Le 30 mars dernier, après des mois d’âpres discussions, les négociateurs du Conseil de l’UE, de la Commission européenne et du Parlement européen tombaient d’accord sur les dernières lignes de la directive sur les énergies renouvelables (RED). Avalisé par les eurodéputés, le texte devait recevoir le feu vert du Conseil ce mercredi. Cela ne devait être qu’une formalité. Mais la France – et ses alliés plus à l’Est – ont fait objection à la dernière minute.
« Folie », « prise d’otage », « mauvais jour pour la démocratie » : la France bloque in extremis la directive européenne sur les énergies renouvelables

Pourquoi est-ce important ?
Lorsqu'il s'agit de prendre des mesures relatives à la transition énergétique au sein de l'Union européenne, les débats sont souvent houleux. Ils se cristallisent notamment autour du nucléaire. Certains poids lourds ont décidé de tourner le dos à l'atome, mais un autre acteur majeur du bloc - la France - y croit pleinement. Cela fait souvent des étincelles.Dans l’actu : le vote du Conseil de l’UE reporté.
- Ce mercredi, le Conseil de l’UE devait se prononcer sur la directive sur les énergies renouvelables (RED), un texte primordial pour rendre possible les objectifs européens de la réduction des gaz à effet de serre de 55% et du passage de la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de l’UE à 42,5% d’ici 2030.
- Le vote, qui devait a priori passer comme lettre à la poste, a dû être reporté face à d’ultimes objections françaises.
Le contexte : un compromis finalement remis en cause ?
- Le 30 mars dernier, les négociateurs européens avaient trouvé un accord sur le point le plus sensible du texte : l’hydrogène d’origine nucléaire.
- La France et ses alliées (Finlande, Pologne, République tchèque, Bulgarie, …) souhaitaient qu’il soit considéré comme vert.
- L’Allemagne et ses alliés (Autriche, Espagne, Portugal, Danemark) ne voulaient pas en entendre parler.
- Comme nous vous l’expliquions à l’époque, un deal digne du « compromis à la belge » avait fini par être trouvé. Le texte prévoyait un statut particulier pour l’hydrogène issu du nucléaire – ni vert, ni fossile -, censé contenter tout le monde. Ou, du moins, ne fâcher personne.
- « Cela veut dire que la France ne sera pas obligée de construire du renouvelable pour faire de l’hydrogène pour l’industrie et les transports mais pourra aussi utiliser le nucléaire (pour tenir l’objectif européen). C’était une condition absolue pour la France pour soutenir l’accord final », s’était félicité l’eurodéputé français Pascal Canfin (Renew), président de la commission parlementaire Environnement.
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La France pousse (trop ?) pour le nucléaire
Les explications : pourquoi ça bloque à nouveau ?
- Ce mercredi, la Suède, qui assure la présidence tournante du Conseil de l’UE, a décidé de reporter le vote à la dernière minute. Elle ne s’est pas expliquée, mais Politico et Euractiv indiquent que ce report a été décidé car on craignait que le soutien vis-à-vis du texte ne soit pas aussi appuyé que prévu.
- Derrière cette manœuvre, la France. Des sources françaises contactées par Euractiv l’ont confirmé, expliquant que Paris restait préoccupé par le statut réservé à l’atome – et en particulier, à nouveau, à l’hydrogène d’origine nucléaire – dans la directive.
- En parallèle, certains pays, dont la République tchèque et la Slovaquie, prévoyaient de ne pas voter en faveur du texte, l’estimant trop ambitieux.
- La France, qui n’en demandait pas mieux, les a pris sous son aile.
- Un responsable français a ainsi confié à Euractiv souhaiter, plus largement, « obtenir des garanties sur les moyens mis en œuvre au niveau européen pour atteindre les objectifs » de la RED afin que l’Europe puisse « construire un plan de décarbonation qui tienne la route ».
- On comprend ce que cherche la France, mais concrètement, on ne sait pas exactement ce qui ne lui convient pas, ni quels sont les points précis qu’elle souhaite faire modifier.
Les réactions : outrées.
- Dans le camp opposé, on n’est pas dupe. La France la jouerait « dur » non seulement pour s’assurer la solidité de la position des pions qu’elle a placés il y a un mois et demi, mais aussi pour les faire avancer d’un cran supplémentaire. En vue de donner au nucléaire un statut encore plus avantageux au sein de la directive.
- Contactés par Politico et Euractiv, certains diplomates n’y sont pas allés par le dos de la cuillère.
- « La France est folle, il y a beaucoup de colère à l’encontre de Paris, de toutes parts », a confié l’un d’eux, sous couvert d’anonymat.
- « Il s’agit de la directive sur les énergies renouvelables, pas de la directive sur l’énergie nucléaire – c’est la RED, pas la NED », a rappelé ironiquement un autre, regrettant le fait que la RED soit « prise en otage ».
- « Une telle décision de la France pourrait être considérée comme un autre exemple de mépris pour la démocratie européenne, a commenté un autre diplomate, faisant référence à l’attitude similaire adoptée par l’Allemagne quelques semaines plus tôt au sujet de l’interdiction des moteurs thermiques. « Ce n’est pas un bon jour pour la démocratie ou les petits et moyens pays. »
- Voilà qui promet la relance de négociations encore un peu plus tendues, alors que l’on pensait que la plupart des différends avaient été définitivement aplanis fin mars.