Gare à la ruse de l’euro

La valeur de votre euro est en baisse : non seulement en Belgique mais aussi de l’autre côté de ses frontières. Cependant, lentement mais sûrement, la monnaie regagne du terrain sur les marchés des changes.

En Belgique, l’inflation approche les 9%, mais à l’étranger aussi, vous obtenez de moins en moins de valeur pour votre euro. La monnaie s’est effondrée au cours des cinq premiers mois de l’année. À la mi-mai, il semblait même que l’euro équivaudrait au dollar. Un véritable choc quand on sait qu’il y a moins d’un an, votre euro valait plus de 1,20 dollar.

Bien que certains rapports aient déjà fait allusion à un ratio d’échange de 1:1, cette limite magique est plus éloignée qu’il n’y paraît. Dans le passé, cela ne s’est pas matérialisé très souvent non plus. En outre, la dynamique sur les marchés des taux d’intérêt semble se retourner lentement mais sûrement en faveur de l’euro.

En avance, mais pour combien de temps ?

Pour l’instant, la Réserve fédérale est largement en avance sur la Banque centrale européenne. Aux États-Unis, les taux d’intérêt ont déjà été relevés en deux étapes, de 0,25 à 1%, depuis le début de l’année. En outre, la banque centrale américaine a commencé hier à vendre les 9.000 milliards d’obligations d’État et autres actifs qui, ces dernières années, ont été achetés précisément pour donner un coup de fouet à l’économie.

En Europe, le programme de rachat n’expire qu’en juillet. Cependant, ces dernières semaines, il est devenu évident que la BCE choisira une autre voie immédiatement après. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a récemment laissé entendre qu’une première hausse des taux d’intérêt pourrait intervenir dès la réunion du 21 juillet, suivie peu après d’une deuxième. C’est un grand contraste avec ce qui se passait il y a six mois, lorsqu’elle prévoyait encore que les taux d’intérêt ne seraient pas relevés avant 2023. Et c’est cette nouvelle perspective qui fait remonter l’euro actuellement.

L’Europe rattrape son retard

Même si la BCE agira plus tard, il y a de fortes chances que la hausse des taux d’intérêt se poursuive plus longtemps sur notre continent que de l’autre côté de l’Atlantique. En effet, de nombreux économistes tiennent compte du fait que l’inflation américaine recommencera à baisser au second semestre de l’année. En Europe, le pic ne sera probablement pas atteint avant le quatrième trimestre. Cette situation est en partie due aux sanctions de plus en plus strictes prises à l’encontre de la Russie, telles que l’embargo pétrolier annoncé en début de semaine, qui font grimper les prix de l’énergie.

Mardi, il a été annoncé que le taux d’inflation dans la zone euro a augmenté à 8,1% en mai. Ce chiffre était encore de 7,5% en avril et les économistes avaient prévu un niveau de 7,7%. L’inflation dite de base – qui exclut les prix des denrées alimentaires et des carburants – a également été nettement supérieure aux prévisions. Certes, la Réserve fédérale sera a été la première à relever ses taux d’intérêt. Mais les véritables surprises en matière de taux d’intérêt réels viendront d’Europe pendant le reste de l’année. Et pour cette seule raison, il est trop tôt pour faire une croix sur l’euro.


L’auteur, Joost Derks, est un spécialiste des devises chez iBanFirst. Cette chronique exprime son opinion personnelle et ne constitue pas un conseil professionnel (d’investissement).

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