Vous avez du mal à vous lever le matin pour aller travailler ? C’est que vous n’avez pas hérité des gènes des néandertaliens

Seconde moitié de décembre : malgré les fêtes qui approchent et les loupiotes qui se multiplient, l’obscurité vous pèse. Vous avez l’impression de vous réveiller en plein milieu de la nuit pour aller au boulot et la grisaille belge des quelques heures de simili-clarté ne vous soulage pas. Pourtant, tout le monde n’a pas l’air si affecté. Et selon la science, cela dépend en fait de notre arbre généalogique préhistorique.

Nous, les Homo sapiens modernes, avons à peu près tous quelques fragments des gènes d’espèces cousines qui ont disparu, dans notre génome. Or, ces bribes d’un passé très lointain, où l’humanité était plurielle, ont encore un impact sur notre vie et notre santé. C’est le cas des quelques gênes que nous tenons d’homo neandertalensis, les fameux néandertaliens qui peuplaient l’Europe et le Moyen-Orient. Et que nos ancêtres directs ont rencontrés très tôt quand ils ont commencé à quitter l’Afrique, pour allègrement se mélanger avec eux, dans tous les sens du terme.

Bien leur en a pris, d’ailleurs. Car le patrimoine génétique issu de ces unions avec une espèce très proches (assez pour permettre une descendance fertile) a aidé les premiers sapiens à s’adapter au climat bien particulier du nord. Au froid digne de l’Arctique de cette Europe des ères glaciaires, certes, mais aussi à ses variations de luminosité.

Des gènes néandertaliens qui régulent l’horloge biologique

« En analysant les morceaux d’ADN néandertalien qui restent dans les génomes humains modernes, nous avons découvert une tendance frappante. Beaucoup d’entre eux affectent les gènes qui régulent les horloges biologiques chez les humains modernes, dans la plupart des cas augmentant la propension à être une personne du matin. »

John Capra, épidémiologiste à l’Université de Californie à San Francisco

L’humanité actuelle possède encore jusqu’à 4% de génome issu de croisements anciens avec des néandertaliens, avec de grandes disparités selon l’origine géographique. Ces gènes fantômes d’une espèce disparue sont surtout présents chez les Eurasiens actuels. Depuis cette découverte lors du séquençage de la majorité des gènes néandertaliens, on a suspecté que ceux-ci avaient toujours une influence sur notre organisme, sinon ils auraient été éliminés par la sélection naturelle. On a d’abord estimé qu’ils nous avaient apporté certaines teintes des yeux ou de la chevelure. Mais cela va plus loin que ça. Depuis ses tombes perdues, cette espèce cousine influencerait encore notre immunité.

Les néandertaliens moins affectés par la dépression hivernale ?

Voire, selon une étude publiée par Capra et ses collègues dans Genome Biology and Evolution, notre horloge biologique. Ils se sont tournés vers UK Biobank, qui détient des informations génétiques, de santé et de mode de vie sur un demi-million de personnes, détaille The Guardian. Et ils ont découvert que ces variantes génétiques anciennes liées au réveil matinal étaient encore fort présentes dans la population. Elles devaient donc offrir un avantage évolutif conséquent.

« Nous ne pensons pas qu’être une personne du matin est réellement ce qui était bénéfique. Nous pensons plutôt que c’est un signal d’avoir une horloge fonctionnant plus rapidement qui est mieux capable de s’adapter à la variation saisonnière des niveaux de lumière. À des latitudes plus élevées, il est bénéfique d’avoir une horloge plus flexible et mieux capable de changer pour correspondre aux niveaux de lumière saisonniers variables. »

John Capra

Moins de temps de clarté pour se ravitailler

Ces gènes permettaient aux néandertaliens de se lever tôt en toute saison et de s’activer rapidement, frais et dispos – et sans café matinal. Un avantage non négligeable quand la période de clarté sur la journée varie grandement d’une saison à l’autre, et que les jours les plus courts correspondent à la saison où il est le plus difficile de trouver de la nourriture. Homo sapiens, venu des régions tropicales, a dû être particulièrement affecté par la dépression hivernale, lui qui était habitué à 12 heures de clarté toute l’année. Dans ce contexte, les descendants des deux lignées, qui bénéficiaient de cette adaptation néandertalienne, ont pu survivre plus aisément aux périodes de longue nuit.

Bien sûr, d’autres facteurs entrent en jeu, de l’éducation à l’alimentation, en passant par les habitudes culturelles, pour déterminer si on est plutôt du matin ou non. Et puis surtout aucune des lignées préhistoriques ne passait sa journée devant des lumières artificielles jusqu’à s’en détraquer les cycles de sommeil.

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