La crise de l’énergie en Europe « alimente la pauvreté énergétique dans le monde émergent »

Dans l’incapacité de se livrer à une guerre des prix avec l’Europe, les pays émergents se retrouvent dans une position délicate pour s’approvisionner en énergie. L’appétit vorace de l’Europe pourrait les contraindre à se tourner vers des énergies plus polluantes pour survivre à la crise qui pourrait durer.

Pourquoi est-ce important ?

Cherchant à se défaire des énergies russes, l’Europe s’est tournée vers d’autres fournisseurs pour remplir ses stocks de gaz et ainsi passer l’hiver au chaud. C’est ainsi qu’elle a augmenté ses commandes de GNL auprès des États-Unis, mais aussi de gaz naturel auprès d’autres producteurs, grillant parfois la priorité à d’autres demandeurs moins aisés.

Contexte : l’appétit vorace de l’Europe pour le gaz naturel autre que russe a provoqué une explosion des prix, en plus d’une baisse de l’offre pour les pays émergents.

  • Ces derniers se sont retrouvés dans l’incapacité de payer pour répondre aux besoins actuels et futurs de leur population.
  • Une situation qui a déjà eu des conséquences – fermeture d’usine, pénuries d’électricité plus fréquentes et plus durables, troubles sociaux – et qui pourrait empirer dans les années à venir, faute de solution, entrainant toujours plus de troubles dans ces pays.

« Les problèmes de sécurité énergétique en Europe alimentent la pauvreté énergétique dans le monde émergent. L’Europe aspire le gaz des autres pays quel qu’en soit le prix ».

Saul Kavonic, analyste énergétique chez Credit Suisse Group AG

L’hiver arrive et pas seulement en Europe

  • Après un été marqué par des pannes d’électricité et des troubles politiques, le Pakistan, l’Inde, le Bangladesh et les Philippines se préparent à des températures plus froides, alors que les chances de garantir des approvisionnements à long terme sont minces.
  • À cette perspective s’ajoute la montée du dollar qui fait que les pays émergents doivent choisir entre acheter du carburant ou rembourser leur dette.
  • Les fournisseurs mondiaux d’énergie se montrent de plus en plus réticents à vendre à des pays qui pourraient se diriger vers le défaut de paiement.

La loi du plus offrant

  • Mais la stratégie de l’Europe pour s’assurer un hiver au chaud n’a fait que rajouter de l’huile sur le feu. Le vieux continent s’est tourné vers le marché au comptant pour remplir ses stocks de gaz, quitte à payer beaucoup plus cher.
  • Une situation qui a poussé certains fournisseurs d’Asie du Sud à annuler leurs livraisons prévues de longue date, afin de profiter de meilleurs rendements ailleurs. Les prix sur le marché du comptant couvrent largement les pénalités qu’ils pourraient recevoir.
  • Habituellement, quand il y a une pénurie à court terme, les pays peuvent tout de même s’assurent un approvisionnement en signant des contrats à long terme, en payant un taux fixe. Or, des offres commençant parfois dans plusieurs années sont aujourd’hui rejetées par les fournisseurs.
  • De quoi suggérer que le problème pourrait durer des années pour les pays émergents qui doivent désormais se battre contre des pays économiquement beaucoup plus puissants pour s’assure un approvisionnement énergétique.

Et après ?

  • Sans renversement de la vapeur, les pays émergents pourraient être contraints de se tourner vers des solutions délaissées par les puissances économiques, à savoir des carburants plus polluants ou d’autres partenaires.
    • L’élan des économies en développement pour le gaz naturel – considéré comme le combustible fossile le plus propre – a déjà chuté, notamment en Asie du Sud et du Sud-Est, selon l’Agence internationale de l’Énergie.  
    • Certains pays émergents, dont le Pakistan et l’Inde, se sont déjà tournés vers Moscou pour s’approvisionner en gaz naturel, après avoir été exclus du marché au comptant.
Plus