La Corée du Nord essuie son « pire échec » après le lancement raté de son satellite : pourquoi admettre soudainement ses fautes ?

Pyongyang qui admet ses erreurs, nous n’en sommes pas habitués : alors que Kim Jong-Un se voit confronté à une amère défaite dans une entreprise militaire qu’il croyait prometteuse, cet étrange écho de faiblesse dissimule peut-être une réalité sombre qui se délite pour les citoyens ou le pouvoir nord-coréens.

Pourquoi est-ce important ?

L'admission des échecs par la Corée du Nord suscite un étonnement certain, car le pays s'est toujours drapé dans un voile de succès et d'invincibilité. Le régime a soigneusement façonné une image de réalisations inébranlables et de puissance supérieure, reléguant les erreurs au silence. Ainsi, lorsque le gouvernement nord-coréen reconnaît ses faiblesses, cela brise le récit de propagande bien établi et éveille la curiosité internationale.

Dans l’actu : Fin mai, la Corée du Nord a tiré en direction du sud ce qu’elle affirmait être un « véhicule de lancement spatial », mais celui-ci est tombé dans la mer Jaune après un vol « anormal », a déclaré l’armée sud-coréenne.

  • Il s’agissait en réalité d’un satellite de reconnaissance militaire destiné à renforcer la surveillance des activités militaires des États-Unis.
  • La fusée s’est arrêtée « après avoir perdu sa poussée en raison du démarrage anormal du moteur du deuxième étage », a déclaré la Corée du Nord. La fusée a terminé dans la mer, tout comme le satellite-espion.
  • Au cours de la semaine écoulée, les eaux de la côte ouest ont révélé un fragment cylindrique majeur de la fusée, soigneusement récupéré par… la marine sud-coréenne.
  • Une aubaine pour Séoul : cette découverte suscite un vif intérêt parmi les experts, car elle pourrait apporter des éclaircissements sur les avancées du programme de développement des fusées nord-coréennes.

Résultat : Ce lancement raté constitue le « plus grave échec » de la Corée du Nord, a-t-elle admis selon les médias d’État lundi.

  • Le parti dirigeant de la Corée du Nord a soumis à une évaluation minutieuse le lancement survenu le 31 mai lors d’une réunion prolongée de trois jours qui s’est conclue dimanche, et à laquelle a participé Kim Jong-Un.
  • Après les avoir sévèrement critiqués, il a ordonné aux travailleurs et aux chercheurs d’analyser en détail la mission.
  • Évidemment, Pyongyang ne baisse pas les bras pour si peu et promet que le pays parviendra bientôt à ses fins. Le parti au pouvoir a ainsi intimé aux chercheurs de se préparer à un nouveau lancement « dans les plus brefs délais », rapporte Reuters.
  • Avec une nouvelle menace à peine cachée : le comité central du Parti des travailleurs en a profité pour se pencher sur le renforcement des capacités nucléaires et l’accélération de la production d’armes atomiques.

L’arbre qui cache la forêt ?

Entre les lignes : L’admission publique de l’échec trahit les nuances enfouies de la situation. Derrière les rideaux de la propagande se dessine un tableau en constante évolution, teinté de désarroi pour les habitants du pays ermite… ou le pouvoir lui-même. S’agit-il d’un appel à l’aide, d’un aveu de vulnérabilité ou d’une manœuvre diplomatique ?

  • En reconnaissant ses échecs, la Corée du Nord cherche peut-être à projeter une nouvelle image de transparence et d’ouverture envers la communauté internationale. Il s’agirait d’une manœuvre stratégique visant à améliorer sa réputation et à gagner en crédibilité dans les négociations diplomatiques.
  • La Corée du Nord pourrait en outre signaler sa volonté de solliciter une assistance ou une coopération de la communauté internationale pour faire face à des défis spécifiques. En reconnaissant le besoin d’aide, elle espère attirer une aide étrangère, des investissements ou un soutien technologique.
  • Cela pourrait aussi être une façon de faire face à l’insatisfaction des citoyens au sein du pays. En reconnaissant ses lacunes, le régime cherche peut-être à maintenir le contrôle et à apaiser ses citoyens en démontrant sa volonté de traiter les problèmes et d’apprendre de ses erreurs.
  • Ici, Séoul note que ce seraient plutôt les signes d’une « situation alimentaire qui se détériore » : lors de la réunion du Parti des travailleurs, il a également été discuté de la garantie d’un « approvisionnement alimentaire suffisant ».
    • De telles difficultés ne seraient pas surprenantes : en raison de ses programmes d’armes nucléaires et de missiles balistiques, la Corée du Nord se trouve dans une situation d’isolement et est confrontée à des sanctions internationales. De plus, pour endiguer la propagation du Covid-19, le pays a pris des mesures strictes de fermeture des frontières, ce qui a également mis son économie à rude épreuve.
  • Enfin, selon un porte-parole du ministère sud-coréen de l’unification, chargé des relations avec la Corée du Nord, l’absence de rapport sur le discours de Kim Jong-Un lors de la réunion du parti est considérée comme « extrêmement rare ».
    • Cette absence, combinée au fait que la responsabilité de l’échec du lancement a été attribuée à des fonctionnaires de rang inférieur, pourrait indiquer une perte de confiance du dirigeant envers ses exécutants, selon les observations du ministère.
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