La crise du coronavirus fait vaciller Warren Buffett: ‘L’oracle d’Omaha’ a-t-il perdu sa magie?

Amis et ennemis sont d’accord: Warren Buffett a connu des moments difficiles. Alors qu’il a toujours fait mieux ou au moins aussi bien que l’indice boursier S&P500, il a fait 63% moins bien en 2019. Et à cause de la crise du coronavirus, il a perdu 50 milliards de dollars. Il n’est désormais plus le grand exemple qu’il était jadis pour les investisseurs.

En toute justice, nous devons préciser que ces 50 milliards sont principalement des pertes sur papier. Les marchés boursiers se sont certes effondrés, mais tant que Warren Buffett ne vend pas ses actions, il ne perd pas d’argent. Néanmoins, il a décidé de réorganiser quelque peu son portefeuille.

Il a notamment vendu toutes ses parts dans des compagnies aériennes. Warren Buffett avait des participations dans toutes les grandes compagnies américaines, mais il n’y croyait plus depuis la crise du coronavirus. Elles ont donc quitté son portefeuille. À noter que ‘l’oracle d’Omaha’ n’a de toute façon jamais vraiment été un grand adepte de l’aviation. En 2013, il a même qualifié l’industrie de piège pour les investisseurs. Mais en 2016, il s’est décidé à tout de même acheter des actions, avant de s’en débarrasser quatre ans plus tard.

137 milliards de dollars en cash

L’homme aux décisions mûrement réfléchies est-il soudain devenu un investisseur spéculatif? Non, disent les connaisseurs. Les investisseurs ne peuvent travailler qu’avec les informations dont ils disposent. En 2016, la situation semblait très bonne pour l’industrie aéronautique avec une grande vague de consolidation et des bénéfices plus élevés. Mais personne ne s’attendait à ce que tout s’écroule à cause du Covid-19. Les deux décisions étaient donc rationnelles, défendent ses fans.

Précisons que Castparts, qui fabrique des pièces d’avion, a été rachetée en 2016 par Warren Buffett pour 32 milliards de dollars (28 milliards d’euros). Il s’agit de la dernière grande acquisition de Berkshire Hathaway. Depuis lors, la société d’investissement est assise sur une montagne de 137 milliards de dollars de cash, mais Buffett n’a pourtant pas investi cet argent lors du dernier rallye boursier. Depuis le krach de fin mars, les marchés du monde entier ont augmenté de plus de 40%.

Rallye boursier

‘Je suis terrifié à l’idée qu’il ait complètement raté ce rallye’, déclare l’analyste boursier James Shanahan dans le journal britannique Financial Times. ‘Si le rallye boursier a commencé fin mars et que Buffett était un vendeur net en avril, il semble avoir… tout raté. C’est frustrant. De nombreux petits investisseurs ont commencé à injecter de l’argent sur les marchés et beaucoup d’entre eux ont surpassé les investisseurs professionnels. Je pense que vous pouvez compter Buffett dans cette dernière catégorie.’

Warren Buffett lui-même a déclaré lors de l’assemblée générale des actionnaires fin mai qu’il n’avait ‘encore rien vu d’intéressant’. Il a loué les tentatives de la banque centrale américaine (FED) pour revitaliser l’économie, mais n’a guère fait de commentaires supplémentaires.

Pas un investisseur de crise

Les observateurs soulignent que Buffett n’est de toute façon pas très performant en temps de crise. Pendant la bulle internet, à la fin des années 90, il n’avait également rien acheté et il avait laissé passer tout le rallye par la suite. Cependant, Buffett est notoirement mauvais en matière de technologie. Il n’y comprend rien et donc s’en éloigne, clame-t-il depuis quelques années. En 2016, il a bien acheté une participation dans Apple et un peu plus tard dans Amazon. Mais à part cela, il n’a aucun autre titre technologique dans son portefeuille, et les deux qu’il possède ne le sauveront pas. Pour réussir à battre le S&P500, il doit faire plus qu’investir dans deux des plus grandes sociétés de l’indice.

À une occasion, Warren Buffett a bien performé en temps de crise. Lorsque toutes les banques se sont effondrées en 2008 en raison de la crise financière, il a accordé un prêt de 5 milliards de dollars à la banque d’affaires Goldman Sachs. En échange, il a reçu des actions spéciales avec un dividende de 10% et une option lui permettant d’acheter d’autres actions à un prix inférieur. Il y a quelques mois, il a vendu 84% de ses parts. Il pourrait avoir encaisser près de 3 milliards de dollars.

Doutes

Mais le fait que ses fans commencent à douter de ses capacités d’investisseur est également souligné par une transaction du principal investisseur, Bill Ackman. Le fondateur du fonds spéculatif Pershing Square, qui a longtemps admiré Buffett, a vendu au dernier trimestre la totalité de sa participation d’un milliard de dollars dans Berkshire Hathaway.

Ces dernières années, Warren Buffett a également dû amortir 3 milliards de dollars sur le groupe alimentaire Kraft Heinz, qui se porte moins bien depuis plusieurs années, et son investissement de 10 milliards dans la compagnie pétrolière Occidental a été réduit à presque rien, alors que la compagnie ne verse même plus de dividendes en cash mais seulement en actions. ‘Ces deux échecs ont sérieusement terni sa réputation de négociateur’, déclare l’analyste Cathy Seifert au Financial Times. ‘L’accord avec Occidental a été un désastre complet.’

‘Ne jamais se précipiter pour dépenser de l’argent’

Et pourtant, bon nombre de ses partisans croient toujours qu’il peut renverser la vapeur, comme en témoignent son affaire lucrative en 2008 et sa performance en 2000. Il avait bien manqué le rallye, mais lorsque toutes les actions tech se sont effondrées, l’action de Berkshire Hathaway a augmenté de plus d’un quart. Si une deuxième vague de coronavirus venait à frapper le monde entier, la prudence de ‘l’oracle d’Omaha’ pourrait être louée.

‘Berkshire ne récompense pas ses investisseurs immédiatement, mais plutôt à long terme’, déclare Thomas Russo, conseiller financier de Gardner Russo & Gardner. ‘C’est pourquoi nous disons toujours aux gens de ne pas se précipiter pour dépenser leur argent. Car si Buffett décidait désormais de dépenser rapidement sa montagne de cash de 137 milliards de dollars, il y aurait de fortes chances pour qu’il commette des erreurs.’

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