays et garantit la production en Belgique d’une électricité décarbonée et bon marché », a-t-il ajouté.
- Pour la ministre de l’Energie Tinne Van der Straeten (Groen), cet accord est « bon pour tous les Belges ». « Il était devenu urgent de se défaire des énergies fossiles et de reprendre notre énergie en main, ce que nous faisons en prolongeant deux réacteurs nucléaires et, en même temps, en accélérant la transition énergétique », a-t-elle souligné.
- Notons enfin la réaction triomphale d’Ecolo. « Pendant 20 ans, les partis traditionnels ont refusé d’engager le combat avec Engie. Avec les Verts au gouvernement, nous avons enfin une certitude : c’est le pollueur qui paie, pas le contribuable », a déclaré Jean-Marc Nollet, coprésident du parti. Il a également rappelé que, pour lui, « la seule option durable, c’est le 100% renouvelable » et que Van der Straeten « trace la voie » pour y arriver.
- Engie est tout autant satisfait, cet accord éliminant « une source majeure d’incertitude à long terme pour le groupe ». C’est-à-dire que l’énergéticien sait désormais à quoi s’en tenir pour le montant qu’il paiera pour la gestion des déchets, là où le mécanisme précédent était sujet à de multiples réévaluations.
- Dans l’opposition, Bart De Wever (N-VA) a vivement critiqué l’accord. « Engie a obtenu son prix plafond, en échange d’une énième lettre d’intention. Jusqu’à présent, le gouvernement recevait des millions par an au titre de la taxe nucléaire, mais il se retrouve aujourd’hui avec une facture illimitée d’au moins plusieurs dizaines de milliards. Le prix d’années de sabotage vert… De plus, il perd toute marge de négociation qui lui restait pour empêcher la fermeture d’autres centrales », a-t-il fustigé.
- De leur côté, les associations environnementales (Greenpace, Canopea, Bond Beter Leefmilieu) ont indiqué que ce deal « pourrait bien devenir le plus grand hold-up de l’histoire de la Belgique », les coûts supplémentaires liés à la gestion des déchets reposant désormais sur les épaules de l’Etat.