C’est officiel, la Belgique part à la chasse aux dealers de cryptos

La « loi crypto » est parue au Moniteur belge. Le plan de surveillance, contrôle et répression est désormais officiellement en place. Les gendarmes financiers n’ont plus qu’à passer à l’action.

Pourquoi est-ce important ?

Face à l’adoption effrénée des bitcoins, altcoins et autres cryptoactifs en tous genres, le gouvernement De Croo n’a pas attendu que l’Europe progresse (lentement) sur la question et a initié un durcissement réglementaire de l'industrie en juin 2021. Le ministre des Finances a déposé son projet de loi le 20 décembre. Les députés fédéraux ont marqué leur accord en commission le 12 janvier 2022 malgré un risque apparent de  "créer une véritable usine à gaz". Avant son vote, survenu à la Chambre le 27 janvier dernier, le ministre Van Peteghem (CD&V) avait assuré qu'il ne s'agissait que d'un "premier pas pour limiter l’utilisation abusive". L'ambition politique étant de purger l'écosystème des fraudeurs et du trafic illicite.

Tolérance zéro pour les vendeurs de cryptos en Belgique ? L’avenir le dira. En tout cas, c’est officiel. Promulguée par le roi et publiée au Moniteur belge, la loi du 1er février 2022 introduit le contrôle des prestataires de services d’échange et de conservation des « monnaies virtuelles ».

En substance, l’autorité belge des marchés financiers, la FSMA, peut désormais surveiller et sanctionner les acteurs qui proposent produits et services crypto. Ces derniers étant tenus de s’enregistrer auprès d’elle.

Pour ce faire, précisions, ajouts et modifications ont été apportés à la précédente loi relative à la prévention du blanchiment de capitaux, du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces (loi du 18 septembre 2017).

Point saillant du nouveau cadre légal, « il est interdit aux personnes physiques ou morales relevant du droit d’un pays tiers d’offrir ou de fournir, sur le territoire belge, des services d’échange entre monnaies virtuelles et monnaies légales ou des services de portefeuilles de conservation », stipule laconiquement le texte.

Closed for business ?

À première vue, la Belgique semble fermer ses frontières aux acteurs crypto étrangers. Stop aux exchanges et autres sociétés qui ne disposeraient d’aucune attache sur notre territoire. Un hermétisme censé protéger les investisseurs belges des dealers et escrocs pullulant sur le marché du bitcoin. Tout en tentant de réduire les possibilités d’évasion de capitaux à la barbe du fisc ou de blanchiment de l’argent sale.

Cela ressemble aussi à une mise en silo de la Belgique pour forcer à rentrer dans le moule de la légalité les Binance de ce monde, géants financiers jusqu’ici tolérés. Mais cette rigueur belge inattendue préoccupe certaines enseignes respectables de la crypto. Des sociétés européennes désireuses d’élargir leur offre chez nous s’interrogent. Cette nouvelle législation induit un risque d’affaires difficilement objectivable, ont confié à Business AM des acteurs historiques.

Un paragraphe du texte de loi vient préalablement nuancer cette interdiction stricte. Les entreprises actives dans les cryptomonnaies sont désormais considérées comme établies en Belgique si elles ont « installé sur le territoire belge des infrastructures électroniques » par le biais desquelles leurs services sont fournis. Reste à savoir si on parle de succursale, de filiale, de site web ou de serveurs informatiques.

Montrer patte blanche

Autre nouveauté, les personnes chargées de la « direction effective » des services crypto doivent démontrer auprès de la FSMA « honorabilité professionnelle » et « expertise adéquate » pour exercer leurs activités.

Le gendarme financier doit dès à présent tenir un registre de ces prestataires de services d’échange entre monnaies virtuelles et monnaies légales et un registre des prestataires de services de portefeuilles de conservation.

Mis à jour pour refléter les modifications apportées au cours des douze derniers mois, les registres mentionnent pour chaque prestataire les données nécessaires à l’identification et, le cas échéant, s’il s’agit d’une entreprise réglementée, son (ses) autre(s) statut(s) réglementé(s).

La nouvelle loi considère comme « entreprise réglementée », une entreprise qui dispose d’un statut réglementé visé par la législation belge sur la surveillance du secteur financier ou d’un statut équivalent dans un autre État européen. Pour autant que l’exercice de ce type d’activités crypto soit autorisé par ce statut.

Coercitif, le nouveau système prévoit des sanctions pénales pour tout prestataire crypto qui ferait obstacle aux inspections et vérifications des autorités de contrôle, refuserait de communiquer ou déformerait les informations requises, refuserait ou renoncerait à l’inscription auprès de la FSMA. À la clé, peine d’emprisonnement d’un mois à un an et/ou amende jusqu’à 10 000 euros.

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