Le S&P 500 est officiellement entré en bull market. Les plus hautes valeurs technologiques ont connu un début d’année comme on n’en a plus connu en 20 ans. Elles le doivent en partie à la nouvelle hype autour de l’IA, un mot assez fourre-tout, il faut bien le dire. Mais est-il encore temps de prendre le train en marche ?
FOMO : quatre lettres pour un sentiment connu des investisseurs. « Fear of missing out » ou la peur de manquer une opportunité. Ces quatre lettres résument assez bien le sentiment actuel, après un début d’année à la hauteur de la chute de 2022. Une année marquée par l’apparition du fameux chatGPT, qui aura été un point de bascule pour l’IA. Enfin, le commun des mortels pouvait voir de ses yeux la réelle utilité de l’intelligence artificielle.
Le contexte : Le S&P 500 est en bull market. L’indice a pris 20% depuis son dernier point bas, en octobre dernier. Attention toutefois, cette poussée est essentiellement réalisée par cinq mastodontes : Alphabet, Meta, Apple, Amazon et Nvidia. À titre de comparaison, le Nasdaq a pris 27% là où le Dow Jones n’a engrangé que 2%.
La hype de l’IA a clairement montré son empreinte sur les marchés. Le meilleur exemple est à aller chercher du côté de Nvidia. Entrainer l’IA nécessite des super-ordinateurs hyper gourmands en semi-conducteurs. Le constructeur de puces a vu ses prévisions de ventes décoller pour les prochains trimestres. Résultat : 140% de gain sur les marchés cette année.
La question : n’est-il pas trop tard pour investir dans l’IA ? CNN Business a interrogé Matt Bartolini, responsable de la recherche SPDR Americas chez State Street Global Advisors. Ce spécialiste des marchés a plusieurs mises en garde.
- De quoi parle-t-on ? L’élément le plus obscur autour de cette mode de l’IA est de savoir quelles entreprises profitent réellement de l’IA et quelles entreprises se servent seulement de l’acronyme. Vous l’avez sans doute remarqué : les entreprises qui ont collé le mot « IA » à leur nom se sont multipliées comme Jésus a multiplié le pain. Un peu à la manière de ces entreprises qui ont collé à leur nom le « .com » à la fin des années 90, début 2000.
- « Dans une certaine mesure, ce n’est qu’un mot à la mode que les entreprises utilisent pour gagner en notoriété et insuffler un peu d’optimisme dans leurs prévisions. Pourtant, de nombreuses entreprises utilisent l’IA comme technologie de connexion » , explique Bartolini, qui plutôt que pointer l’une ou l’autre entreprise, préfère parler d’une technologie « qui a proliféré dans différents types d’industries et de segments de consommateurs ».
- Est-ce que l’IA est une bulle qui va exploser ? « Je ne pense pas que nous en soyons encore là. Je ne dis pas que nous ne le serons pas, mais je pense qu’il y a encore une certaine retenue. S’il y avait une bulle, vous verriez plus d’investisseurs particuliers utiliser des structures ETF pour se concentrer sur des thèmes spécifiques ou qui ont l’IA dans leur nom. » Le mot IA est par contre clairement une bulle dans les conversations ou dans la presse, mais pas dans les actions, estime le spécialiste : « De nombreuses actions technologiques majeures se sont bien comportées, mais pas les petites entreprises. Dans une bulle, vous verriez une quantité importante d’actions dans toutes les régions en bénéficier. »
- En effet, pour le moment, ce sont surtout les entreprises avec des flux de trésorerie très importants qui ont profité de la hype : pensez aux 5 mastodontes cités plus haut. Grâce à leurs liquidités, elles ont très vite pu rebondir pour ne pas rater le train.
- Est-il encore temps de miser sur l’IA ? Il est clair que pour un secteur comme les semi-conducteurs, il est sans doute trop tard. « En début d’année, l’ensemble du secteur se négociait en dessous de son ratio cours/bénéfice historique, mais il se négocie maintenant au-dessus », confirme le spécialiste. Pour le reste, il faut d’abord identifier les acteurs qui sont vraiment liés à l’IA, étudier leur comptabilité et leur potentiel de croissance. Les small caps (petites et moyennes valeurs) n’ont pas encore profité de l’IA comme les géants des technologies ont pu le faire sur les marchés.
- Bartolini estime pour sa part qu’il faut privilégier des secteurs plutôt que des entreprises. « En moyenne, les actions sous-performent plus que la moyenne du secteur », conclut l’analyste.
« Un moment 1995 », « pas un moment 1999 »
- Est-il encore temps ? La réponse est oui, selon Dan Ives de Wedbush Securities, dans une note publiée ce lundi, et reprise par Markets Insider : les actions technologiques ont encore un potentiel de croissance de 10 à 12%.
- Et le développement de l’IA n’y est pas étranger : « Avec une réduction massive des coûts dans le secteur de la technologie au cours des 9 derniers mois, des dépenses d’entreprise stables et un consommateur résilient, nous pensons que le décor est planté pour ‘un moment 1995’ car l’IA est la technologie la plus transformationnelle que nous ayons vue depuis qu’Internet a commencé à prendre forme » , affirme le spécialiste.
- Ce qui ne se passe pas, c’est un « moment de 1999 », a-t-il ajouté, rejetant l’idée que l’essor technologique entre dans une bulle rappelant l’effondrement de l’ère dot.com.
À voir si la peur d’une récession mondiale, la guerre en Europe, l’inflation persistante ou encore les taux d’intérêt ne viendront pas briser cet élan d’optimisme.