Blanchiment d’argent et financement du terrorisme: la Turquie n’en fait pas assez et va être sévèrement sanctionnée

Cette semaine, la Turquie va être placée sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), un organisme mondial de surveillance financière qui observe comment les pays luttent contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Un déclassement qui risque de faire mal.

En décembre 2019, le GAFI avait déjà mis en demeure la Turquie. Dans un rapport, il avait concédé qu’Ankara avait compris « les risques auxquels elle est confrontée en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme », mais avait dit constater « de graves lacunes dans le cadre du pays pour lutter contre ces crimes ». 

Un an plus tard, soit fin 2020, le gouvernement turc avait introduit une nouvelle législation qui, selon lui, était une réponse aux recommandations du GAFI. Une mesure controversée et vivement critiquée par les partis d’opposition et les militants de la société civile. Selon eux, les autorités turques avaient utilisé les recommandations de l’organisme de surveillance financière comme prétexte pour cibler le secteur à but non lucratif et entraver davantage la liberté d’expression et d’association.

Visiblement, les détracteurs de cette législation avaient raison. D’après les informations du Financial Times, le GAFI va placer ce jeudi la Turquie dans sa liste grise. Elle y rejoindra 22 autres États, dont l’Albanie, Malte, le Maroc, le Sénégal, le Pakistan, la Syrie, le Yémen ou encore les Philippines.

Quelles conséquences ?

Cette décision intervient alors que les investissements étrangers en Turquie sont déjà proches du niveau le plus bas atteint pendant les presque 18 ans de règne du président Recep Tayyip Erdogan. En cause: l’instabilité politique et les craintes d’ingérence politique dans la politique monétaire. Selon les données de la banque centrale, les investissements directs étrangers étaient de 5,7 milliards de dollars l’année dernière… contre plus de 19 milliards de dollars à leur apogée en 2007.

Tout porte à croire que ce placement en liste grise du GAFI va continuer à faire plonger ces chiffres. Or, ces capitaux étrangers sont essentiels pour financer le déficit commercial chronique du pays et alimenter la croissance économique.

En mai, le FMI avait publié une étude révélant que la liste grise du GAFI avait « un effet négatif important et significatif » sur les entrées de capitaux d’un pays. Une telle décision entraînerait une réduction des flux d’investissements de portefeuille – une forme d’investissement à court terme parfois appelée « hot money » – équivalents à 3% du produit intérieur brut, ainsi qu’une réduction similaire des investissements directs étrangers. Pour la Turquie, une baisse de 3% équivaudrait à environ 23 milliards de dollars.

En outre, en étant placée dans la liste grise du GAFI, la Turquie risque de voir la livre turque, qui a déjà perdu environ 20% de sa valeur par rapport au dollar cette année, chuter encore un peu plus. D’autant plus que les marchés prévoient que la banque centrale du pays réduise à nouveau son taux d’intérêt de référence.

La dégringolade de la livre turque a déjà entraîné une inflation galopante. En conséquence, le niveau de vie dans le pays se dégrade, ce qui fait tomber le soutien de la population au parti au pouvoir d’Erdogan à des niveaux historiquement bas.

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