Le numéro 1 mondial des batteries va-t-il s’attirer les foudres de Xi Jinping ? Le président chinois se dit « inquiet » de cette position dominante

« À la fois heureux et inquiet », se dit Xi Jinping, en réponse à un exposé du patron du premier producteur mondial de batteries pour véhicules électriques qui est pourtant chinois. Comment faut-il comprendre cette réponse ?

Pourquoi est-ce important ?

Ant, Alibaba, Jack Ma, la tech et l'immobilier chinois : ces dernières années, Pékin a cherché à couper l'herbe sous le pied des entreprises qui devenaient trop puissantes. Mais la Chine s'est aussi montrée très regardante concernant les questions de sécurité (des données, par exemple), et les utilisent comme un argument pour limiter ou interdire certaines activités. Le secteur des batteries et le numéro 1 mondial, le chinois CATL, seront-ils les prochains sur la liste ?

Dans l’actu : une réunion entre Xi Jinping et des représentants de l’industrie et du commerce. Elle s’est tenue ce lundi, en marge de la session plénière du parlement, où le pays a par exemple annoncé son estimation de la croissance pour 2023.

  • Zeng Yuqun, président du fabricant de batteries CATL, a exposé son importante part de marché au président du pays, à savoir 37% du marché mondial.
  • A cette présentation, Xi Jinping aurait répondu qu’il était « à la fois heureux et inquiet », rapporte Reuters, citant une publication de l’agence de presse officielle Xinhua de ce mardi. La réunion s’est tenue à huis-clos.
  • « Les industries émergentes doivent faire un bon travail de planification, déterminer la taille du marché et les risques encourus. Elles doivent éviter de se lancer seules dans une course à l’invincibilité, au risque de se faire surprendre par d’autres et d’échouer en fin de compte », a énoncé Xi.
    • Il a ajouté que les entreprises doivent « trouver un équilibre entre développement et sécurité ».
    • Ce que Zeng a répondu, ou s’il a répondu, n’est pas indiqué.

Deal avec Ford

Le détail : CATL a récemment annoncé un partenariat avec Ford.

  • Ford construira une nouvelle usine aux États-Unis. Le groupe américain y produira des batteries, en partenariat avec CATL.
  • Mais ce n’est que la plus récente des annonces. En août, le groupe chinois avait annoncé la construction d’une usine en Hongrie. En décembre dernier, l’entreprise a commencé à produire des batteries en Allemagne. L’usine allemande, dont la construction avait commencé en 2019, était même la première installation internationale de CATL.

Xi inquiet… un signe inquiétant ?

L’essentiel : Comment lire les déclarations de Xi Jinping ? Un avertissement pour CATL ?

  • Ce contrat avec Ford, dès son annonce, avait suscité des réactions à Pékin (mais aussi à Washington). Le gouvernement passerait au crible l’entreprise pour voir à quel point Ford aurait accès à la technologie chinoise. Voilà un premier signe que des nuages sombres pourraient bientôt flotter au-dessus de la tête de CATL.
  • Dans les déclarations de Xi Jinping, on peut également lire de tels signes. Les mots « risques » et « sécurité » sont par exemple cités. On le sait, la « sécurité », par exemple des données, est un argument régulièrement utilisé par Pékin pour limiter les activités de ses entreprises à l’étranger, mais aussi, l’inverse, l’activité des entreprises étrangères sur son territoire.
    • Les entreprises publiques ne peuvent par exemple plus travailler avec les Big Four de la comptabilité. Les entreprises chinoises qui veulent faire une introduction en bourse doivent avoir l’approbation des autorités. Les entreprises chinoises cotées aux États-Unis ont failli être rayées à cause d’une question d’audit que Pékin refusait.
  • Ensuite, on le sait aussi, Pékin n’aime pas quand ses entreprises deviennent trop puissantes. C’était par exemple le cas d’Ant Group, le bras financier d’Alibaba, et de son patron Jack Ma. Pékin avait torpillé son introduction en bourse, qui devait être une des plus importantes de l’histoire. Ailleurs dans la tech aussi, Pékin a serré la vis ces dernières années. Autre secteur chinois important : l’immobilier. Là aussi, Pékin a limité les possibilités de prise de dettes, ce qui a contribué à provoquer la crise d’Evergrande et d’autres.
    • Les véhicules électriques, tout comme les batteries sous le capot, sont un secteur en plein boom. Les constructeurs chinois y jouent un rôle important. Sera-t-il le prochain à s’attirer les foudres de Pékin ?
    • Si Xi Jinping se dit « inquiet » au sujet de la position dominante de CATL, il faudrait peut-être plutôt l’entendre comme un signe que c’est à CATL de commencer s’inquiéter.
    • Les entreprises « doivent éviter de se lancer seules dans une course à l’invincibilité, au risque de se faire surprendre par d’autres et d’échouer en fin de compte » : si on relit la phrase de Xi Jinping en gardant en tête les récents serrages de vis, elle sonne en effet plus comme un avertissement qu’un conseil à un businessman.
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