Extraire le lithium des eaux géothermiques: rêve ou nouvelle méthode durable?

Avec la transition énergétique, la demande en lithium explose, ainsi que les prix. Il est extrait à de rares endroits du globe, de manière polluante. Un nouveau type d’extraction plus durable pourrait voir le jour. Un projet pilote est lancé en Angleterre pour l’extraire de l’eau géothermique. Mais la méthode n’est pas si simple.

Le lithium, l’or blanc de la transition énergétique. Ce matériau est indispensable pour de très nombreux éléments technologiques, comme les batteries des smartphones et des voitures. Mais l’extraction est onéreuse, et pour l’heure limitée à certains endroits du globe. Mais les sols européens ne manquent pas de cette précieuse ressource.

Le sud-ouest de l’Angleterre, aussi appelé Cornouailles, regorge de lithium. Des projets y sont en cours pour l’extraire, et en même temps développer l’exploitation d’une ressource renouvelable : l’énergie géothermale. Le projet est développé en commun entre Geothermal Engineering Ltd (GEL), entreprise spécialisée dans le développement de solutions pour l’énergie géothermale, et Cornish Lithium. Leur joint-venture s’appelle GeoCubed. Le but est d’extraire le lithium des eaux géothermiques.

« L’objectif est de démontrer que l’hydroxyde de lithium, un composant clé des batteries lithium-ion utilisées dans les véhicules électriques, peut être produit en Cornouailles à partir d’eau géothermique naturellement présente, avec une empreinte carbone nulle », explique GEL au média économique CNCB.

Extraction directe…

L’usine test de GeoCubed, qui coûte 5 millions d’euros environ, va essayer différentes techniques d’extraction directe. A terme, l’objectif est d’éventuellement développer une activité commerciale d’extraction du lithium à l’usine United Downs de GEL, combinant l’exploitation de l’énergie géothermique et l’extraction du lithium.

« La combinaison de la roche granitique (présente dans les sous-sols de la région, NDLR) riche en lithium et de l’eau chaude – l’eau chaude peut absorber plus de lithium – signifie que l’eau que nous ramenons à la surface à United Downs pour alimenter notre centrale électrique a une très forte teneur en lithium », explique le fondateur de GEL Ryan Law. Les échantillons d’eau remontés à la surface ont aussi montré des traces élevées de caesium, rubidium et de potassium, indique GeoCubed.

La prochaine étape est alors de l’extraire. Le but des tests est de trouver quelle est la meilleure manière de la faire. D’autres projets d’extraction directe sont déjà en cours, notamment en Allemagne et en Californie. Le dernier promet une extraction de 20.000 tonnes d’hydroxyde de lithium en 2024.

… pas si aisée que l’on imagine

L’extraction directe peut se faire de trois manières, explique le Laboratoire des énergies renouvelables du ministère de l’Energie des Etats-Unis : « l’adsorption à l’aide de matériaux poreux qui permettent la liaison du lithium, l’échange d’ions et l’extraction par solvant ».

Le laboratoire indique également que ce sont des taches difficiles, notamment si on veut passer à une exploitation « à pleine capacité ». « Par exemple, la mise au point d’un matériau solide qui ne se lie qu’au lithium est un énorme défi dans une saumure géothermique qui contient de nombreux minéraux et métaux ».

Vers le durable?

La durabilité des exploitations du lithium est de plus en plus pointée du doigt. En plus, le monopole est détenu par quelques pays uniquement, avec des bassins salants ou mines en Argentine, au Chili et en Australie, et des procédés de transformation en Chine. Une exploitation à petite échelle, moins intensive, et plus proche de l’Europe pourrait alors être un avantage.

La demande en lithium ne va en tout cas pas baisser. Le passage à un parc automobile de plus en plus électrique est notamment très demandeur en lithium. Alors pour suivre la demande, une piste supplémentaire serait le recyclage : « à moyen et à long terme, il est clair que la grande majorité doit provenir de modèles économiques circulaires, notamment du recyclage« , explique Julia Poliscanova, responsable pour la mobilité auprès de l’association Transport & Environment, à CNBC. Tesla par exemple indique déjà recycler le lithium de ses batteries.

Elle considère que le lithium est « irremplaçable » pour la transition énergétique. Il faudrait alors trouver des nouvelles techniques d’extraction. « C’est là que le lithium géothermique entre en jeu », indique-t-elle, « parce que le nouveau lithium et les nouvelles ressources dont nous avons besoin doivent être exploités de manière durable et doivent avoir le plus faible impact possible sur l’environnement et nos communautés. »

Changement potentiel majeur

L’enjeu semble donc colossal. Pour l’heure, l’extraction se fait via des mines à ciel ouvert, ou via de l’eau salée qui contient du lithium, présente dans des nappes phréatiques sous des déserts salés, qu’on pompe dans des bassins et qu’on laisse s’évaporer au soleil, exactement comme l’eau de mer pour la production de sel de cuisine. Une fois l’eau évaporée, reste le lithium.

Ces deux méthodes sont très polluantes. Le laboratoire américain indique qu’elles mènent à la destruction de la terre, à la contamination potentielle et qu’elles nécessitent une consommation d’eau très importante, dans des régions déjà exposées à la sécheresse et la désertification. En plus de cela, les lieux d’extraction prennent beaucoup de place.

Au contraire, l’extraction directe permet « un approvisionnement en lithium plus durable, notamment en utilisant l’énergie géothermique comme source d’énergie renouvelable pour la production », explique le laboratoire.

Entre-temps, l’installation pilote en Cornouailles devrait être mise en service pour la fin du mois de mars, si tout se passe comme prévu.

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