La nouvelle arme pour contourner les sanctions économiques : le troc

L’inflexibilité du président américain Donald Trump en matière de relations internationales, notamment à l’égard de certains pays qui ont vu les sanctions économiques à leur égard durcir, a eu un effet inattendu : la remise au goût du jour du troc. 

C’est en particulier ce que l’on observe avec les pays qui ont été la cible de sanctions économiques : l’Iran, la Russie, le Venezuela, ainsi que les partenaires commerciaux de ces nations.

L’UE, la Chine, la Russie, la Turquie, l’Inde et l’Indonésie se livrent au troc 

Au mois de septembre, les dirigeants de la Chine, de la Russie et de l’UE se sont réunis en marge de l’Assemblée générale de l’ONU pour discuter de la création d’un mécanisme financier, une « entité juridique » pour assurer le règlement des transactions avec l’Iran. Ce mécanisme permettrait notamment l’échange de produits européens contre le pétrole iranien, sur le territoire russe. Et ce mois-ci, la Turquie a rencontré les dirigeants iraniens pour discuter de la manière de maintenir ses liens commerciaux. Il a même été question de créer un système bancaire islamique.

Ce n’est pas si nouveau. Déjà, en 2017, l’Indonésie avait troqué de l’huile de palme et du café contre des armes russes. L’Inde envisage également d’échanger du riz et des médicaments, contre du pétrole vénézuélien. Elle planche également sur une stratégie qui lui permettrait de payer le pétrole iranien grâce à des comptes bancaires sur son territoire crédités de grosses sommes en roupies. Les Iraniens ne pourraient pas mobiliser cet argent… mais ils pourraient s’en servir pour acheter des marchandises indiennes, et les faire expédier dans leur pays. 

Un monde qui s’émancipe du dollar et qui refuse les diktats américains

Tous ces procédés ont le même objectif : contourner le dollar américain, et protéger les banques et les instances bancaires des sanctions secondaires que le gouvernement américain a menacé d’infliger à toutes les nations qui s’aventureraient à commercer avec l’Iran, le Venezuela, ou la Russie. 

Le troc a disparu, parce qu’il nécessitait que chaque partie prenante de l’échange ait quelque chose que l’autre convoite, ce qui n’est pas toujours le cas. Mais dans la situation présente où certains pays ne peuvent plus utiliser la monnaie internationale, il regagne de l’intérêt d’autant qu’il s’agit de nations richement dotées en matières premières cruciales.

Or, les salves de sanctions décidées par l’administration Trump sont loin de faire consensus au plan international, d’autant qu’elles ont été décidées après le retrait des Etats-Unis de l’accord nucléaire, que de nombreux pays ont désapprouvé. « Aucun pays ou organisation souveraine ne peut accepter que quelqu’un d’autre décide avec qui il est autorisé à commercer », avait déclaré la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, lors de la réunion en marge de l’Assemblée générale de l’ONU du mois de septembre.

Lequel, du dollar ou du troc, laminera l’autre ?

Reste à savoir lequel l’emportera, du troc ou des sanctions, et lequel des deux laminera l’autre. En attendant, ces échanges pourraient permettre de maintenir l’économie iranienne à flot. La Banque Mondiale prévoit une croissance de 4 % pour l’économie iranienne cette année. 

D’un autre côté, ces mesures de troc ont été décidées et organisées par des politiciens qui refusent de se faire dicter leur politique par Washington, et de renoncer à une source importante de pétrole. Mais dans le monde des affaires, on est beaucoup plus réticent à prendre le risque de fâcher les Etats-Unis, et de subir des mesures de rétorsion en conséquence de leur courroux. 

Ironiquement, en imposant ces sanctions contestées, l’administration Trump a rappelé la force du dollar, tout en vulnérabilisant la devise américaine. Car en incitant à la multiplication de ces opérations de troc, elle permet au monde de se représenter ce à quoi pourrait ressembler un monde dans lequel le billet vert ne serait plus le maître. Et ce ne sont pas la Russie, l’UE, ou la Chine qui s’en plaindront…

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