L’UE acquiert des drones pour surveiller la Méditerranée, et ce n’est pas un choix économique ou technique

Le Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, serait sur le point d’acquérir de nouveaux drones télépilotés. Parallèlement, l’Union européenne suspend progressivement ses missions navales en mer Méditerranée. Selon The Guardian, ce n’est pas une coïncidence : les drones permettront en effet d’assurer une surveillance sans avoir à effectuer aucun sauvetage, contrairement aux navires patrouillant dans ces eaux.

Le Frontex emploie déjà de tels drones dans des opérations de surveillance.

Un investissement qui va de pair avec l’arrêt des missions navales en Méditerranée

Mais le journal a eu connaissance de 3 contrats portant sur des drones, dont 2 signés par l’agence de Sécurité maritime européenne (EMSA), et un par le Frontex, pour un montant total de 100 millions d’euros. Il s’agirait notamment de l’Hermès, fabriqué par Elbit Systems, le plus grand fabricant d’armes d’Israël, et du Héron, produit par Israel Aerospace Industries, une entreprise étatique israélienne. Ces deux appareils ont été développés pour être déployés lors de missions de combat dans la bande de Gaza.

Mais ce qui est frappant, c’est que ces dépenses coïncident avec l’arrêt progressif des missions navales de l’UE en Méditerranée. En outre, l’UE bloque les bateaux des ONG en mer ou à quai, pour les dissuader de prendre la mer afin de tenter de porter secours aux migrants qui s’aventurent à affectuer la périlleuse traversée de la Méditerranée.

Un vide juridique concernant les drones

Selon The Guardian, les drones auront pour objectif de survoler les eaux au large de la Libye, un territoire où le navire de l’UE en patrouille n’a effectué aucun sauvetage, alors que c’est précisément l’endroit où l’on recense le plus de victimes. Et d’après le journal, ce n’est pas innocent. En effet, un vide juridique existe en ce qui concerne les drones. La convention des Nations unies sur le droit de la mer (Unclos) oblige les navires à signaler toute rencontre avec un navire en détresse et à lui offrir son aide. C’est ce qui explique pourquoi les missions navales de l’UE ont porté secours à des migrants, même losqu’elles n’avaient pas spécifiquement été envoyées en mer pour effectuer ces sauvetages.

Mais les choses sont bien différentes avec les drones. Ils ne sont pas contraints de transporter des équipements pour effectuer des sauvetages, et ne sont pas obligés de mener de telles opérations. Et les obligations des sous-traitants des agences européennes sont encore moins claires, précise le journal.

« Il faut des bateaux, et les bateaux, c’est exactement ce dont nous manquons en ce moment », explique Erik Marquardt, un député européen écologiste allemand. Gabriele Iacovino, directeur du Centre for International Studies, l’un des principaux thin tank italiens, confirme que c’est bien là la motivation de cet investissement : il affirme que le passage aux drones est « un moyen de dépenser de l’argent sans avoir la responsabilité de sauver des vies ». Les drones permettront de réaliser des missions navales « sans force navale » et d’éviter les conflits concernant la répartition des migrants secourus entre les différents Etats-membres de l’UE.

« Le remplacement des navires de guerre, qui peuvent effectuer des sauvetages, par des drones, qui ne peuvent pas, est condamné comme une dénégation cynique de toute responsabilité européenne dans le sauvetage des vies humaines », écrit The Guardian.

14 % de mortalité au mois de juin pour les candidats à la traversée

Après la publication de l’article du Guardian, le service de relations publiques du Frontex a précisé qu' »actuellement, le Frontex n’utilise pas de drones » et qu’il ne recevait aucune information des drones. Il a ajouté que tous les opérateurs de drones étaient soumis à la législation de l’UE qui impose la protection de la vie humaine. En revanche, il a refusé de communiquer les instructions qu’il avait données aux opérateurs des drones concernant l’attitude à tenir en cas de survol d’une embarcation en détresse.

Cette année, pas moins de 567 des quelque 8 362 personnes qui ont tenté d’effectuer la traversée de la Méditerranée ont trouvé la mort au cours de ce périple. Le mois dernier, le taux de mortalité des migrants qui se lancent dans ce voyage est passé de 2 % à 14 %.

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