La faible demande en gaz en Europe ne fait pas de que des heureux

La faible demande en gaz en Europe ne fait pas de que des heureux
Photo : Alexander Zemlianichenko Jr./Bloomberg via Getty Images

Certains industriels en Europe ont profité l’an dernier d’une demande de gaz en explosion (façon de parler) qui a fait leurs affaires. Sauf que celle-ci est désormais en chute libre, laissant un trou béant dans leurs revenus. La demande en gaz en Europe pourrait ne jamais retrouver son niveau d’avant-crise.

Zoom avant : La consommation de gaz en Europe est 10 à 15% plus faible que la décennie avant l’invasion de la Russie en Ukraine

  • Selon les estimations d’Eurostat, la consommation dans les sept plus grands pays de l’Union européenne en termes de consommation de gaz s’est élevée à 6,1 millions de térajoules (TJ) au cours des sept premiers mois de l’année, contre 6,6 millions de TJ sur la même période l’année dernière.
  • Si on remonte plus loin, on retrouve même une moyenne de 7 millions de TJ au cours des dix dernières années avant la guerre en Ukraine, de 2012 à 2021.
  • Par rapport à la décennie qui a précédé l’invasion, la consommation a connu une baisse mensuelle continue depuis le début de l’année, sans lien avec les températures.
  • L’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas ont en particulier connu une forte baisse en juin et juillet par rapport à la période d’avant l’invasion.

En cause : Les prix élevés l’an dernier ont impacté les grands consommateurs de gaz : l’industrie lourde et les usines de production.

  • La hausse des coûts énergétiques, avec un pic à 300 euros le mégawattheure de gaz en août 2022, a accablé les utilisateurs industriels : la sidérurgie, la métallurgie, la cimenterie, la céramique, la verrerie, les engrais, la pétrochimie et l’horticulture sont incapables de répercuter la hausse sur leurs clients.
  • La fabrication à forte intensité énergétique a enregistré une baisse de plus de 10 % par rapport à l’an dernier et continue de chuter.
  • En Allemagne, la production des branches à forte consommation d’énergie a dégringolé de 17 % en juillet par rapport à avant l’invasion.
  • Les grands consommateurs se sont alors tournés vers les énergies renouvelables, fiables en termes d’approvisionnement en ces temps géopolitiquement risqués, et bien meilleures pour le climat que les énergies fossiles telles que le gaz.

Un changement irréversible ?

Zoom-arrière : Le secteur industriel qui voit ses revenus liés à la demande en gaz commence à s’inquiéter.

  • Si, depuis, les prix sont repartis à la baisse, les pays qui consomment le plus de gaz ne semble pas vouloir revenir à leurs habitudes précédentes.
    • Les prix à terme du gaz ont ainsi plongé de 88 % en juillet 2023 par rapport au sommet d’août 2022, après un hiver doux et la fin de la ruée vers le stockage.
    • Depuis lors, les prix à terme du mois en cours ont légèrement augmenté, mais ils sont toujours 86 % plus bas que le pic de l’an dernier.
  • Selon les données de S&P Global Commodity Insights compilées par Bloomberg, la consommation de gaz dans le paysage industriel européen devrait rester d‘environ 20 % en dessous des niveaux de 2021.
  • Or certaines entreprises, comme celle du secteur chimique, dépende directement de cette demande de gaz chez leurs clients.
    • C’est par exemple le cas du parc chimique de Gendorf, en Allemagne : le site industriel, où environ 4.000 personnes travaillent pour de grandes entreprises chimiques, compte principalement sur le gaz pour satisfaire sa demande annuelle en électricité, qui s’élève à plus de 1 térawatt-heure. Mais cette année, il faudra produire moins d’électricité
    • L’association professionnelle allemande de l’industrie chimique, le VCI, prévoit une baisse de 11 % de la production en 2023, à l’exception des produits pharmaceutiques.
    • De même, le Conseil européen de l’industrie chimique prévoit une diminution de 8 % cette année dans l’ensemble de la région, sans espoir de reprise de la demande à court terme.
  • Notons que le problème n’est plus uniquement lié au gaz mais aux conditions économiques dans leur ensemble, encore fragiles et incertaines, selon les experts.
    • Les inquiétudes concernant une récession bien ancrée a incité les entreprises allemandes à hésiter à relancer leur production.
    • Et avec les économies européennes soumises à des taux d’intérêt plus élevés, il y a des craintes que certaines demandes de gaz ne reviennent jamais à leur niveau d’avant la guerre en Ukraine.
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