La divulgation d’un document secret démontre encore un peu plus la naïveté allemande face à la Russie et plonge Scholz dans l’embarras

Ce jeudi, le gouvernement allemand a été contraint de déclassifier un document datant d’il y a un an. Il y apparaît que le gouvernement de l’époque, chapeauté par Angela Merkel, ne voyait aucun risque en Nord Stream 2, malgré la multiplication des signaux défavorables.

Face à une demande de journalistes du Spiegel, qui menaçaient de le poursuivre en justice s’il n’y répondait pas favorablement, le gouvernement allemand vient de déclassifier un document datant du 26 octobre 2021. À ce moment-là, le cabinet Merkel IV vivait ses dernières heures. Un gouvernement dans lequel on retrouvait déjà un certain Olaf Scholz, en tant que vice-chancelier et ministre des Finances. Le rapport en question émanait du ministère de l’Économie et de l’Énergie et avait notamment été signé par celui qui allait devenir chancelier quelques semaines plus tard.

On y lit que le gouvernement de l’époque a totalement battu en brèche les risques soulevés par des pays comme l’Ukraine et la Pologne – mais aussi les États-Unis – quant au fait qu’un gazoduc tel que Nord Stream 2 donnerait encore un peu plus de poids à la Russie si elle se décidait à se lancer dans un chantage énergétique à l’avenir. Scénario qui, comme nous le voyons depuis plusieurs mois, s’est concrétisé.

« Nord Stream 2 va augmenter la sécurité de l’approvisionnement de l’Europe »

« Le ministère fédéral de l’Économie et de l’Énergie a examiné ces indications, mais au final, il ne voit pas d’indices suffisants pour que la sécurité de l’approvisionnement en gaz soit concrètement menacée par la certification [de Nord Stream 2] », peut-on lire dans le document.

« Pour le marché allemand et les marchés voisins, le risque d’atteintes graves à la sécurité de l’approvisionnement dues à la défaillance d’infrastructures d’importation individuelles est très limité », y lit-on également.

Il apparaît que pour les dirigeants de l’époque, le fait que Gazprom, exploitant du gazoduc, appartienne en partie à l’État russe, n’était pas un problème. Gazprom n’a « en principe pas d’influence sur la quantité livrée » et « ne fait que mettre à disposition l’infrastructure de transport pour les fournisseurs et les clients », avaient-ils assuré.

Il y a encore pire. Si le gouvernement allemand avait admis que « la dépendance de l’UE vis-à-vis des importations » était « nettement accrue » et qu’elle avait atteint « près de 90% », il estimait que Nord Stream 2 « augmentait la sécurité d’approvisionnement européenne en permettant l’approvisionnement en gaz à partir de nouveaux gisements de la péninsule de Yamal. »

D’après le Spiegel, au moment de la rédaction de ce document, les stocks de gaz allemands étaient remplis à moins de 10%.

Rappelons que fin février 2022, lorsque le Kremlin a reconnu l’indépendance des régions ukrainiennes pro-russes juste avant de déclencher la guerre, le gouvernement allemand n’a eu d’autre choix que de suspendre la procédure d’autorisation de Nord Stream 2.

Timing fâcheux

Si la déclassification de ce document est, en soi, plutôt embarrassante pour le gouvernement de l’époque, elle l’est d’autant plus pour Olaf Scholz. Car plus tôt cette semaine, le chancelier allemand s’est vanté du fait qu’il avait « toujours su que Poutine utiliserait l’énergie comme une arme ».

Des propos qui, avant même la révélation de ce document, avaient déjà fait polémique, au vu des décisions et positions prises précédemment par le chancelier allemand sur la question.

L’Allemagne fait partie des pays les plus touchés par la crise énergétique qui s’abat sur l’Europe, elle qui était grandement dépendante des combustibles fossiles russes. Il y a deux semaines, elle a déployé un bouclier à 200 milliards d’euros pour alléger la facture énergétique des ménages et des entreprises. Une solution qui ne plaît pas du tout à ses voisins européens, Berlin bloquant notamment le projet de plafonnement des prix du gaz à l’échelle de l’UE.

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