Pékin réprime les oiseaux de mauvais augure : il vaut mieux « chanter la théorie brillante de l’économie chinoise »

En Chine, quand un problème semble insoluble, on le pousse sous le tapis. C’est ce qu’est en train de faire le gouvernement : le nouveau mot d’ordre, c’est que l’optimisme doit régner dès qu’on aborde le futur de l’économie chinoise. Quitte à tordre la réalité.

Pourquoi est-ce important ?

Année économiquement compliquée, pour la Chine. La reprise fulgurante après les années de confinement strict n'a jamais vraiment démarré, la consommation intérieure chute, et la monnaie se dévalue face au dollar. L'heure n'est plus à l'optimisme, malgré une croissance réelle du PIB. Sauf que le pessimisme, l'État n'en veut plus.

Comment bien débuter la nouvelle année économique ? En muselant toute voix trop négative sur la situation, répond Pékin.

Pas de pessimisme autorisé sur l’économie chinoise

  • Depuis plusieurs mois, les autorités chinoises multiplient les pressions pour limiter les messages alarmistes sur la situation économique, relève The Guardian. Le quotidien britannique cite une mise en garde contre la publication de tout commentaire « qui dénigre l’économie » sur le compte Weibo Finance.
  • Sur ce réseau social comparable à Twitter, plusieurs influenceurs financiers semblent avoir été incités par le site même à ne pas franchir « la ligne rouge » rapporte également le site économique américain Bloomberg.

C’est un mot d’ordre qui vient d’en haut, et qui est purement et simplement assumé par le gouvernement : la négativisme n’a plus sa place dans les analyses économiques. Le ministère chinois de la Sécurité d’État a publié un article le 12 décembre dernier, appelant à « chanter la théorie brillante de l’économie chinoise. » Rien que ça.

« Divers clichés visant à dénigrer l’économie chinoise continuent d’apparaître. Leur essence est d’utiliser de faux récits pour construire un « piège discursif » et un « piège cognitif » du déclin de la Chine, afin de jeter le doute sur le système et la voie du socialisme à caractéristiques chinoises. »

Le ministère chinois de la Sécurité d’État, sur WeChat

Les chiffres du chômage, un tabou

  • Une politique de l’autruche mâtinée de réflexes totalitaires d’un État qui n’a rien d’une démocratie, rappelons-le. Et qui n’est pas à son premier coup d’essai : l’une des données les plus gênantes pour le gouvernement reste le chômage, en particulier des jeunes.
  • Sauf que les dernières données sur le sujet remontent à juin dernier. Le taux moyen dans le pays était de 4,82%, mais montait à 5,2 % dans les villes. Chez les jeunes de 16 à 24 ans, il montait même à plus de 21%.
  • Et depuis, on n’en sait rien, car l’Office national chinois des statistiques ne sort plus les chiffres. Alors que des millions de jeunes diplômés supplémentaires sont arrivés sur le marché du travail entretemps.

Un coup de vis de la part du gouvernement sur ce qu’on peut dire et ce que l’on ne peut pas alors que, visiblement, les Chinois en ont marre de l’omerta. Il y a eu des déclarations choc cette année, alors qu’elles auraient été impensables auparavant. Comme celle de He Keng, 81 ans, ancien vice-président du Bureau national des statistiques – encore lui.

Des piques qui révèlent l’état réel de l’économie

L’octogénaire n’a pas hésité à lâcher qu’en Chine, « le nombre actuel de logements vacants est suffisant pour 3 milliards de personnes. Cette estimation pourrait être un peu excessive, mais 1,4 milliard de personnes ne peuvent probablement pas les remplir. » C’est invérifiable, mais une remarque d’un tel pessimisme sur l’état réel du secteur immobilier du pays avait fait les gros titres. Et qui ne va certainement pas endiguer la chute des prix des logements, de 9,4 % d’une année sur l’autre. Résultat : en 2024, seules les bonnes nouvelles auront le blanc-seing du Parti.

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