Le fonds souverain norvégien a décidé de se désinvestir en pétrole, et c’est une mauvaise nouvelle pour l’environnement

« Pension Fund Global », le fonds d’Etat norvégien, vient d’annoncer qu’il allait revendre certaines de ses participations dans des entreprises du secteur pétrolier ou gazier pour réduire son exposition au pétrole. Certaines associations environnementales se sont félicitées de cette mesure. Mais elle aurait pourtant dû les chagriner. 

La nouvelle est d’autant plus remarquable que le fonds souverain norégien, qui est aussi le plus grand fonds souverain du monde avec une valorisation qui dépasse les 1000 milliards de dollars, s’est surtout enrichi – comme de nombreux autres fonds souverains – grâce au pétrole. Le gouvernement norvégien, est le plus gros producteur de pétrole et de gaz en Europe du Nord. Ces ressources lui fournissent 20 % de ses recettes, et représentent presque la moitié des exportations norvégiennes.

Les entreprises d’exploration et de production

Il indique qu’il ciblera plus particulièrement les entreprises d’exploration et de production d’hydrocarbures. 134 groupes (tels que l’Américain Chesapeake, le Canadien Encana, le Chinois CNOOC, le Français Maurel et le Britannique Tullow), pourraient donc en être affectés. En revanche, les grands groupes pétroliers, actifs dans le raffinage et la distribution, tels qu’ExxonMobil, Shell, BP et Total, ne sont pas concernés.

Si le Parlement norvégien ratifie cette décision, le fonds revendra pour 7,5 milliards de dollars de participations, sur les 37 milliards de dollars qu’il détient dans ces secteurs.

Les ONG environnementalistes crient victoire…

Pour les organisations environnementales et les militants qui se battent contre le changement climatique, cette annonce a sonné comme une victoire. « Si elle est validée par le Parlement, elle provoquera une onde de choc sur le marché, portant le plus grand coup à l’illusion selon laquelle le secteur des combustibles fossiles a encore des décennies d’activité devant lui », s’est enthousiasmé Yossi Cadan, un militant de 350.org, une organisation qui se bat contre le changement climatique.

Le fonds souverain norvégien contrôle à lui seul pas moins de 1,4  % de la capitalisation boursière mondiale, et plus de 2 % des actions cotées sur des bourses européennes. Ses investissements et désinvestissements sont donc scrutés par de nombreux investisseurs. Sa décision pourrait donc faire des émules, selon certains experts. Auparavant, il s’était déjà désengagé dans le secteur du charbon, à la fois pour des raisons environnementales et financières.

…Mais ils ne devraient pas le faire

Néanmoins, dans le cas présent, sa décision n’est motivée que par des raisons financières. Le communiqué officiel précise d’ailleurs qu’elle n’est pas le reflet d’un jugement contre le gaz et le pétrole. Simplement, les conditions de marché ont changé : le pétrole autrefois rare est devenu abondant, et les gestionnaires du fonds souverain norvégien pensent que ce dernier ne devrait pas être trop exposé à un actif dont le prix risque de baisser en raison de cette offre volumineuse.

De ce point de vue, les militants de l’environnements ne devraient pas se réjouir : la perspective d’une baisse durable des prix du pétrole signifie qu’il sera moins intétessant d’investir dans les énergies renouvelables. En conséquence, la transition vers des ressources propres, qui a à peine débuté, risque d’être encore plus longue.

Une autre raison devrait enrager les militants qui se battent contre le changement climatique. Le fonds souverain norvégien se targue d’être guidé par un code éthique lui interdisant d’investir dans des sociétés impliquées dans la pollution environnementale. Sa puissance de tir, et sa vision à long terme devraient lui permettre de soutenir certaines activités liées à des objectifs environnementaux, estime Nick Butler, qui préside le King’s Policy Institute au King’s College de Londres. « Quel dommage, par conséquent, que le fonds norvégien ne saisisse pas l’opportunité de créer, seul ou avec d’autres, une série d’entreprises capables de mettre sur le marché de l’énergie à faible émission de carbone en réduisant leur portefeuille pétrolier et gazier », déplore-t-il.

Une goutte d’eau dans un océan de pétrole

Selon le Sovereign Wealth Fund Institute, les plus de 70 fonds souverains du monde gèrent ensemble environ 8 000 milliards de dollars d’actifs, dont la majeure partie est issue de revenus pétroliers et gaziers. Et leur nombre devrait encore progresser, puisque l’on a appris que des pays tels que l’Islande, ou l’Egypte, ont récemment décidé eux aussi de se doter d’un fonds souverain.

Au cours des 3 dernières années, ces fonds souverains ont  investi 11 milliards de dollars dans des entreprises d’énergie renouvelable, ou des projets liés au climat. Un tel montant représente moins de 0,2 % de leur actif total, une goutte d’eau. « C’est pathétique », s’insurge le chroniqueur Mark Gilbert dans une colonne d’opinion de Bloomberg.

Un rapport publié en janvier recommandait au fonds norvégien d’investir au moins 5 % de ses liquidités dans des projets associés aux énergies renouvelables. Il soulignait que ces investissements offraient un potentiel de croissance à long terme, une faible corrélation avec d’autres classes d’actifs et la perspective d’un rendement croissant. Autrement dit, qu’ils étaient un placement judicieux.

Des fonds dont la vocation devrait être d’investir dans les domaines de l’éthique

Une autre étude, publiée par le Forum Economique mondial, indique que les fonds souverains sont « mieux équipés que leurs homologues privés pour tirer parti des stratégies d’investissement dans les domaines de l’environnement, de la société et de la gouvernance ». En effet, « ils peuvent mieux se permettre d’attendre avant de voir se concrétiser les avantages sociaux et financiers d’une telle approche ». En outre, ils ont un horizon d’investissement bien plus éloigné que les gérants de fonds classiques.

« Bien qu’il puisse être politiquement difficile pour certains pays de se libérer de leur dépendance économique à l’égard des combustibles fossiles, l’intérêt personnel éclairé suggère que les fonds souverains devraient faire davantage pour soutenir les énergies renouvelables. Espérons qu’ils le feront – pour notre bien à tous », conclut Gilbert.

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