Début décembre, un groupement de pays occidentaux introduisaient un plafond de prix sur le pétrole brut russe. Moscou avait vu le coup venir et constituait une « flotte fantôme » depuis plusieurs mois déjà. Aujourd’hui peut-on dira qu’elle a fait-elle ses preuves ?
Deux mois après l’instauration du plafond de prix, où en est la « flotte fantôme » de pétroliers de la Russie ?

Pourquoi est-ce important ?
En introduisant un plafond de prix sur le pétrole russe, l'UE, le G7 et l'Australie espéraient réduire les revenus du Kremlin, tout en plaçant ledit plafond à un niveau suffisamment élevé que pour ne pas pousser la Russie à diminuer sa production. Objectif : affaiblir Moscou dans son entreprise guerrière en Ukraine.Dans l’actu : la flotte fantôme russe progresse, mais…
- D’après les données collectées par Bloomberg, la « flotte fantôme » de la Russie est bien active pour transporter du pétrole vers des pays asiatiques sans devoir respecter le plafond de prix décidé par les alliés occidentaux.
- Il apparaît toutefois que cette astuce n’est pas suffisante que pour se passer totalement des navires européens.
Le détail : encore un tiers de navires européens.
- Avant que la guerre éclate, les navires utilisés par la Russie pour exporter son pétrole appartenaient en majorité à des pays qui ont instauré le plafond de prix (à 60 dollars le baril) début décembre. À savoir principalement le Royaume-Uni et des membres de l’Union européenne.
- Si le plafond n’est entré en vigueur que le 5 décembre dernier, il avait été officialisé deux mois plus tôt, et pressenti plus tôt encore. De quoi permettre au Kremlin d’anticiper et de constituer ce que de nombreux médias ont appelé une « flotte fantôme ».
- C’est-à-dire des navires généralement vieillissants, récemment acquis par des acheteurs anonymes liés à la Russie via des circuits et des structures opaques, qui échappent aux sanctions. Une partie d’entre eux étaient auparavant utilisés par l’Iran, a récemment révélé le Financial Times.
- En parallèle, il y a les navires dépendant officiellement de la Russie ou de pays n’adhérant pas au plafond (la Turquie et des pays d’Asie de l’est, principalement).
- Lors de l’entrée en vigueur du plafond, la Russie comptait déjà une flotte fantôme constitué d’une centaine de navires, prêts à charger du brut russe peu importe le tarif décidé entre l’acheteur et le vendeur.
- Bloomberg a calculé l’évolution de la proportion de navires européens utilisés par la Russie pour expédier du pétrole depuis ses ports occidentaux.
- De début octobre à début décembre, avant l’instauration du plafond, la moitié des navires en question appartenaient à des entreprises européennes.
- En décembre, cette proportion a chuté à environ un quart.
- En janvier, elle est repassée à un tiers.
Démarrage en force, mais la dépendance à l’Europe est trop forte
Les explications : que faut-il en déduire ?
- Vous l’aurez compris, la Russie a rapidement diminué sa dépendance aux navires européens, avant que celle-ci n’augmente à nouveau.
- Cela s’explique par les (très) longues distances que doivent parcourir les pétroliers qui quittent les ports occidentaux russes pour l’Inde et la Chine, où se trouvent les nouveaux clients privilégiés de Moscou.
- Dès l’entrée en vigueur du plafond, la Russie a fortement mobilisé sa flotte fantôme. Mais les trajets sont si longs que ces navires ne reviennent pas à temps et que le pays doit appeler des pétroliers européens en renfort pour continuer d’expédier son brut.
- La durée moyenne d’un trajet (aller-retour) entre la Baltique ou l’Arctique et la côte ouest de l’Inde est de 66 jours.
- Pour rejoindre la province chinoise de Shandong, il faut compter quasiment le double de temps, soit quatre mois.
- Forcément, la proportion des pétroliers européens quittant la Russie pour l’Asie fluctuera au gré des livraisons. De nombreux navires de la flotte fantôme sont en train de revenir d’Inde. Ils pourront bientôt embarquer de nouvelles cargaisons. Cela repoussera leur proportion vers le haut… avant que celle-ci ne baisse de nouveau au profit de navires européens.
Et après : la Russie sortira-t-elle de sa dépendance aux navires européens ?
- D’après Bloomberg, en conservant ses niveaux d’exportation de janvier 2023, la Russie ne pourra pas se passer des pétroliers européens – et sera donc contrainte de se plier au plafond de prix.
- C’est d’ailleurs notamment pour cette raison que le Kremlin a annoncé la semaine dernière qu’il réduira sa production de 500.000 barils par jour à partir du 1er mars.