Depuis qu’il a permis à la Chine de mettre une main sur le port de Hambourg et qu’il s’est rendu à Pékin la fleur au fusil, Olaf Scholz essuie de nombreuses critiques. La dernière en date émane du président de la Banque européenne d’investissements (BEI), Werner Hoyer.
Quand le président (allemand) de la Banque européenne d’investissement vilipende l’Allemagne pour sa naïveté à l’égard de la Chine

Pourquoi est-ce important ?
La crise énergétique en Europe qui a suivi le début de la guerre en Ukraine a montré à quel point certains pays - l'Allemagne en tête - avaient fait preuve de naïveté en se rendant dépendants d'un pays tel que la Russie. Pourtant, Olaf Scholz semble commettre les mêmes erreurs avec la Chine. Les critiques pleuvent.L’actualité : le président de la BEI s’en prend vivement à l’Allemagne
- Dans un discours prononcé à l’occasion d’un événement du groupe de réflexion Konrad Adenauer Stiftung, Werner Hoyer a fustigé la relation que nouait l’Allemagne avec la Chine, rapporte Politico.
- Selon lui, la plus grande économie d’Europe est en train de se mettre dans la même position de dépendance qui était la sienne vis-à-vis de la Russie sur le plan énergétique jusqu’au début de cette année.
Les propos : Hoyer n’oublie pas Merkel non plus
- « Nous ne pouvons pas être naïfs en pensant que nous conserverons un contrôle suffisant sur notre infrastructure critique si elle est entre les mains de dirigeants autocratiques. Nos infrastructures critiques – réseaux électriques, installations de stockage de gaz et réseaux de distribution, réseaux de communication, ports, chemins de fer et routes – sont toutes d’une importance stratégique. Elles ne devraient jamais tomber entre les mains de la Russie ou de la Chine », a-t-il souligné, en référence à la récente acquisition par un groupe chinois d’un important terminal du port de Hambourg, le plus grand d’Allemagne.
- « Malheureusement, les innovations vertes et numériques en Europe sont également confrontées à des dépendances que nous ne pouvons pas perdre de vue… Nous nous approvisionnons en grande partie en lithium en Chine, même si certains gisements se trouvent également en Europe, par exemple dans la vallée du Rhin », a-t-il également signalé.
- « Sous la direction de l’Allemagne, l’Europe a autorisé la vente du port stratégique du Pirée à la Chine pendant la crise de l’euro », a-t-il rappelé. « Depuis lors, Xi a déclaré à plusieurs reprises qu’il voulait dépasser les États-Unis en tant que puissance mondiale et prendre le contrôle économique non seulement de l’Afrique et de l’Asie, mais aussi de l’Europe. »
- « Sous son dirigeant Xi Jinping, qui a consolidé son pouvoir lors du récent congrès du parti, la Chine se considère comme le modèle le plus efficace de création de richesse, précisément en raison de son leadership autoritaire. Depuis le milieu des années 2010, le pays s’emploie à créer des dépendances dans le monde entier. À travers la construction, l’exploitation et le contrôle d’infrastructures critiques », a-t-il déploré.
- Pour Hoyer, les choix qui sont en train d’être posés sont semblables aux erreurs qui ont été commises ces dernières décennies.
- « Pendant trop longtemps en Europe, et en particulier en Allemagne, nous avons eu l’illusion qu’après la chute du mur de Berlin, la démocratie libérale occidentale triompherait à jamais et deviendrait le modèle de société pour le monde entier », a déclaré le patron de la BEI.
À noter : Hoyer a mené une carrière politique en Allemagne au sein du FDP, réputé pour être bien plus dur à l’égard de la Chine que le SPD de Scholz.
Critiques en cascade
Le contexte : malgré les critiques, le gouvernement allemand assure qu’il n’est pas naïf.
- Les propos de Hoyer font écho à la récente acquisition par le groupe chinois Cosco de 24,99% des parts du terminal à conteneurs de Tollerort (CTT), au port de Hambourg.
- Au moins six ministères allemands étaient opposés à cette opération.
- Scholz a pourtant fait des pieds et des mains pour qu’elle aboutisse.
- Finalement, moyennant quelques rabotages, le deal a été finalisé.
- Quelques jours plus tard, le chancelier allemand s’est rendu à Pékin. Là aussi, les critiques ont été nombreuses, tant en Allemagne qu’ailleurs en Europe.
- « Nous ne devons plus dépendre d’un pays qui ne partage pas nos valeurs », au risque de se rendre « politiquement vulnérables au chantage », a prévenu la ministre écologiste des Affaires étrangères, Annalena Baerbock.
- Toujours au sein de la majorité allemande, le vice-président du FDP, Johannes Vogel, a demandé de « mettre un panneau stop clair devant la Chine ».
- « Il est très important que les États fassent évoluer leur comportement vis-à-vis de la Chine, dans un cadre beaucoup plus coordonné plutôt qu’individuel, comme la Chine évidemment ne cesse de vouloir le faire », a déclaré de son côté le commissaire européen Thierry Breton. « L’ère de la naïveté, c’est terminé. Le marché européen est ouvert, sous conditions. »
- Il est apparu que les États-Unis étaient tout aussi inquiets. Un diplomate a expliqué à Reuters que l’ambassade américaine en Allemagne s’était montrée particulièrement réticente à l’entrée de Cosco dans le port de Hambourg. Ce serait notamment grâce à son alerte que l’Allemagne a décidé d’octroyer 24,99% des parts au groupe chinois, à la place des 35% initialement prévus.
- Réponse cinglante de la Chine, via le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian: « L’ingérence des États-Unis est symptomatique de leur pratique de la diplomatie coercitive. La coopération pragmatique entre la Chine et l’Allemagne est l’affaire des deux pays souverains, les États-Unis ne devraient pas l’attaquer sans raison et n’ont pas le droit de se mêler et d’interférer. »
Dernière minute : le port de Hambourg, oui, une usine de puces électroniques, non
- Ce mercredi, le ministère allemand de l’Économie a annoncé s’être opposé à la vente d’Elmos, une usine de puces électroniques située à Dortmund, à Silex, une filiale suédoise du groupe chinois Microelectronics.
- « Nous devons être très attentifs aux rachats d’entreprises lorsqu’il s’agit d’infrastructures importantes ou lorsqu’il y a un risque de fuite de technologie vers des acquéreurs non européens. Dans le secteur des semi-conducteurs en particulier, il est important pour nous de protéger la souveraineté technologique et économique de l’Allemagne et de l’Europe. Bien sûr, l’Allemagne est et reste un lieu d’investissement ouvert, mais nous ne sommes pas naïfs non plus », a expliqué le ministre compétent, Robert Habeck.
- Amère, la direction d’Elmos a indiqué envisager d’introduire un recours en justice.